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Marie Magdeleine, premier témoin du ressuscité

Disciple de Jésus qu’elle suit jusqu’à ses derniers jours au pied de la croix. C’est la femme la plus présente dans le nouveau testament. La chronique de Jesús Asurmendi

Le personnage est très célèbre dans la tradition chrétienne. Elle était originaire de Magdala sur la rive droite du lac de Galilée, entre Tibériade et Capharnaüm. D’où son nom « Magdeleine », celle de Magdala. Par la suite, Magdeleine est devenu un prénom dans la chrétienté jusqu’à nos jours. Elle est fêtée le 22 juillet. 

Fra Angelico, Noli me tangere, 1440-41,
basilique San Marco, Florence

Elle fut délivrée et guérie par Jésus selon Luc 8,2 : « Les Douze l’accompagnaient, ainsi que des femmes qui avaient été guéries de maladies et d’esprits mauvais : Marie, appelée Madeleine, de laquelle étaient sortis sept démons ». Ce n’est pas peu dire. Sept est le nombre qui évoque la plénitude. Elle, et d’autres femmes, deviennent disciples de Jésus, ce qui était inconcevable pour un rabbi de l’époque. On la retrouve donc au pied de la croix et lors de l’ensevelissement du maître en Mc 15,40-41 : « Alors Joseph acheta un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un tombeau qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau. Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, observaient l’endroit où on l’avait mis. » Elle a une très forte expérience de la présence du ressuscité (les synoptiques et Jean coïncident) et est chargée par Jésus d’annoncer sa résurrection : « Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. Un jeune homme vêtu de blanc leur dit. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » (Mc 16). 

La scène est encore plus poignante dans Jean 20,1-2.11-18. « Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau… Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit. »

Gregor Erhart, Marie-Madeleine, ca 1515-20,
Musée du Louvre

Elle apparaît ainsi comme un disciple de premier plan : les experts considèrent Mc 16,9-20 comme un agrégat provenant des différents textes évangéliques. Tout en étant plus que probable, la figure de Marie Madeleine montre là sa place essentielle parmi les témoins du ressuscité. La place des femmes dans cette affaire est d’autant plus remarquable que le témoignage d’une femme était, en principe suspect, et juridiquement pas valable. Elles jouent un rôle primordial et parmi elles, Marie Madeleine, femme et qui plus est « pécheresse », prostituée. C’est une illustration de la parole du maître : « Publicains et prostituées vous devanceront au Royaume » (Mt 21,31).

En Occident la tradition l’a identifiée à Marie de Béthanie (Mc 16,9) et à la pécheresse qui parfuma Jésus chez Simon. « Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. Il dit alors à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme, qui va jusqu’à pardonner les péchés ? » Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ! » (Lc 7,47). Il est vrai que le texte évangélique n’identifie pas la femme. Mais cette identification n’est pas extravagante, loin de là. L’expression « elle a montré beaucoup d’amour » est ambiguë. Mais dans tous les cas elle colle bien avec le profil de Marie Madeleine. Il est vrai qu’on ne prête qu’aux riches. Mais le nom de Marie est tellement courant que l’on finit par les mélanger toutes.

Le Perugin, Marie Madeleine,
ca 1500, Gal. Palatine, Florence

Par ailleurs, la vie quotidienne n’était pas de tout confort. Jésus était un rabbi itinérant et les nuits, il les passait là où la nuit tombait, la plupart du temps dans les champs. Être disciple de Jésus n’était pas évident, et pour une femme encore moins.

En Occident, un certain courant littéraire et cinématographique a fait de Marie Magdeleine la « copine » de Jésus. Ce que les évangiles ne permettent pas mais qui, en même temps, ne manque pas de piquant. Le profil singulier de Marie Magdeleine est, sans doute, la cause de sa popularité en Occident, tant dans la littérature que dans la peinture, profil permettant tous les débordements de l’imagination. 

Jesús Asurmendi

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Jesús Asurmendi

Bibliste. Professeur honoraire à l'Institut Catholique de Paris.
Parmi ses publications, « Du non-sens — L'Ecclésiaste », Éditions du Cerf, Paris, 2012 ; « Job », Éditions de l'Atelier, Paris, 1999.

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