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Au souffle de la créativité dans l’Église

Co-créateurs 
La Bible, l’Évangile en particulier, répètent : soyez créatifs !
Le Créateur, non pas fatigué mais heureux, se reposa le septième jour. Il se « retira » pour laisser de la place, nous incitant à être à notre tour co-créateurs. Moïse, le chef de file, ne mit pas les pieds sur la terre promise au peuple hébreu : il fallait imposer la séparation à la communauté pour qu’elle devienne créative à son tour.

Jésus concluait souvent ses rencontres par « Va ! », invitant chacun à quitter ses attaches et à développer sa créativité. Christ se retira du monde et imposa une curieuse absence–présence, pour nous laisser agir et construire l’incarnation de la confiance. L’Esprit de Pentecôte fit de disciples peureux, des marcheurs, des orateurs, des organisateurs.

Un humble « désordre » 

Le pape François, rencontrant des Français engagés pour l’écologie, affirmait : « Faites la révolution, faites du désordre. Le monde est sourd (j’ajoute : l’Église est sourde), il faut lui ouvrir les oreilles » (1). Il déclarait à une autre occasion : « L’Évangile est désordre parce que quand l’Esprit arrive, il fait du vacarme au point que l’action des apôtres semble être l’action de personnes ivres. La docilité à l’Esprit est révolutionnaire parce que la résurrection est révolutionnaire. Votre envoi doit lui aussi avoir ces caractéristiques révolutionnaires ».(2)

La capacité créatrice nous convie à l’humilité : le Souffle est un cadeau, l’appel à la co-création est confiance. Pas un privilège qui serait mérité du fait de nos capacités ou de nos certitudes novatrices. Devant une œuvre d’art enfouie sous la terre et soudainement découverte, les juristes parlent « d’invention ». Le découvreur est un inventeur. Devenir créatif, c’est accepter « d’inventer », de bousculer certains ordres, non par plaisir mais pour provoquer dans toute institution, fut-elle ecclésiale, des fissures révélant les capacités d’amour et de vie, enfouies en chacun.

Nomade depuis trois mois, la communauté Saint-Merry Hors-Les-Murs fait l’expérience des failles, au cœur d’un bousculement radical. Comment, dans une démarche commune de refondation, laisser pénétrer ce que suggère le Souffle de la créativité ? Cela impose de pratiquer entre nous « une pédagogie de l’autre ». De savoir aussi, en développant l’art de l’écoute et du débat, inventer des modalités pour la prise de décision qui permettront à la communauté d’avancer, d’oser un pas même si chaque pas est à la fois provisoire et essentiel.

La vie qui germe

Regardant autour de nous, célébrons ce qui fut inventé dans le monde et par l’Église, au service des plus fragiles, pour davantage de justice, de partage et d’amour. Nous ne célébrons jamais assez la vie qui germe en chaque individu et chaque communauté.
Tentons également de revisiter les lumières et les ombres de l’histoire du centre pastoral, non dans un esprit nostalgique. Encore moins pour régler des comptes, mais pour décaper l’institution de tout ce qui a pu alourdir sa démarche et lui faire perdre la simplicité « des chemins nouveaux pour l’Église » qu’il nous était demandé d’inventer en 1975… comme aujourd’hui en 2021.

Création, contextualisation

Nous avons voulu dire l’importance d’une assemblée participative dans la célébration. Pratiquer l’accueil de tous et toutes, tout spécialement des personnes « marginalisées » par certaines paroles de l’Église. Nous avons tenté de vivre la communion ecclésiale et la coresponsabilité dans l’animation du groupe. L’écoute de ce que disent l’art et la culture moderne au monde, a habité les murs de Saint-Merry. Le service des plus petits nous a invités à nouer de vrais partenariats. Sans oublier ces choix, mais aussi sans les répéter, comment être vraiment créatifs pour les incarner d’une manière nouvelle, aujourd’hui et demain, au service de l’Évangile ?
Chacun, tout en marchant à son pas, est invité à cheminer en communion. Non pas en uniformité mais dans un mouvement où le « goût de l’autre » (3) serait en harmonie avec le goût de soi.
Prophétisme et créativité font bon ménage s’ils se mettent radicalement au service de l’autre. S’ils savent le faire dans la joie ! Dans la sérénité que procure une confiance accueillie, tout simplement pour elle-même. En route, au souffle de la confiance qui fait de nous des créatifs !

1/ Discours du 15 mars 2021
2/ Discours à l’Action Catholique italienne, 30 avril 2021
3/ Elena Lasida, Ed Albin Michel

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Guy Aurenche

Avocat honoraire, membre de la Commission Droits de l’homme de Pax Christi, ancien président de l’ACAT et du CCFD-Terre solidaire. À lire de Guy Aurenche : « Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun ! », éd. Temps présent, 2018.

  1. François
    François says:

    Dieu fit l’homme à son image….
    Dieu, le créateur, nous fit à son image : créateurs !
    La création n’est pas finie : la co-création commence dès le 8ème jour…
    Quelle responsabilité ! Qui nous éloigne de toute vision prométhéenne… et porte un beau nom : l’humanisation.
    La loi de la nature ne peut être la notre, c’est la loi de la jungle. La nature n’est pas non plus une mère dont on pourrait téter le sein jusqu’à plus soif au risque de l’épuiser définitivement. Il faut humaniser notre relation à la nature. Cf “laudate si”…
    Tout est à humaniser : nos rapports sociaux, notre relation au travail, notre Eglise/institution, nos communautés, notre sexualité : Quel programme !!!!
    Mais nous ne sommes pas seuls, Il nous l’a promis et envoyé l’Esprit…
    Y croyons nous pleinement ?

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