Tel était le thème de cet évènement exceptionnel suivi d’un Forum rassemblant 30 associations engagées dans le dialogue et l’action pour la fraternité. Dimanche 6 février 2022, un millier de musulmans et de chrétiens, dont une bonne douzaine de saint-merriens, se sont retrouvés à l’église Saint-Sulpice (Paris 6e).
Dans le cadre de la Journée internationale de la fraternité humaine, cette rencontre était initiée par Ensemble avec Marie, mouvement spirituel, populaire et citoyen dont le but est de « sensibiliser les franciliens à la fraternité, au respect de l’autre, de sa religion et au dialogue islamo-chrétien ».
> Henri de la Hougue, curé de Saint-Sulpice, introduit ce temps fraternel : « Nous n’avons pas la même manière d’appréhender Dieu, mais notre foi est commune. Ce même Dieu nous invite à nous mettre à l’écoute de ce que chacun peut exprimer sur Dieu.
> Gérard Testard, co-responsable d’Ensemble avec Marie, présente la mère de Jésus comme « un modèle de foi et de fraternité ; elle nous veut artisans de paix, luttant contre des replis identitaires ; elle nous invite à ré-enchanter notre société plurielle. La confiance nous aide à lever les yeux vers un horizon plus fraternel. »
> Isabelle Saint-Martin, historienne, dans son intervention intitulée « Connaître les religions, une démarche laïque », évoque l’importance de l’enseignement des faits religieux dans l’école laïque. Les « faits religieux » y sont des objets de savoir et non de croire. Le socle commun des connaissances y invite à percevoir la pluralité des modes de penser, de croire ou de ne pas croire. L’Histoire des arts permet également de s’initier aux différentes expressions de la foi, de faire l’expérience de l’altérité. L’enseignement des faits religieux permet ainsi de lutter contre les préjugés, contre une ignorance génératrice de peurs, d’ouvrir un espace de débat, l’élève prenant de la distance par rapport à ses convictions.
> Karima Berger, écrivaine et ancienne présidente d’Écritures & Spiritualités, dans un style poétique, parle de la confiance « comme un début de tout ». « Nous avons à nous abandonner à l’invisible, à naître une seconde fois comme Marie, Issa, Mohammed. Dire un ‘‘oui’’ à la vie. L’abandon confiant n’est pas une chose facile. C’est une lutte interne pour se rapprocher du Seigneur mais suivie d’une joie toute neuve… » K. Berger termine en évoquant un rêve qui fait écho à la rencontre à Damiette en 1219 de François d’Assise et Malik al Kamil : une rencontre entre François et Abdelkader, autre pionnier du dialogue interreligieux.
> Christian Delorme, prêtre délégué épiscopal pour les relations interreligieuses du diocèse de Lyon, commence par rappeler, avec exaltation et gratitude, la confiance que Dieu a mis en l’homme lors de la création, celle de Marie à l’Annonciation. Pour lui, vivre, c’est faire confiance à l’autre. Notre confiance à Dieu, quelles que soient nos traditions, s’accompagne d’un pacte de fidélité à la parole donnée. La confiance en l’autre qui peut chercher à manipuler, accepte les risques. Il nous invite à en prendre un par une citation : « Aller à la rencontre de l’autre, c’est prendre le risque de l’aimer. »
> Pierre Lacoste, pasteur, s’excuse presque de prendre la parole. « Pour moi, Marie n’est pas une sainte mais c’est une sœur dont l’expérience de foi m’inspire ; elle cherche à retenir ce qui lui échappe, elle prend le risque de l’interprétation de la parole et de naître à une vie nouvelle. Elle s’abandonne et a su s’exposer à la Parole de son Sauveur… »
> Georges Pontier, ex-évêque de Marseille et actuellement administrateur du diocèse de Paris,
parle avec chaleur de son expérience marseillaise en évoquant trois initiatives : un partage régulier « humain et spirituel » entre imams et prêtres, des rencontres familiales mensuelles de trois cents personnes et, dans certaines écoles catholiques qui reçoivent jusqu’à 90 % d’enfants de confession musulmane, une joie vécue de la rencontre. Confiant, il conclut que : « peut-être le monde ne va pas vers le pire. »
Ces témoignages sur la confiance sont intercalés de chants et musiques interprétés par un chœur d’enfants et de jeunes, chrétiens et musulmans, formé pour l’occasion et dirigé par un toujours tonique Laurent Grzybowski.
Qu’ensemble nous puissions avancer
extrait de l’invocation commune lue par tous
sur les chemins de la rencontre et du dialogue pour faire advenir la paix là où nous sommes.
Des temps de silence et de prières ont été observés autour de textes chantés de livres sacrés.
Dans le prolongement de la célébration, le forum rassemblant des stands thématiques a permis la rencontre et les échanges avec de nombreuses associations engagées dans le dialogue et l’action pour la fraternité, dans les bas-côtés de l’église devenus vite trop étroits, un temps de convivialité autour d’un verre de l’amitié accompagné d’excellents gâteaux.
Les tenants des pseudo-théories de “choc des civilisations” et du “grand remplacement” ont raté un beau et joyeux moment de fraternité et d’hospitalité réciproque. D’autres suivront bientôt.
Jean-Marc Noirot
A Saint Sulpice, le 6, je tenais à y être. Grand moment comme le décrit justement Jean Claude Noirot.
En effet, monseigneur Ponthier a résumé en peu de mots l’évènement qui venait de faire franchir un seuil à l’assemblée présente, à savoir que l’avenir n’avait pas obligatoirement la couleur de la mort. L’espérance des chrétiens se joue là.
Marie Thérèse Joudiou
Bonjour,
Je ne trouve pas dans votre article la prise de parole d’une ou d’un musulman, après plusieurs personnes chrétiennes.
Je vais être ironique, l’église catholique les invite mais ils doivent rester en silence?
Cordialement.
Effectivement, c’était un grand moment de fraternité et de joie, je n’aurai jamais imaginé que dans l’ambiance actuelle, on puisse réunir autant de monde, et il y avait des jeunes, certes beaucoup plus côté musulmans que chrétiens; je vais avoir désormais une autre image de l’église Saint Sulpice !
La remarque de M. Sauzet est plutôt juste à propos de mon article, mais moins en ce qui concerne “Ensemble avec Marie”. Une information qui semble avoir échapper à M.Sauzet : Karima Berger est musulmane. Mais je dois battre ma coulpe ayant omis trois témoignages : – celui de Samra Seddik, sage-femme, fondatrice de l’association, ” Un petit bagage d’amour”, qui vient avant tout en aide aux mamans et futures mamans en grande précarité – réfugiées, sans-abri, femmes en situation d’extrême pauvreté. Cette dernière répond aux besoins matériels immédiats pour l’accouchement et le séjour à la maternité.
– celui de Samad Akrach, fondateur de l’association “Tahara”, association qui se spécialise dans les toilettes de défunts selon le rite musulman. Il nous partage ses difficultés récentes dues à la crise du covid. – celui de Domitille Parant, active au sein d’un foyer “Marthe et Marie”, lieu dont le but est d’aider les femmes enceintes en difficulté en leur proposant une solution d’hébergement à loyer modéré : la colocation solidaire.