« Vous demandiez à l’archevêque de Paris que le Centre pastoral Saint-Merry puisse “poursuivre sa mission”. Vous appeliez à l’espérance. Et vous aviez raison ! Saint-Merry est bien vivant, un an après l’annonce de la fin de la mission qui lui fut confiée en 1975 par le cardinal Marty ».
Lettre ouverte aux 12 000 signataires de notre appel du 11 février 2021.
Il est venu le temps de la confiance et de l’inventivité
Non pas le temps de l’amertume face à une décision incompréhensible au regard de l’Évangile, mais le temps de relire les « signes des temps » comme le demandait Jésus lui-même. Le temps de replacer cet « événement », car il s’agit bien d’un événement, dans le contexte dans lequel l’Église peut remplir sa mission au service de l’espérance, de l’amour vraiment incarné dans l’Église et dans la société. Cependant, n’allons pas trop vite.
La fermeture d’une communauté vieille de plus de 45 ans et regroupant près de 500 personnes, n’est pas banale et mérite une relecture
Pas banal non plus qu’une communauté catholique soit « fermée » et interdite de célébrer l’eucharistie dans une église où elle le faisait depuis des décennies.
Pas banal de voir un responsable d’Église prendre une décision aussi radicale sans la moindre concertation préalable, et ce, quels que soient les motifs invoqués.
Pas banal qu’un hiérarque s’enferme pendant neuf mois dans un complet mutisme mortifère à l’égard du troupeau qu’il venait de liquider parce que quelques brebis avaient pu mordre le pasteur.
Pas banal qu’un archevêque de Paris présente sa démission et que celle-ci soit acceptée par le Vatican en moins de huit jours.
Rien de banal dans tout cela, sans oublier que ces « événements » s’inscrivent dans un contexte catastrophique qui touche l’Église catholique de France et bien au-delà : la dénonciation salutaire des crimes de pédocriminalité commis par des clercs, dans le mépris total des victimes et dans le silence assourdissant de la majorité des responsables.
Le cléricalisme autoritaire et l’oubli du souffle de l’Évangile font partie des causes de cette très triste réalité
La dénonciation de ces dérives par le pape François ne relève pas d’un souci de management ni d’organisation. Il rejoint le souffle fondamental de l’élan chrétien : la promotion de la dignité de chaque personne et de toute communauté humaine, au nom de l’amour sans limite que Dieu lui porte.
Depuis une année, Saint-Merry, devenu hors-les-murs, a vécu un temps de nomadisme
Une vieille et féconde tradition biblique. « La marche donne à l’espérance, sa juste mesure » affirment un apprenti jésuite et un chercheur de sens, partis, sans un sou, marcher pendant un mois au sud du Massif central. « Il faut du temps à la grâce pour investir un homme et assouplir son cœur » [1]C. Wright, Le temps des estives, Flammarion, Paris, 2021.
Sans doute faut-il aussi du temps pour vivre vraiment la rencontre de l’autre, (y compris dans une communauté), et pour apprendre à « s’exiler de soi, habiter la langue de l’autre, se laisser envahir par ses mots ».
Pour rappeler à toute communauté chrétienne le danger qu’elle court immanquablement : le christianisme (dont chacun de nous est coresponsable), doit se méfier « des bigots et de ces étouffeurs de l’esprit qui injectent les toxines de la morale et barrent l’accès à la source ».
Par ailleurs et plus positivement, ces nomades se sont laissés émerveiller par la nature, l’art, un sourire, une aube : « La beauté nous tire de nous-mêmes et nous ouvre sur un au-delà ».
Partageons-nous leur conclusion ? « La virée m’a enseigné qu’avoir peu de bien procure une paix imperturbable, une tranquillité souveraine, une allégresse continuelle… tendant vers l’invisible ». Et pour nous, quels sont les fruits de notre « virée » ?
En effet c’est un peu ce que nous avons vécu depuis un an : le partage hebdomadaire de la Parole (en zoom), la célébration eucharistique mensuelle, le travail de multiples groupes pour relire le passé et inventer l’avenir, l’accueil fraternel par d’autres communautés, les diverses activités de solidarité, la rencontre avec l’art contemporain, la communication et le partage de la réflexion à travers un site vivant, des débats, un livre… etc.
Amis signataires de l’appel du 11 février 2021, vous nous appelez aujourd’hui à l’invention. À imaginer quels traits pourraient prendre une communauté, une Église pour le 21e siècle
Inventons, en mêlant l’outil numérique aux indispensables rencontres « en présentiel », en travaillant notre projet pastoral qui pourrait inspirer la nouvelle mission qui nous serait confiée, en mettant au cœur de la célébration et des réflexions, les cris, les attentes, le génie de la société parisienne contemporaine.
Sans doute aussi en relisant notre aventure passée à travers ses bonheurs et ses malheurs, ses bienfaits et ses « mal faits », sans chercher des bouc-émissaires mais en prenant la mesure de la responsabilité partagée. Non pour une marche arrière, mais dans l’esprit du « Faire route ensemble », auquel l’Église est invitée en préparant le synode sur la synodalité.
C’est bien de confiance dont il s’agit et de son inséparable compagne, l’espérance.
Notes
↑1 | C. Wright, Le temps des estives, Flammarion, Paris, 2021 |
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