Que de remue-ménage, d’interrogations dans l’Église de France, et plus particulièrement dans l’Église de Paris ? Changement de pilote à Paris, questionnements autour de la synodalité partout et un « après CIASE » difficile. Dans « la Croix-l’Hebdo » du 22 mai, Isabelle de Gaulmyn décrypte le livre tout récent de Danielle Hervieu-Léger et Jean-Louis Schegel intitulé Vers l’implosion ? qui analyse longuement « un catholicisme français éclaté ».
De ce livre, le commentaire d’Isabelle de Gaulmyn tire un raccourci saisissant de pertinence : car au temps de cette grande consultation sur la synodalité, il est bon de disposer d’une évaluation sans concession de la situation de cette Église pour mesurer les réponses apportées.
Ainsi, avant de donner ses propres analyses, elle signale les principaux constats mis en valeur par l’ouvrage :
- un catholicisme éclaté, entre des camps devenus quasi irréconciliables
- l’incapacité à adapter le catholicisme au fait minoritaire
- la confrontation entre une vision « territoriale/impériale » et une vision diasporique du catholicisme
- l’impuissance de l’institution elle-même à fixer un cap et un cadre partageable par tous les fidèles.
Le tout, selon les auteurs, constituant la « brève histoire d’une Eglise bloquée ».
Mais Isabelle de Gaulmyn va au delà du propos du livre en soulignant que « les évêques ne sont pas les seules instances de régulation du catholicisme ». Merci Isabelle, ne serait-ce pas une forme de cléricalisme de le penser ? Que d’’acteurs nombreux sur ce terrain – mouvements, associations, écoles, presse, familles religieuses, et tout un monde laïc très formé – acteurs souvent si occultés par cette hiérarchie ! Apprendre à observer cette « Église d’en bas » dans toute sa richesse ! Car une certaine absence des évêques comme animateurs dynamiques de toutes ces composantes l’a amenée à se construire et prendre sa place en toute liberté, à innover avec les moyens du bord, toujours active et à l‘écoute dans le monde d’aujourd’hui.
Sans doute beaucoup à lire dans cet ouvrage. Mais au delà des commentaires d’Isabelle de Gaulmyn, deux remarques pour l’instant :
D’abord, comment les retours du questionnaire synodal vont-ils interférer avec ces analyses ? Seront-ils un support pour une nouvelle dynamique ? La masse de propositions permet de l’espérer, avec des retours sans langue de bois. Mais un phénomène générationnel très significatif va émerger à l’analyse des réponses – phénomène sans doute général – : une majorité des réponses proviennent des plus de 60 ans, soit des générations formées avant le tournant des années 80, départ de Mgr Marty, arrivée de Mgr Lustiger, suppression des aumôniers de lycée… une rupture dans la formation de générations de chrétiens.
Ensuite, quelle peut être la place de Saint-Merry dans cette « histoire », communauté qui a été lancée dans la trajectoire d’une mission d’Église d’avant les années 80, orientée sur les liens avec la culture contemporaine et l’ouverture au monde, dans l’esprit de Vatican II ? Mission qui a perduré au travers des années jusqu’à la rupture et qui cherche aujourd’hui à construire son avenir. C’est dans les grandes tendances d’un futur de l’Eglise qu’il faut le réfléchir : comment et sous quelle forme cette mission peut-elle se traduire, demain ?
Anne René-Bazin
Vers l’implosion, Ed. Seuil, 400 p., 23,50 €
Je ne trouve pas le texte d’Isabelle de Gaulmyn dans la Croix l’hebdo que je lis bien régulièrement.
Mais je vais lire le livre
J’ai déjà lu tous commentaires et échanges sur le Blog de rené Poujol
Après l’incendie de Notre Dame une équipe de spécialistes de tout corps d’état se sont réunis pour penser l’avenir de cette “bonne vieille” cathédrale. Ils ont étudié, son histoire, celle de sa construction, celle de sa vocation, celle de sa vie. Les conclusion ont été variées tout comme les propositions… Refaire à l’identique (cf la flèche de Viollet le Duc), avec des matériaux identiques à l’origine…s’autoriser à étudier de nouveaux matériaux et les adapter…faire une adaptation des différents types de techniques…
Je ne sais si les décisions sont encore définitives mais le chantier se poursuit tant dans et sur la bâtiment lui-même que au niveau de la réflexion dans les bureaux d’architectes, de maîtres d’ouvrage, ou de fabricants-fournisseurs de matériaux.
L’Église pourrait-elle se dispenser de tout ce travail indispensable à sa vie du XXI° siècle fait par des nombreux spécialistes ?
Ces femmes ou hommes spécialistes, chacun dans leur domaine, peuvent être écoutés et même entendus s’ils sont convoqués.. Ils existent, ne font sans doute pas parler d’eux. Mais qui va les convoquer aujourd’hui ? Y a-t-il des lieux, des cadres pour leur donner la parole (en dehors des médias) ?
Le synode est certainement le lieu et le temps pour laisser une place à des “paroles autres” bien ancrées dans les réalités de ce monde du XXI° siècle.
Si des paroles sortent “hors des clous” de l’Église officielle, qu’elles trouvent leur place dans les rapports des travaux du synode afin d’ouvrir des portes pour ceux qui travailleront sur tout ce qui pourrait ressembler à des propositions. Bon vent, que l’Esprit souffle très fort sur celles et ceux qui oeuvrent sur le synode.