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La scolarisation des filles au Tchad

Trois membres de la Commission Partage nous transmettent les nouvelles de leur appui solidaire au Tchad pour l’aide à la scolarisation d’un groupe de jeunes filles à Mailao.

L’histoire d’une rencontre

En 2018 Nicolas Guérin, ancien curé de Saint-Merry, nous parle d’un ancien élève, le père Prudent Nadjitogue, curé de la paroisse Saint-François-Xavier de Mailao et de ses projets pour son petit village se situant à 75 km de N’Djamena, capitale du Tchad. Celui-ci nous en envoie trois, parmi lesquels nous choisissons celui qui concerne la scolarisation des filles.
Avec Nicolas, nous rencontrons le père Prudent de passage à Paris en juin 2019 et nous sommes bouleversés par la pauvreté des moyens dont il dispose pour l’école. La classe est un espace entouré de bambous, les enfants sont serrés, assis sur des briques ou par terre, le bureau du directeur est une simple table en bois posée sous un arbre au milieu de nulle part… Les enfants restent à l’école de 7 heures à 13 heures sans manger.

Bureau-du-directeur
Bureau du directeur

Le choix de la scolarisation des filles

Les photos qu’il nous montre nous font saisir l’extrême dénuement de ce village, et nous conforte dans la décision de rendre la communauté de Saint-Merry partie prenante de cet effort de scolarisation. Surtout pour les filles qui ne vont pas à l’école. Au Tchad l’école n’est pas gratuite et les parents sont trop pauvres pour payer les frais « d’écolage » : inscriptions, livres et fournitures de tous leurs enfants. Ils choisissent de payer pour les garçons, tandis que les filles sont astreintes aux travaux ménagers et aux travaux des champs. De plus elles sont mariées le plus souvent vers l’âge de 13-14 ans… Après cette rencontre, nous décidons d’allouer 1.000 euros, ce qui permet à 50 jeunes filles d’aller à l’école en ouvrant cinq classes de primaire. Elles sont très désireuses d’étudier et de devenir autonomes. À cette somme, nous ajoutons 500 euros pour la construction d’un hangar en dur, en bois, résistant aux intempéries et permettant de faire la classe pendant la saison des pluies.

Classe-mixte-exceptionnelle au Tchad
Classe mixte exceptionnelle

Nous devions nous revoir l’année suivante lors du passage en France de Prudent mais la pandémie en a décidé autrement. Nous organisons régulièrement des rencontres par Zoom avec Nicolas et Prudent, parfois sur WhatsApp car c’est compliqué pour Prudent, il doit aller à la capitale n’ayant pas internet dans son village. Il nous a partagé sa tristesse de la mort de nombreux enfants du fait de la varicelle, ce qui nous a beaucoup touchés. La vaccination n’est pas obligatoire au Tchad, faute de vaccins. Le père Prudent nous a écrit en 2020 pour nous faire part des difficultés dues au confinement du printemps. Il nous a assuré ensuite que tout revenait à la normale peu à peu.
Nous avons fait parvenir 1.000 euros en octobre 2020 pour une nouvelle année de scolarisation des jeunes filles.

Début 2021 nous avons reçu les vœux du père Prudent assez préoccupants :

« Je vous adresse encore mes vœux du nouvel an. J’espère que vous allez bien. Actuellement notre capitale N’Djamena est confinée car le nombre de cas continue d’augmenter. Nous restons en prière les uns les autres. Je m’excuse du retard accusé pour répondre promptement. Cela est dû à la situation liée à la pandémie.

  • Le hangar construit est relativement grand avec une durée de vie moyenne de deux à trois ans. Ça dépendra de son utilisation. Il a été construit par une main d’œuvre locale.
  • Nous avons inscrit en moyenne 50 filles. En plus des inscriptions nous leur avons donné quelques fournitures scolaires.
  • La somme accordée a été aussitôt utilisée car les choses devenaient de plus en plus chères et rares dans les marchés et les magasins vu que les frontières étaient fermées à cause de la pandémie ; en plus, le Tchad étant un pays enclavé, le ravitaillement en matériaux est difficile.

Nous vous sommes très reconnaissants. Dieu vous bénisse et vous protège.
Mes sincères sympathies à toute l’équipe que je salue cordialement.
Union de prière. »

Des premiers résultats

Nous rencontrons à nouveau le P. Prudent qui a pu venir à Paris en juin 2O21. Il nous fait part du bonheur des filles et de leurs grands progrès. Deux d’entre elles sont les meilleures élèves et sont allées à la capitale pour rencontrer, avec une dizaine d’autres jeunes filles de différents villages, le responsable à Rome du dicastère sur le développement intégral. C’est un honneur pour elles et pour le père Prudent.

une-fille-au-tableau
Une fille au tableau

« Cela montre que la femme est intelligente et qu’elle n’est pas faite
seulement pour rester à la maison », nous dit-il.
Il est content d’avoir évité le mariage forcé pour un certain nombre de filles.

Il nous expose le besoin de construire un deuxième hangar en bois, pour les garçons, le premier servant aux filles, afin que tous les enfants puissent avoir classe pendant la saison des pluies. Nous lui envoyons 500 euros. Plus tard, en février 2022, il nous demandera de financer un groupe électrogène (250 euros) pour organiser des cours du soir à la lumière électrique, car il fait nuit tous les jours à 6 h du soir et un compteur électrique (400 euros).

Une recherche de relais pour une perspective à long terme

Nous restons en contact avec le père Prudent, mais notre participation financière ayant duré trois ans, nous devons chercher avec lui des relais pour que cette action se pérennise dans les années à venir. Pour cela nous rencontrons par Zoom, avec Jacques Debouverie qui nous introduit auprès de lui, Bruno Angsthelm responsable stratégique du Tchad pour le CCFD ; il y va une ou deux fois par an depuis 20 ans. Cette rencontre très intéressante nous apporte beaucoup d’informations sur le pays.

Concernant l’éducation des jeunes filles, Bruno pense que peuvent se créer des projets permettant de générer des recettes pour assurer les frais « d’écolage ». Les AGR, actions génératrices de revenus, sont à instaurer. Il faudrait former des femmes qui gèrent des maraichages ou des petits commerces. Le CCFD soutient un réseau de jeunes médiatrices sociales à N’Djaména qui peuvent être des interlocutrices. Bruno peut contacter ses réseaux pour vérifier l’honnêteté des personnes.

Dernièrement, Isabelle Mérian a rencontré en Bretagne, Fortuna Alatarat, responsable tchadien d’une ONG, le GRAVE, Groupe de Recherche et d’Animation du Vivre Ensemble, soutenue par le CCFD. Il est venu présenter le partenariat dans le cadre des activités de carême du CCFD en Bretagne. Il se trouve qu’il connaît bien le père Prudent ce qui pourra faciliter les échanges.
Mais actuellement l’urgence vitale est ailleurs.

Des urgences à court terme liées aux inondations hors normes fin 2022 ont touché le Tchad

Lors de notre échange via Zoom fin novembre 2022, Prudent nous décrit au téléphone une situation catastrophique liée aux inondations torrentielles qui ont touché le pays. Les gens ont dû fuir leur maison pour ne pas être noyés et quand ils reviennent après une accalmie, ils l’ont trouvée habitée par des crocodiles, des hippopotames et des gros serpents arrivés là avec la montée des eaux…
Il nous envoie une photo de lui au milieu du village avec de l’eau jusqu’à la taille. Et le choléra s’installe, faisant mourir les plus fragiles. Nous demandons alors à la communauté d’intervenir et on envoie une somme de 1.000 euros pour les médicaments.
Récemment, alors que nous voulions faire un point sur les perspectives suggérées par le CCFD, Prudent nous a fait un nouvel appel à l’aide pour soigner 20 femmes enceintes et 70 nourrissons.
En raison de nos liens anciens, il a été décidé que la quête du 14 mai serait consacrée à cet appel.

Une rencontre prévue à Paris

En dehors de cet état d’urgence, la communauté de Saint-Merry, par le biais de la Commission Partage, a le bonheur d’avoir aidé à la scolarisation de 50 très jeunes filles pendant trois ans et d’avoir amélioré les conditions matérielles des élèves. Pour une somme assez modique pour nous, mais importante pour eux et extrêmement utile, elle a permis à ces jeunes filles d’accéder aux mêmes droits que les garçons.

Prudent compte venir en France cet été. Dès que cela se concrétise, nous organiserons une réunion ouverte à tous pour permettre un échange direct avec tous ceux qui le souhaitent.

Geneviève P.M., Isabelle M. et Jean-Marc B.
pour la Commission Partage Solidarité Internationale

CategoriesTémoignages
  1. Solange de Raynal says:

    merci de ces informations, je suis passée complètement à côté de cette action positive pour les jeunes filles tchadiennes, n’ayant appris l’existence du père Prudent qu’à la quête du 14 mai à propos des inondations !

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