Le Vatican est aussi un État : il est donc concerné par la question Palestine-Israël. Le directeur éditorial de Vatican News en a rappelé les déclarations officielles depuis 1975 (à lire ICI). Marguerite Champeaux-Rousselot nous en propose la synthèse après les avoir resituées, car elles peuvent sans doute nous aider à réfléchir.
La situation bouge, mais quelle est la ligne du Vatican depuis 1975 sur ce conflit Israël-Palestine ? En juin 2024, 164 des 192 États membres de l’ONU ont déjà reconnu Israël comme État, dont la France dès 1949, et 147 pays la Palestine comme État. En juin 2025, un congrès mondial sur « la solution à deux États » aurait dû se tenir à l’ONU, mais la guerre soudaine Israël-Iran l’a fait ajourner. En septembre 2025, plusieurs pays (du G7 entre autres) reconnaîtront la Palestine
Les positions de l’État du Vatican sont-elles cohérentes ? En retard ou en avance ? Cela peut-il aider les baptisés à voir clair pour agir ?
Histoire politique
En 1914-1918, lors de la première guerre mondiale, l’Empire ottoman s’est rangé du côté de l’Allemagne. La Palestine était une province multiconfessionnelle qui en faisait partie. Après la défaite de l’Allemagne, les vainqueurs ont jugé bon de mettre la Palestine sous mandat britannique et de prévoir que les personnes d’origine juive aient le droit de s’y faire un « foyer ». Des immigrés juifs y ont peu à peu acheté de plus en plus de terres aux Palestiniens natifs, et leur nombre a augmenté en même temps que grandissait l’idée que la terre de l’Israël biblique appartenait en fait aux personnes d’origine juive. Ce qui a abouti, pour eux et pour les sionistes, à l’idée qu’ils étaient en fait les occupants légitimes, et que leurs actes de terrorisme étaient la résistance d’un peuple contre un autre peuple.
En novembre 1947, la résolution 181 de l’ONU présente la solution à deux États, un État juif (sur 56 % de l’ancien territoire de la Palestine mandataire) et un État arabe, Jérusalem étant placée sous contrôle international. Les Palestiniens refusèrent le plan de partage, car l’étendue du territoire qui leur aurait été attribuée n’était pas démographiquement proportionnelle, puisqu’ils composaient les deux tiers de la population.
Le 14 mai 1948, les Juifs de Palestine déclarent l’indépendance de l’État d’Israël, ce qui amplifie les violences. Cette guerre aboutit en 1949 à l’occupation par les Israéliens de 70 % du territoire, et 650.000 Palestiniens se réfugient dans les pays arabes, exode appelé « Naqba » (« catastrophe » en arabe).
Pendant ces trente ans, l’Église n’avait toujours pas bougé, elle qui avait activement participé à l’antisémitisme en tenant les Juifs, pendant des siècles, pour responsables collectivement de la mort de Jésus.
En 1965, Vatican II a reconnu une erreur à ce sujet, et en 1998, Jean-Paul II a publié une déclaration de repentance (l’encyclique Nostra aetate).

Les positions du Vatican depuis 1975
Noël 1975, Paul VI a été le premier pape à affirmer explicitement que les Juifs vivant en Palestine/Israël étaient un peuple, et pas seulement un groupe de réfugiés de guerre. Il demandait en même temps de « reconnaître les droits et les aspirations légitimes d’un autre peuple qui a lui aussi souffert pendant longtemps, le peuple palestinien ».
En 1993-1994, Jean-Paul II a établi des relations aussi bien avec l’État d’Israël (1993) qu’avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) (1994), à un moment où il semblait que les parties étaient proches d’un accord et d’une reconnaissance réciproque.
Février 2000, le Vatican a signé un premier accord de base avec l’OLP.
Mars 2000, Jean-Paul II a déclaré à Bethléem que « le peuple palestinien a le droit naturel d’avoir une patrie et le droit de vivre en paix et en tranquillité avec les autres peuples de cette région. Au niveau international, mes prédécesseurs et moi-même avons proclamé à plusieurs reprises qu’il ne serait pas possible de mettre fin au triste conflit en Terre Sainte sans garanties solides pour les droits de tous les peuples concernés, sur la base du droit international et des résolutions et déclarations importantes des Nations Unies ».
Quelques mois après, le Premier ministre israélien Ariel Sharon s’est rendu sur l’esplanade des Mosquées, ce qui entraîna le début de la deuxième Intifada.
En 2009 Benoît XVI, à Jérusalem, a réaffirmé : «Que soit universellement reconnu que l’État d’Israël a le droit d’exister et de jouir de la paix et de la sécurité à l’intérieur de frontières internationalement reconnues. Que soit également reconnu que le peuple palestinien a droit à une patrie indépendante et souveraine, à vivre dans la dignité et à voyager librement. Que la “solution à deux États” devienne réalité et ne reste pas un rêve ».
En 2012, le Vatican a apporté son soutien à l’admission de « l’État de Palestine » en tant que membre observateur aux Nations Unies.
En mai 2014, le Pape François à Jérusalem a répété devant le président palestinien Mahmoud Abbas : « Le moment est venu pour tous d’avoir le courage de la générosité et de la créativité au service du bien, le courage de la paix, qui repose sur la reconnaissance par tous du droit de deux États à exister et à jouir de la paix et de la sécurité à l’intérieur de frontières internationalement reconnues ». Et il avait pour la première fois fait référence au pays qui l’accueillait comme « l’État de Palestine ».
En juin 2015 il a signé un accord global avec l’État de Palestine qui concerne les Lieux Saints et insisté sur la solution des deux États déjà envisagée dans la résolution 181 de l’ONU de novembre 1947. Le préambule de l’accord définit certains points clés, parmi lesquels : l’autodétermination du peuple palestinien ; l’objectif de la solution à deux États ; la signification symbolique de Jérusalem et son caractère sacré pour les juifs, les chrétiens et les musulmans ; sa valeur religieuse et culturelle universelle en tant que trésor pour toute l’humanité. Il réaffirme le droit du peuple palestinien « à la liberté, à la sécurité et à la dignité dans son propre État indépendant », un « État de Palestine indépendant, souverain, démocratique et viable, sur la base des frontières antérieures à 1967, en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité ». Il affirme que « les décisions et actions unilatérales qui modifient le caractère et le statut spécifiques de Jérusalem sont moralement et juridiquement inacceptables » et que « toute mesure unilatérale illégale, de quelque nature que ce soit, est nulle et sans effet » et « constitue un obstacle à la recherche de la paix ».
Après le 7 octobre 2023, le Pape François a condamné le massacre inhumain perpétré par les terroristes du Hamas, et a demandé à plusieurs reprises et publiquement la libération de tous les otages. Dans le même temps, tout en reconnaissant le droit d’Israël à se défendre, le Vatican a demandé à plusieurs reprises que l’ensemble du peuple palestinien présent dans la bande de Gaza ne soit pas frappé sans distinction, et a également demandé l’arrêt des attaques des colons contre la population palestinienne vivant dans les territoires de l’État de Palestine communément appelés Cisjordanie. Ceci sans effet.
Le 20 juillet 2025, Léon XIV a déclaré qu’il est urgent et nécessaire « d’observer le droit humanitaire » et « de respecter l’obligation de protéger les civils, ainsi que l’interdiction des punitions collectives, de l’usage indiscriminé de la force et du déplacement forcé de la population ». Il s’agit de résoudre pacifiquement la question et de mettre en œuvre la solution à deux États avec des frontières sûres, respectées et reconnues.
La position politique du Vatican est claire sur ce conflit. Le pape actuel s’inscrit dans la continuité d’une évolution qui va dans le sens des droits humains, en cohérence implicite ou explicite avec l’Évangile.
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