A l’occasion du 50e anniversaire de notre communauté, cet article de Guy Aurenche présente notre livre L’aventure hors les murs, l’esprit souffle où il veut, publié sur le site de La Croix ; il a pu être repris ici avec l’aimable autorisation de sa Rédaction.
En 1975, la création par François Marty, archevêque de Paris, du Centre Pastoral Halles Beaubourg (CPHB), dans les murs de l’église Saint-Merry, traduisait le désir d’aller à la rencontre d’un nouveau quartier touristique. Celui-ci était riche de la création du musée d’art moderne et contemporain. Aller à la rencontre du monde ! Et plus précisément « ouvrir des modes nouveaux pour l’Église de Paris ». 50 ans d’Évangile en partage, cela se fête !
Des chemins nouveaux
Après sa fermeture brutale en 2021, la communauté devint Saint-Merry Hors-les-Murs. Elle fait depuis l’expérience, riche et douloureuse, du nomadisme. Tout en attendant qu’un nouveau lieu lui soit proposé, elle découvre les richesses (et les limites) de l’outil numérique. Non pas comme un pis-aller quand les murs manquent. Plutôt comme une manière complémentaire de créer des relations vraies avec les personnes qui souhaitent « pratiquer » autrement. Permettre des échanges « en profondeur », prier et faire Église en quelque sorte.
La communauté fait aussi l’expérience de l’accueil par des paroisses parisiennes ; apprendre l’humilité d’être accueillis, ce n’est pas si facile. Saint-Merry Hors-les-Murs rencontre de nombreuses personnes qui ne se sentent pas accueillies par les cadres institutionnels existants. Tant de monde, en marge, sur le chemin. Tant de mains tendues.
En octobre 2024, l’archevêque de Paris, Laurent Ulrich, adressa une Lettre de mission à Saint-Merry Hors-les-Murs : primauté à l’accueil inconditionnel des personnes ; pratique de la solidarité envers les êtres vulnérables ; créativité, en particulier dans le domaine liturgique ; approfondissement des liens entre l’art contemporain et la foi ; coresponsabilité entre clercs et laïcs. « Je suis heureux, presque 50 ans après que le cardinal François Marty eut l’idée de vous envoyer en mission, de confirmer et de préciser les termes de cette mission au sein du diocèse aujourd’hui ». Et son frère évêque, Jean Luc Brunin (Le Havre) de renchérir : « L’expérience de Saint Merry (Hors-les-Murs) fait le pari de la double fidélité pour servir la fraternité à sa vraie dimension révélée par le message du Christ. Il est heureux que sa mission puisse se poursuivre ».
Des appétits spirituels
Les axes d’action, précisés ci-dessus par l’archevêque de Paris, permettent à l’Église de prendre la mesure du changement du paysage religieux dans notre pays. De répondre aux nouvelles attentes spirituelles. La société a vécu la mort d’une certaine approche de Dieu. Les institutions ecclésiales ont perdu la maitrise des rapports humains. Mais en même temps, cette société sécularisée exprime, sous des formes variées, un désir ou peut-être seulement la nostalgie d’un « ailleurs ». Un tel constat interdit le retour aux modèles antérieurs et encore davantage au choix identitaire ou à la prétention de faire du christianisme une « nouvelle culture ». Il faudrait inviter les autorités religieuses à sortir de leurs murs anciens pour mettre leurs pas dans ceux des humains qui cheminent vers « ailleurs » …, sans trop savoir vers qui ni vers quoi. Comment nous approcher d’eux pour marcher avec eux, non dans l’intention de faire de nouveaux adeptes mais simplement d’écouter, d’être avec, et peut-être de partager des convictions, une espérance ?

Le hors les murs dans tous ses états
Il ne s’agit pas de refuser toute organisation, tout principe ou dogme. Pas plus de se réjouir de l’absence de toit dont souffrent tant de personnes. Bien plutôt d’inviter ceux qui en bénéficient, à ne pas s’y enfermer.
Vécue à propos des murs d’une église, une telle aventure permet de découvrir qu’être hors les murs correspond à une riche expérience dans bien d’autres domaine de l’existence. L’aventure humaine est toute entière hors les murs. Dès notre naissance une « force » nous conseille de sortir, pour vivre tout simplement. Puis oser se projeter sur les routes de la vie d’étape en étape plus ou moins maitrisée mais toujours sous la force d’un souffle, d’un appel qui pousse dehors. (Cf. notre livre : L’aventure hors les murs. L’esprit souffle où il veut. Paris 2025. Ed. L’Atelier et TempsPrésent ).
L’art n’aide-t-il pas chacun à éprouver l’ailleurs, vivant en lui ? L’impératif écologique invite la communauté humaine à sortir de ses cadres strictement humains et à faire alliance avec la Création toute entière. La psychanalyse révèle bien des murs en nous qui empêchent un développement harmonieux.
La solidarité pousse à sortir de nos murs pour rencontrer d’autres acteurs, sources d’espoir et de vie. La sociologie montre que toute institution a intérêt à avoir en son sein ou à proximité un ou des groupes, hors ses murs ; ils lui rappelleront sa mission lorsque l’habitude ou la routine lui feront oublier son intuition initiale.
Pour revenir à la démarche chrétienne, il faut remarquer que Jésus n’avait pas une pierre où reposer sa tête. Il fut sans cesse hors les murs, jusqu’à être exécuté en dehors de la ville. Il rejoignait en cela les épopées et les longues marches des prophètes, Abraham, Moïse et bien d’autres. Hors les murs, marchons en si bonne compagnie !




