Peu nombreux mais influents par leurs actions socio-éducatives et la force de leur théologie de la libération, les chrétiens palestiniens sont appréciés de leurs concitoyens musulmans dont ils partagent les affres de l’occupation et de la colonisation. Quoique dépositaires de l’esprit d’amour et de justice de leur compatriote Jésus, ils sont ignorés voire méprisés en Occident.
À l’approche de Noël, tradition évocatrice de paix, de partage et d’espérance, il est salutaire d’entendre la parole des chrétiens palestiniens qui côtoient l’anéantissement, le leur comme celui de leurs frères et sœurs musulmans, sur une terre en passe de perdre sa sainteté par trop de violence et d’injustice.
Ils ne peuvent guère compter sur un soutien actif des Églises d’Occident dont la plupart, sans doute pour se laver de leur responsabilité dans l’antijudaïsme séculaire, laissent faire une nouvelle injustice, à l’encontre des Palestiniens qui n’y sont pour rien.
Les chrétiens devront-ils avoir honte deux fois :
Jacques Gaillot
pour l’antisémitisme européen et pour l’abandon des Palestiniens ?
Être complices de la persécution d’innocents est une faute grave et honteuse, surtout pour des chrétiens.
Dès lors, pour rester fidèles à l’Évangile (sans l’être nécessairement aux institutions ecclésiales), comment devons-nous agir ?
Comment agir
Dans ce conflit qui mobilise tellement le narratif, il est essentiel de garder la parole, d’autant plus qu’abondent les arguments (théologiques, historiques, éthiques) qui contestent le discours israélien actuel, trop vite adopté par les puissances occidentales pour couvrir aussi des conflits d’intérêts dans la région.
La première chose à faire est de considérer avec sérieux les chrétiens palestiniens, qui portent un regard avisé sur une injustice vécue au quotidien. Il est aussi de répondre à leur pressant appel à l’aide, souvent exprimé mais rarement entendu ici.
Par leur faible nombre, les chrétiens vivant en Palestine et en Israël (2 à 3 % de la population) ne sont une menace pour personne, mais plutôt une garantie socio-culturelle et morale pour des millions d’opprimés. C’est pourquoi la plupart de leurs voisins musulmans tiennent à leur présence, qui offre à leur société une diversité et une « bouffée d’air », comme ils disent. À l’inverse, le gouvernement israélien voit d’un mauvais œil le maintien d’une communauté qui le prive de la confrontation exclusive juifs/musulmans qui lui permettrait, croit-il, de mieux vendre au monde son prétendu rôle de défenseur des « valeurs occidentales ».
C’est ce qu’explique avec brio le pasteur luthérien de Bethléem Munter Isaac, exégète biblique et homme de terrain d’une grande humanité, dans son livre L’Autre Côté du mur (dont la version française vient de paraître). Nous y reviendrons.
À lire également, pour connaître la pensée et la démarche des chrétiens de Palestine, quelques textes utiles en ces temps de déchirure et d’espérance :
- la prédication de Munther Isaac du 22 octobre : « À Gaza, Dieu est sous les décombres »
- la Lettre ouverte aux responsables et théologiens des Églises occidentales.
Quant à l’Appel œcuménique pour l’Avent, rédigé chaque année par Kairos Palestine « avec audace, douceur et amour pour tous », il s’achève cette fois par cette exhortation à l’action : « Préparez une fête palestinienne pour célébrer la naissance de Jésus en communion avec vos frères et sœurs chrétiens de Palestine. Invitez des amis à s’y associer. Puis priez ensemble pour la fin des hostilités en Palestine-Israël et pour que s’établisse une paix juste et durable. »
La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte.
(Jacques 2, 17)
Laurent Baudoin
Je vous remercie de nous partager votre discernement.
Quand se produit un événement majeur comme celui de l’entrée en guerre et comme celui de la fin de la guerre, je me pose deux questions, pas l’une sans l’autre :
1) – Comment faire après cet événement majeur ?
2) – Comment en est-on arrivé à cet événement majeur ?
Je célèbre la sagesse qui naît à Noël et qui triomphe à Pâques ; en effet
« La sagesse de Dieu a été reconnue juste à travers ce qu’elle fait. » (Mt 11, 19) « Une justice qui est un ajustement de chacun à Dieu, une « justification » dira Paul. Ceux qui nous semblent les plus éloignés de Dieu, voilà ceux que Jésus, sagesse de Dieu, est venu réajuster à son Père. Nous aussi, nous en faisons partie ! » (Roselyne Dupont-Roc, bibliste)
Merci beaucoup Laurent de nous faire connaître les deux textes dont les liens sont dans ton message, celui du pasteur Munter Isaac et la lettre ouverte de plusieurs organisations. Ils sont remarquables. Oui, il faut les lire en “ces temps de déchirure et d’espérance”. J’invite les lecteurs à cliquer sans tarder sur les liens qui permettent d’y avoir accès !
Jean Verrier