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Les Restos du Cœur et Saint-Merry : aux débuts d’une belle histoire

À bientôt quarante ans, les Restos du Cœur sont malheureusement toujours plus qu’utiles. Ils ont pris forme au Centre Pastoral Saint-Merry grâce à une communauté qui s’est mobilisée sous la tutelle de Paul Houdart.

Depuis quelques jours, les Restos du Cœur ont réouvert en France !

C’est en 1985 que Coluche en lance l’idée. Il contacte le ministre de l’agriculture, Henri Nallet, pour débloquer les denrées stockées par la CEE (blé dur, huile, pommes, petits pois, etc.) et les faire distribuer. Le ministre lui recommande un jeune retraité actif et compétent : Paul Houdart. Membre du Centre Pastoral Halles-Beaubourg, situé à Saint-Merry (Paris), Paul décide de s’appuyer sur sa communauté et, à la fin d’une messe, lance un appel au micro :
– Salut, les enfoirés… Un certain nombre vont s’impliquer à titre individuel. L’aventure commence !

Un quatuor de choc pour accoucher du projet

Paul, très aidé par les artistes (chanteurs, acteurs et musiciens) et par Europe 1, forme une petite équipe avec des habitués de Saint-Merry : Jacques Mariette, Francis Bour et Marie Dumas. Ils sont chargés de trouver des responsables dans leurs départements qui assureront la liaison avec l’équipe nationale. À l’échelon local, les responsables et chargés de mission dans les centres feront la distribution de denrées alimentaires.
Apprenant l’origine de ces acteurs, Coluche s’écrie : « Nom de Dieu, on s’est fait baiser par les curés ! ». Mais, quand il a su et vu les compétences professionnelles et organisationnelles de ces quatre gestionnaires en retraite, cela ne lui a plus posé de problème !

Coluche, graffiti, Wikimedia Commons

Une équipe avec beaucoup de membres du CPHB

Paul Houdart fut le premier président national de l’Association Nationale des Restos du Cœur, et il recruta bien des bénévoles dans sa paroisse de Saint-Merry.
Marie Dumas et Francis Bour prirent la responsabilité pour la Province.
Jacques Mariette, celle de l’Ile de France auquel Colette Deffontaines succédera. Cette Association Ile de France créera de nombreux centres pour assurer jusqu’à 150 000 repas/jour. D’abord installée avec l’Association Nationale dans des locaux exigus rue Lafayette, elle en déménagera dans les années 1990 pour la Cité d’Hauteville. Les demandes en région parisienne se faisant de plus en plus nombreuses, Henri Brice s’est occupé des finances avec Jacqueline Klatzmann, et Geneviève Poitou, de la répartition des denrées. Et bien d’autres sont venus ! Quelques-uns sont cités plus loin.

Mon arrivée a été un choc : j’entre… personne dans les bureaux ;
sur la table, trois pommes dans une assiette, le repas des bénévoles !
J’ai tout de suite compris ce que j’avais à faire : d’abord m’occuper des bénévoles. J’étais chargée de 120 Centres. Je devais répartir les denrées octroyées
par la Communauté économique européenne : huile, lait, pommes, riz…
J’ai été très fière lors d’un contrôle de la CEE sur les pommes :
nous en distribuions trois par personne et par semaine,
et il n’en manquait pas une dans mes calculs !

Geneviève

Que faire pour répondre aux attentes ? On inventa progressivement. Il s’agissait au début de créer à cet effet des centres partout où c’était nécessaire. Par la suite, chaque nouvelle idée faisable, réfléchie et adoptée, devait trouver son responsable : les bénévoles n’ont jamais manqué – c’était merveilleux, note un participant –, le difficile était de trouver ce ou cette personne qui prendrait en charge cette action.
Depuis Arcueil, des camions-cuisine sillonnaient Paris le soir, distribuant des repas chauds.
Quelques Centres, comme celui du 19ème avec Ghislaine Davezac, organisaient aussi des déjeuners.
Pour le stockage, gigantesque et périssable, fragile, la STEF à Vitry-sur-Seine a mis un local à disposition, ensuite on loua un entrepôt plus vaste aux Ardoines. Le responsable était aidé d’une dizaine de personnes, donc certaines en contrat CES de réinsertion.

En fait, l’équipe tout entière n’avait qu’un seul but : faire tout ce qui était possible pour aider les plus démunis, des personnes qui avaient besoin d’amitié autant que de pain.

Ces années m’ont beaucoup marquée, j’ai rencontré des personnes formidables, enthousiastes pour la cause, prêtes à y laisser leur santé ! Nous ne connaissions ni les opinions religieuses, ni les opinions politiques. Les femmes comme les hommes étaient responsables de Centres, attachés à ce que l’amitié et la justice y règnent. Lorsque j’allais dans les Centres, j’étais émerveillée de voir comment dans des locaux souvent vétustes, ils étaient arrivés à orner les murs, à rendre l’ambiance gaie et amicale entre eux et les bénéficiaires qu’ils connaissaient bien à la fin de la campagne et qui revenaient l’année suivante !

Colette

C’était un travail à plein temps entre septembre et juin… et même pendant l’été !

Un centre à Saint-Merry même

Un centre de distribution a fonctionné à Saint-Merry même pendant quelques années grâce à Brigitte Delaporte, puis Hubert Lassus entre autres.

J’ai créé, dans les années 1988-1992, le centre de distribution des Restos du Cœur de Saint-Merry, aidée par de nombreux membres du CPHB.Des personnes et des familles du quartier, surtout étrangères, étaient accueillis dans la salle blanche.
Ils recevaient des sandwichs et des œufs durs cuits dans la cuisine du 1er étage. Lorsqu’ils furent trop nombreux, il y a eu des problèmes d’hygiène
et le Centre de Saint-Merry a dû fermer. 

Brigitte

Responsable du Centre de distribution de Saint-Merry, à la suite de Brigitte Delaporte, je devais accueillir de plus en plus de sans-abris, avec une installation dans la cour de l’église. Les denrées étaient entreposées jusque dans l’escalier de la cuisine ! J’y suis resté jusqu’à la fermeture du Centre.
Ensuite, j’ai été responsable des Maraudes qui parcouraient Paris tous les soirs pour offrir des repas. Il fallait choisir les chauffeurs, surveiller l’entretien des véhicules souvent en panne et cabossés, recevoir et préparer des denrées dans le local d’Arcueil avec quelques bénévoles et des salariés en insertion en CDD à mi-temps, qui se remettaient au travail.
Je pense avoir fait du « beau travail » malgré les difficultés ! 

Hubert

Des années marquantes, des personnes enthousiastes

L’aide s’amplifie.
Dans chaque Centre, des bénévoles vérifiaient les ressources des demandeurs et leur donnaient une carte où était noté le nombre de repas auxquels ils avaient droit (barème fixé par l’Association Nationale). On s’assurait ainsi en même temps qu’ils recevaient bien les aides et allocations auxquelles ils avaient droit.
Vers 1995, la création des Relais du Cœur leur a facilité l’accès aux services sociaux : des bénévoles y suivaient leurs dossiers.
Pour accueillir les familles à la rue, Jacques Mariette a eu l’idée de créer 3 Hôtels sociaux. Elles y étaient envoyées par les assistantes sociales, s’y installaient en attendant un HLM et bénéficiaient là-bas d’un accompagnement.
Vers 1995, Paul Houdart a eu l’idée de créer une péniche, qui existe toujours (La Péniche du Cœur) pour abriter pendant une quinzaine de nuits des personnes à la rue, avec pour responsable Patricia Meyssonnier. Ils y dormaient, dînaient et petit-déjeunaient, des bénévoles passant la soirée avec eux, mais ils devaient quitter la péniche pendant la journée. Ils pouvaient y rencontrer un médecin, Jacques Jouvie, et une assistante sociale.

Jacques sourit à ce souvenir :

Les Responsables me disaient que mes malades m’attendaient avec impatience
et demandaient si c’était sûr que je serais présent.
On me taquinait en me disant que mes patients venaient au confessionnal !

Jacques

On a plus que jamais besoin des Restos du Cœur

Nous avons fait discrètement partie des nombreux anonymes qui ont permis à Coluche de concrétiser son idée altruiste. Cf. le site www.restosducoeur.org/notre histoire ou Les Restos du Cœur 1985-2005, Valérie Péronnet, Édt. J’ai Lu.

Vous avez certainement bien d’autres détails et anecdotes nous concernant : le Groupe Mémo-Labo de Saint-Merry Hors-les-Murs attend vos récits. Nous contacter à memolabo@saintmerry-hors-les-murs.com
Pour mieux revivre cette aventure avec ses participants, lisez le récit complet de Colette et Geneviève en cliquant ICI.

Joëlle Chabert,
à partir de l’article de Colette Deffontaines et Geneviève Poitou

Nous pourrions citer encore bien des acteurs comme Martine Roger-Machart, Mamie Neel, Philippe Marescot, Gérard Wybo, Jean Courtès qui a accepté un resto dans le 9ème arrondissement, et bien d’autres (à nous signaler, merci !)

Vous pouvez comme tous les ans aider
Les Restos en achetant chez votre libraire
la dernière édition de leur livre 13 à table !
Les précisions sont ICI

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