Vendredi 11 juin dernier, la Conférence Catholique des Baptisés de Lyon proposait en ligne « Deux expériences d’exercice de la synodalité » : Massimo Faggioli, théologien Italien actuellement en poste à l’Université de Sydney, y présentait la démarche d’examen de la gouvernance de l’Église australienne, et Michael Quisinsky, théologien de l’Université de Fribourg, évoquait les questions que se pose le chemin synodal allemand.
Côté australien, c’est la Commission royale qui a fait pression sur l’Église au nom de la société civile, suite aux révélations des nombreux abus sexuels commis par les clercs, (et sachant que 20% des élèves australiens sont dans des établissements catholiques), pour que soit engagée une démarche d’audit qui examine les modes de gouvernance et propose un certain nombre de recommandations. Parmi les quatre vingt six recommandations (quand même !) formulées dans le grand texte « La lumière de la Croix du Sud », on trouve l’idée que les règles de saine gouvernance qui sont déjà bien connues du monde laïc doivent être intégrées par l’Église, n’étant en rien incompatibles avec le contexte ecclésial. Y est préconisé l’institutionnalisation d’un rôle réel pour les laïcs à tous les niveaux, hommes et femmes, y compris dans le processus de nomination des clercs. Autre exemple, il est également prescrit de veiller à l’aptitude au travail collaboratif dans le cadre de la formation des prêtres, (question qui éveille un certain écho chez nous autres, saintmerryens…). Cinquante sept de ces recommandations (donc les deux-tiers seulement) ont été acceptées par la Conférence des évêques d’Australie, qui semblent s’être montrés particulièrement peu enthousiastes devant le rappel du canon 129 du Code de droit canonique, sur la participation des laïcs. Pour mémoire, rappelons que les clercs exerçant en Australie viennent du monde entier, et notamment d’Afrique et d’Asie, ce qui fait de ce pays d’une taille continentale un microcosme de l’Église universelle. Quoi qu’il en soit, le concile national australien s’appuiera bien sur ce texte novateur en 2022.
Le contexte germanique est très différent. Suite aux soubresauts sociétaux de 1968, qui se sont doublés d’une mise en accusation de la période nazie par la jeune génération, le début des années soixante-dix a permis la mise en œuvre originale du Synode de Würzburg, qui a déjà créé une forme de culture du dialogue interne dans l’Église allemande. Si bien que la récente crise des abus, dont les universitaires ont immédiatement pointé l’aspect systémique, a assez naturellement amené la Conférence des évêques allemands (DBK) à proposer un « chemin synodal » (der synodale Weg) au ZDK, – sans équivalent chez nous, et qui regroupe tous les grands mouvements laïcs d’Église en Allemagne. S’y ajoute une autre donnée importante, qui a joué son rôle : le primat de l’évangélisation, proposé par le pape François, est largement plébiscité par les Allemands. Avec ce sens de l’organisation impeccable qui fait notre admiration outre Rhin, quatre forums ont été mis en place, – avec invitations systématiques d’observateurs étrangers -, s’intéressant respectivement aux pouvoirs dans l’Église, au mode de vie des prêtres, à la place des femmes, et aux questions de sexualité-célibat-partenariat, chaque forum étant divisé en sous-groupes thématiques mais l’ensemble des quatre forums se retrouvant également en assemblées plénières. Le but est d’aboutir à des résolutions, qui seront de l’ordre de la proposition et n’ont pas vocation à changer le droit canon, et auxquelles les évêques adhéreront ou pas, au cas par cas, mais tous ensemble. Ensuite, les sujets qui sont susceptibles de concerner l’Église entière seront envoyés au Vatican. Il s’agit donc de réfléchir à différents types de rapports : entre l’Église et le monde ; entre les églises locales et l’Église universelle (avec la question de l’inculturation) ; entre l’Évangile et les signes des temps. Michael Quisinsky a beaucoup insisté, pour finir, sur ce point essentiel : ce chemin synodal allemand n’est pas un schisme, mais propose de s’attaquer aux questions qui concernent tout le monde en Église.
Nous pouvons ressentir une certaine nostalgie envieuse devant ces expériences étrangères. Nous pouvons aussi constater que, oui, c’est possible ! Le public français qui suivait ces témoignages passionnants n’était visiblement pas très jeune : espérons que les frères et sœurs Australiens et Allemands profondément engagés sur ces chemins sauront associer les jeunes générations à la réforme de leurs Églises et les impliquer ainsi, au-delà des questions de gouvernance, dans l’annonce de la Bonne Nouvelle au peuple de Dieu tout entier.
Blandine Ayoub
Merci Blandine de cette synthèse, je n’avais pas eu le temps de suivre cet échange intéressant, et cela fait du bien, surtout après la dernière annonce de l’archevêque, de voir des petites lumières briller çà et là
Merci Blandine de cette synthèse, je n’avais pas eu le temps de suivre cet échange intéressant, et cela fait du bien, surtout après la dernière annonce de l’archevêque, de voir des petites lumières briller çà et là