Rome a diffusé deux documents préparatoires, et ainsi donné le coup d’envoi du synode 2023. La consultation peut démarrer dans les diocèses. Jacques Debouverie s’interroge sur la réception que vont lui faire les paroissiens de Paris. Quant à la communauté de Saint-Merry Hors-les-murs, elle est bien placée pour apporter sa contribution sur deux sujets : les pouvoirs et les modes de décision.
Le scepticisme et l’écœurement
Le coup d’envoi du synode de 2023 vient d’être donné avec la diffusion par Rome de deux documents préparatoires[1]. Pour l’heure, la mobilisation paraît très variable selon les diocèses. « Il est compréhensible que le lancement de ce processus de consultation suscite toute une série de sentiments chez les responsables pastoraux, allant de l’excitation et de la joie à l’anxiété, la peur, l’incertitude voire le scepticisme » indique le vademecum[2] (p. 31). A Paris, le scepticisme dominerait-il ? A la une du site internet du diocèse de Paris, pas un seul article ne parle de ce synode. Pourtant d’après ce vademecum, « plus qu’une simple réponse à un questionnaire, la phase diocésaine vise à offrir au plus grand nombre une expérience véritablement synodale, d’écoute mutuelle et de marche en avant, guidées par l’Esprit Saint[…] Pour ce faire, il est nécessaire de faire des efforts importants pour impliquer le plus grand nombre de personnes possible de manière significative […] Au cours du processus de consultation, le rôle clé de l’évêque est d’écouter ». Des contributions collectives sont attendues pour avril 2022. Dans l’apparente inaction du diocèse de Paris, comment vont se mobiliser les paroisses et mouvements ? Et qu’allons-nous faire à Saint-Merry Hors-les-Murs ?
Parmi les sceptiques se cachent bien sûr les immobilistes, les adeptes du « on a toujours fait ainsi, on va pas changer maintenant » et la grande masse des indifférents. Il y a également ceux qui sont tellement écœurés des révélations de la CIASE sur la pédocriminalité qu’ils ne croient plus à la moindre possibilité de réformer l’institution. Certains vont jusqu’à demander l’annulation de leur baptême. Plutôt que de militer en faveur des réformes, d’autres mettent la pression sur l’épiscopat en espérant l’obliger à les mener : quelques-uns demandent la démission collective de tous les évêques ou appellent au boycott du denier du culte.
« Destituer » les pratiques malsaines
Les travaux de la CIASE ont montré que « l’idée même d’institution chrétienne est en crise »[3]. Il est clairement apparu que l’Église avait sans cesse placé son instinct de survie au dessus de la recherche de justice et qu’elle avait renoncé en permanence à mettre les victimes au centre de ses préoccupations. Le krach de l’institution provient du fait qu’elle s’est comportée de façon totalement contradictoire avec ce qui la fonde : l’évangile. Dans la vie d’une institution, quel qu’en soit le type, aucune situation n’est plus aberrante. L’institution demeure et restera en vigueur mais elle a perdu sa « positivité » comme l’entrevoyait déjà le philosophe Hegel[4]. Cet écart est tel pour nous, chrétiens de base, discernant ensemble, que, probablement, nous ne dépendons plus en rien de l’Église-institution mais seulement de l’Église-assemblée des lecteurs de l’évangile d’hier et d’aujourd’hui, et que, probablement, nous ne sommes plus tenus au respect des fonctions et des hiérarchies de l’Église mais seulement au respect des personnes et de leur parole juste.
Deux professeurs de philosophie, membres actifs des cafés associatifs du Simone et du Dorothy[5], disent la même chose ces jours-ci : désormais nous n’avons « plus à défendre l’Église comme une institution humaine ». Ils ajoutent cependant que la honte d’être catholiques ces temps-ci est « le point de départ d’une destitution salutaire des conceptions et des pratiques ecclésiales malsaines »[6]. Voilà ce que pourrait être l’enjeu du synode : mener ces « destitutions », une autre manière de dire l’objectif du Pape François, « éradiquer le cléricalisme ». L’institution demeure bien qu’elle soit coupée de sa source vive et qu’elle ait largement perdu sa légitimité. Nous ne pouvons pas nous en contenter, mais puisque nous ne lui devons plus rien, la conséquence est que nous sommes habilités à dire nos propositions sans aucune autre réserve que la délibération collective. Du coup, ni le scepticisme ni la crainte ni la naïveté ne paraissent de mise, au contraire ces trois attitudes ne feraient que conforter le statu quo. Elles laisseraient le champ libre aux logiques identitaires et au libéral-conservatisme majoritaire dans le catholicisme français. Si on accepte ce raisonnement, peut-on baisser les bras ? Peut-on se taire pendant ce Synode ?
Travailler sur le style et sur le pouvoir
Les documents romains évoquent trois niveaux de synodalité (vie quotidienne, structures et événements) et dix thèmes formulés sous forme de questions. Quand les responsables sont interviewés (le cardinal Grech, la Xavière Nathalie Becquart, etc.), ils évoquent souvent trois changements que le synode pourrait entraîner : le « style », les « pouvoirs » et les « modes de décision ». S’il y a des sujets sur lesquels Saint-Merry a une expérience à faire valoir, ce sont sans doute les deux derniers. Les chapitres VIII et IX du document préparatoire ciblent les questions sur ces sujets : pourquoi ne réunirait-on une équipe de travail pour répondre à cette partie du questionnaire, en bonne articulation avec le sous-groupe « ecclésiologie » qui travaille déjà à Saint-Merry Hors-les-Murs sur l’église-institution ?
Jacques Debouverie
[1] Le document préparatoire synode 2023 et le vademecum. Ce dernier est accessible en français par La Croix 13 octobre 2021.
[2] Vademecum page 31.
[3] Paul Colrat, Foucauld Giuliani, Le Monde 13 octobre 2021, page 32.
[4] Hegel, La positivité de la religion chrétienne, 1795 – 1796.
[5] Respectivement à Lyon et Paris.
[6] Ibid.
Bonjour
Bravo pour votre combat
Je me pose la question suivante :
Comment allez-vous faire remonter vos réflexions?
Michèle Jeunet
Rassurez-vous, si je peux me permettre… La situation dans le Val d’Oise ressemble beaucoup à celle de Paris… Peut-être d’ailleurs y a t’il convergence organisée dans la démarche. On me dit que l’on réfléchit au mode de consultation des chrétiens ordinaires, et sans doute vus comme incultes ou insuffisamment prêts à se mobiliser. Il est vrai que le questionnaire ne s’adresse pas aux illettrés ! Il est curieux d’ailleurs de constater que le prêtre de ma paroisse que j’ai consulté ainsi que un membre de l’EAP, n’ont pas été en mesure de dire comment pourrait s’organiser cette consultation (individuelle ou collective) ni même si elle aurait lieu. Vous avez dit cléricalisme… nous y sommes !
Continuons à nous mobiliser. Je participe
Merci à vous tous
Merci pour cette nourrissante réflexion.
Peut-on se mettre en chemin avec d’autres pour travailler sur la synodalité et plus précisément sur les modes de décision?
Dans ma boite aux lettres (hors département de la Seine) j’ai reçu un courrier pour le denier du culte mais pas de trace d’information sur le synode, étrange priorité!