«Un tournant… place aux actes… le grand pas de l’Église de France… » !
Les réactions d’une partie de la presse quotidienne varient selon les sensibilités et la proximité avec l’Église, qui vient d’adopter plusieurs résolutions en assemblée plénière suite aux recommandations du rapport rédigé par la Ciase[1]Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église.
Les enjeux sont suffisamment graves pour ne pas se réfugier dans le constat facile du verre à moitié vide. Ils sont suffisamment fondamentaux pour ne pas se ranger dans le camp des grincheux stériles.
Jusqu’au bout de l’entreprise
Je choisis le camp des insatisfaits reconnaissants et constructifs. Cet édito n’est pas le lieu de critiquer l’ensemble des mesures arrêtées, mais d’ouvrir une fenêtre sur la responsabilité à venir, celle des évêques et la nôtre. Plusieurs commentateurs les interpellent : « Allez jusqu’au bout de votre entreprise. Encore un petit effort messieurs les responsables ! ». J’ajouterais : « Et à nous de jouer ! »
Il n’est pas assez fait référence à l’Évangile, à mon goût, mais il me semble que l’esprit de la démarche entreprise par l’assemblée manifeste très positivement que celle-ci été « atteinte » par le cri et les attentes des personnes victimes. « À cause de ce que la Ciase nous a mis sous les yeux ». Enfin ! Comment partager une bonne nouvelle sans écoute préalable des plus petits et des blessés ? Des moyens sont pris pour entendre les personnes victimes d’actes de pédocriminalité. Quels moyens nous donnons-nous dans nos communautés pour être à l’affût, d’une manière systématique, non pas des « sans-voix » comme nous le disons facilement, mais de celles et ceux dont nous ne voulons pas entendre la voix ?
L’écoute fut aussi celle de ces « fidèles catholiques » qui à 76 % se disaient insatisfaits de la réaction des responsables de l’Église jusqu’à ce jour [2]Sondage La Croix. Écouter la voix du Peuple de Dieu n’est pas un luxe, sur le chemin synodal, mais cela demande de bousculer nos habitudes pour y parvenir vraiment.
Travailler, oui. Mais qui décide ?
Parce que la dimension systémique des violences est reconnue, des groupes de travail sont créés dont il est précisé qu’ils seront composés entre autres personnes par des laïcs. Merci de la précision. Qu’en sera-t-il des suites données à ces travaux ? Combien de synodes diocésains ont prouvé la capacité de réflexion et de proposition du peuple catholique, mais ils n’eurent aucune suite. L’assemblée prévoit que « la réception globale de ce travail aura lieu avec… l’ensemble des forces vives de l’Église de France ». Pourquoi ne pas préciser tout de suite qu’il sera clairement tenu compte de leur diversité dans les modalités de désignation. Et surtout aurait-il été impensable de préciser à ce stade comment et par qui les décisions seront-elles prises ? De même lorsqu’il est prévu que « les commissions et leurs (des évêques) conseils seront composés d’évêques et d’autres membres du peuple de Dieu ». La modestie de la proposition recommandant « qu’au moins une femme » participe au conseil de chaque séminaire permet de tout espérer, mais… !
Aller, ensemble, jusqu’aux racines du mal !
Certaines questions doctrinales rejoignent les causes profondes des abus ou du silence à leur égard : morale sexuelle, anthropologie, sacerdoce ministériel, distinction entre pouvoir d’ordre et pouvoir de commandement… Elles seront traitées par « la Commission doctrinale ». Pourquoi pas ? Mais comment sera-t-il tenu compte du « sens de la foi des fidèles » sur ces points fondamentaux ? Il ne s’agit pas de se méfier des spécialistes, mais plus positivement de donner toute sa force au projet synodal qui suppose la contribution de tous et toutes, y compris et surtout, sur des points essentiels. Par exemple, au sujet du caractère sacré du « pouvoir » reconnu aux responsables. Comment ne pas s’inquiéter d’entendre le 6 novembre, l’un des évêques, pendant la prière de pénitence, demander à Dieu « pardon de ne pas avoir compris que le pouvoir que tu nous donnes… » ? Un tel lien entre autorité des instances et pouvoir « confié » par Dieu peut être source de beaucoup d’ambiguïté sur la « nature » de ce pouvoir.
Bienheureux les affamés de justice, affirme l’Évangile. Comment ajuster sans cesse nos comportements aux principes énoncés ? Un long et patient chemin à parcourir, ensemble, en confiance.
…”les commissions et leurs (des évêques) conseils seront composés d’évêques et d’autres membres du peuple de Dieu”…
Qu’appelez-vous “le peuple de Dieu” ? Les catholiques ? Les chrétiens dans leur ensemble (et l’église catholique est-elle vraiment disciple de Jésus-Christ ?) ? Il me semble que le Bible parle de “tous les hommes”