Le livre « Et vous m’avez accueilli », écrit à partir des très nombreux témoignages reçus, a été présenté le 21 octobre. Devant une salle pleine, Guy Aurenche, qui en fut la cheville ouvrière, rappelle les huit pistes retenues : thèmes à reprendre pour le futur synode. Des paroles pour nous permettre de réfléchir en commun, car nous n’avons pas le droit d’être sots. Quelques-uns des auteurs s’expriment.
Claude Plettner
La coresponsabilité, c’est le nœud névralgique de la communauté. Elle se trouve en lien étroit avec le thème de la synodalité. Son fondement c’est l’égale dignité entre les prêtres et les laïcs. Elle fut souvent assez bien vécue mais a connu des difficultés avec les deux derniers curés. Quelles en ont été les raisons ?
- soit le prêtre est vécu comme un mal nécessaire,
- soit le profil du prêtre responsable n’est pas adapté : erreur de casting,
- mais aussi une raison institutionnelle liée au droit canon : la distinction clerc/laïcs de l’article 505, la décision qui revient au curé par l’article 519, le rôle sacramentel du prêtre. Sur tous ces points, les avancées de Vatican II n’ont pas été précisées.
Il y a un enjeu du synode autour de la coresponsabilité.
Il faut absolument distinguer le rôle presbytéral de la gouvernance, c’est une demande de la CIASE.
Ces deux rôles doivent être articulés sans que l’un des deux soit en domination. Il faudrait enfin renoncer à sacraliser le prêtre ou à le re-sacerdotaliser. Mais ces évolutions doivent remonter à Rome.
Certaines attitudes rendent possible une démarche de synodalité qui serait une démarche de consensus plutôt qu’un rapport de majorité. Si on se situe dans des rapports de pouvoir, la situation est bloquée. Nous devons rentrer dans une expérience spirituelle de discernement, en nous mettant à l’écoute de nos différences. Il s’agit de sortir d’un rapport de force et de construire un leadership horizontal. Comment ?
Jean-François Petit
Nous vivons une expérience qui a un goût d’inachevé. Elle se situe bien dans les orientations de Vatican II : dans le domaine culturel et artistique, dans l’innovation liturgique en re-création permanente (en cela il faut accompagner les questions que se posent les gens qui peuvent être déconcertés), dans l’accueil inconditionnel, aussi bien les sans-papiers que Don Helder Camara, et tant d’autres… Nous vivons une expérience spirituelle, comme un chemin de carême, conduit dans la foi.
Deuxième remarque : voyons comment s’est ouverte la défense des droits des communautés en Amazonie, leur aspiration à la paix. Cela, nous devons le dire et le vivre ici. Michel de Certeau parle de « rupture instauratrice » : c’est ce que nous avons à vivre. Encore quelques pas supplémentaires à franchir ? La voie qu’ouvre le synode nous engage à sortir d’un rapport gouvernant-gouverné.
En cela, l’expérience de Saint-Merry est importante. Un travail de médiation a été tenté et il faut le poursuivre. Nous ne réussirons peut-être pas, mais nous aurons essayé. Reprenons cette thématique de la pastorale des flux, de la solidarité.
Antoine Guggenheim
Merci pour ce livre, car faire, c’est dire ; écrire c’est durer. En fait, vous êtes sages, hyper sages : que peut-on vous reprocher ?
L’Église c’est un appel, un enracinement, la transmission de culture, dans une ouverture à qui ne partage pas votre point de vue. Tous les enjeux de l’actualité sont liés : l’avenir de cette communauté, le rapport de la CIASE, le lancement du synode. Vatican II a ouvert une perspective après une évolution qui date de 1 000 ans. Évolution qui remonte à l’institution du cléricalisme, faite à l’époque pour créer une structure pyramidale capable de résister aux pouvoirs des seigneurs. Aujourd’hui ce système bouge sur les bords, le glaçon diminue !
La manière de faire avec le droit canon, c’est de faire sans lui.
On est en coopération, les prêtres sont des coopérateurs.
Car ce n’est pas l’institution, c’est la foi qui mène à l’Évangile.
Comment se construit l’avenir ? Ici c’est en assemblée générale. Jean Lavergnat avait énoncé
ce principe : « on travaille ensemble, sinon je pars. » Dans ce quartier avec du sous-prolétariat,
on connaît le principe de survie : « ensemble on peut ». La pastorale est fondée sur la prière,
la base à partir de laquelle on construit une doctrine, pas avec les dogmes. Chacun est unique avec ses différences et on a besoin de tout le monde. Les influenceurs ont une carte à jouer, les évêques ont une carte à jouer, hors droit canon, il faut les aider à percevoir leur liberté.
Quelques recommandations pour vous, amis de Saint-Merry Hors-les-Murs :
- Adaptez votre vie au réel
- Cherchez d’autres lieux pour vous accueillir de temps en temps
- Inventez avec le numérique, dans le champ de la transmission.
Échanges dans la salle et suggestions
- Des profils de prêtres devraient être capables de vivre à part égale. Quand ils se réfèrent au concile, ils parlent de quelque chose qui n’existe pas encore, qui est encore à créer.
- Soyez expérimentateurs dans la forme pastorale.
Comment inventer une plate-forme pour toucher tous ceux qui sont en recherche ?
Ne pas oublier les médias, le cinéma, les documentaires. - Dans l’église gréco-byzantine, il n’y a pas de droit canon, pas de morale. Le parti-pris du livre c’est de rendre compte d’un espoir qui nous animait tous et nous ressentons une certaine sainte colère face à un discours iréniste.
Attention à ne pas confondre la communication avec la com’. - Comment avancer ? La parole des laïcs est confisquée depuis 30 ans. Le système de régulation, ce n’est pas
le droit canon, c’est l’Évangile, et la place des baptisés. - L’épiscopat, un « grand corps malade ». Vatican II a construit une théologie des évêques mais elle a été dévoyée. Il ne faut pas se laisser confisquer l’occasion du synode : la dynamique c’est d’inviter les évêques à la conversion. La parole, c’est notre dignité de baptisés.
- Sommes-nous en face d’un non définitif de l’archevêque ? Ou d’un chemin en travail ?
L’Église à Paris n’est pas homogène, y cohabitent des communautés diverses ; la demande
de gens hors de l’Église est-elle prise en compte ?
Puis-je rappeler qu’ en forme de conclusion de son propos, Antoine Guggeheim nous a dit que, face la rupture si douloureuse, si brutale que nous imposa bureaucratiquement Aupetit , nous avions été “trop sages” ?
Je continue effectivement de penser que ce genre de personnage ne connaît que le rapport de force. Hélas.