L’application Zoom a peut-être été conçue à des fins de business, mais comme nous en faisons l’expérience tous les dimanches, elle peut contribuer à sauver l’Église au XXIème siècle ou, en tout cas, grâce à son horizontalité synodale, lui proposer de nouveaux chemins d’Évangile.
Depuis que nous sommes hors les murs, une rencontre est proposée « en visio » à toute la communauté le dimanche matin autour de la Parole. Ce qui a démarré par contrainte, sous le double effet conjoncturel d’une expulsion locale et d’une pandémie mondiale, s’est révélé d’une telle richesse pour les participants, que c’est très vite devenu, pour beaucoup d’entre nous, un choix préférentiel pour tout ce que cette formule permet en termes de proposition et de participation.
Une communauté chrétienne qui ne peut se rassembler physiquement qu’une fois par mois, grâce à l’accueil fraternel d’une paroisse amie, aurait peu de chances de survivre en tant que telle sans un autre espace de retrouvailles hebdomadaires, indépendamment des diverses activités des différents groupes qui la composent. Même si tout le monde ne peut y venir à chaque fois, – c’était déjà le cas pour les célébrations dominicales dans les murs -, et même si certains réfractaires à la visioconférence n’y participent jamais, soyons conscients que là bat le cœur de notre communauté chrétienne de Saint-Merry Hors-les-Murs, comme « la messe du dimanche » est la manifestation physique de chaque paroisse du monde. C’est notre point de rencontre privilégié, sans lequel nos assemblées générales biannuelles ou nos réunions hebdomadaires d’équipe pastorale n’ont pas grand sens. Car au nom de quoi aurions-nous besoin d’une gouvernance, si ce n’est au service de notre mission pastorale ? Et quel est le cahier des charges de cette mission si ce n’est l’Évangile que nous y partageons ?
Fidèles à l’extraordinaire richesse de notre « messe à trois temps », quand la visio nous prive du troisième qui serait la liturgie eucharistique, nous investissons totalement les deux premiers. Premier temps, donc : la rencontre préparatoire, entre ceux qui viennent dès le lundi partager sur les textes du dimanche suivant. Première bonne surprise : la participation qui s’effritait au fil des ans dans les murs a trouvé une nouvelle dynamique, grâce au distanciel qui simplifie bien les trajets et allège le facteur temps. Une dizaine de personnes peuvent donc s’enrichir mutuellement par leurs échanges sur les textes, puis construire pour la communauté un déroulé qui alterne lectures, prises de parole préparées, micro ouvert à tous pour apporter des éléments de réponses à une question formulée par cette équipe de préparation ou intentions de prières, méditations en musique sur une photographie qui reflète l’une des facettes explorées dans les textes du jour. Le choix des textes retenus parmi ceux qui sont proposés par l’Église et la répartition des prises de parole préparées se fait dès le lundi ; et durant les jours suivants les échanges se poursuivent pour se mettre d’accord sur les musiques et les photos, très variées et finement choisies, qui vont soutenir la prière de la communauté. (Certaines, pour des raisons techniques, ne peuvent se retrouver sur le site dans l’onglet célébration, au grand regret des participants qui tentent de les y retrouver.)
Le deuxième temps, la rencontre du dimanche matin, est animé à tour de rôle par les participants à la préparation. Sachez qu’ils embauchent volontiers, notamment si vous souhaitez vous former à l’aspect technique pour maitriser les passages de photos en partage d’écran ou le coupage de micros intempestifs… Ce qui est extraordinaire, par rapport à une assemblée physique, c’est qu’on voit le visage de tous les participants (avec leurs noms !), et que les prises de parole individuelles sont grandement facilitées – on découvre certains timides, qui n’osaient pas forcément aller jusqu’au micro dans l’église. Nous retrouvons des habitués de différentes provinces plus ou moins éloignées de France, une sympathisante berlinoise… La richesse des partages, grâce à la participation fraternelle et authentique des personnes connectées, la diversité des supports musicaux et visuels parfois inattendus, tout concourt à nous nourrir, pendant la rencontre et durant la semaine qui suit. On y a rarement pratiqué le partage en petits sous-groupes, qui s’était pourtant bien passé et qu’on pourrait développer davantage : je crois que c’est surtout dû à la joie éprouvée à nous retrouver tous ensemble. Oui, cette rencontre zoom, loin d’être un pis-aller, est un trésor que je choisis avec gourmandise chaque dimanche.
Mais alors, qu’en est-il du troisième temps de nos célébrations eucharistiques en présentiel ? Et bien je constate que je le retrouve avec plaisir une fois par mois, mais qu’à lui tout seul, vécu dans une église où le premier temps n’existe pas et du coup pas grand-chose n’alimente le deuxième temps, j’en ressors souvent plutôt frustrée. Je continuerai à aller voir ailleurs de temps en temps, pour le plaisir (et la nécessité) de rencontrer d’autres chrétiens, mais j’avoue avoir du mal à y trouver mon compte en fait de nourriture spirituelle. Je me sens enrichie et nourrie par vos paroles, par votre façon de lire la Bible et de la relier à notre vie, plus que par le seul pain eucharistique. Et vous me manquez quand la vie m’emmène parfois ailleurs le dimanche matin.
Il y a quelques fois eu des demandes de changer le créneau horaire de cette rencontre communautaire, pour permettre à ceux qui le réclamaient d’aller à la messe dans une paroisse le matin, puis de venir se ressourcer grâce à la rencontre communautaire le soir. Et la réponse qui a été faite par certains m’a bien plu : notre proposition n’est ni un ersatz, ni un complément, ni une réunion parmi d’autres à programmer au mieux ; c’est un mode de rencontre autour de la Parole, en ce dimanche matin de la Résurrection, choisi et privilégié par ses participants parmi tout ce qui existe comme autres formules autour d’eux, de la paroisse du coin à la messe télévisée. J’ajouterai que c’est le lieu et le moment privilégié de constitution de notre communauté. C’est aussi, me semble-t-il, un mode de rencontre communautaire autour de l’Évangile qui offre des perspectives formidables à tous les ruraux disséminés dans de vastes territoires, aux chrétiens minoritaires éparpillés sur la planète souhaitant participer à la vie des communautés, aux personnes à mobilité réduite en général, aux victimes de pandémies comme à celles d’un évêque abusant de son pouvoir. L’application Zoom a peut-être été conçue à des fins de business, mais elle peut contribuer à sauver l’Église au XXIème siècle, ou en tout cas, grâce à son horizontalité synodale, lui proposer de nouveaux chemins d’Évangile.
Blandine Ayoub