Accueil et entrée en prière
Merci, amis de la chapelle Notre-Dame des Anges. Merci pour votre accueil cette année encore. Et plus encore, parce que cet accueil témoigne que le comment faire “en mémoire du Christ” est vivant par vos mains. Vous ne vous contentez pas de copier-coller les gestes de Jésus, vous nous témoignez d’une manière de les vivre inspirée pour aujourd’hui.
Et nous, amis accueillis, notre manière de faire “en mémoire du Christ” ce jour, c’est déjà de nous laisser renverser dans nos logiques. Le maître s’est dépossédé de son vêtement pour nous laver les pieds. Et nous qui tenions tant à l’accueil dans nos murs, nous voici dépossédés de nos vêtements de pierres. Comme Pierre, nous apprenons à recevoir. Nous apprenons à nous laisser accueillir, laver le cœur de la tête au pied.
Cette année, c’est encore plus fort, car nos deux communautés ont préparé ensemble cette célébration par un temps de lecture des textes partagés. Le service est devenu rencontre mutuelle. D’ailleurs, nous aurions volontiers célébré ensemble si la capacité de la chapelle l’avait permis. Mais déjà, un fil rouge, né de ce partage et de la présence de quelques-uns de chaque communauté à l’autre célébration du même Jeudi saint, symbolise aussi concrètement notre lien.
Alors… « Faites cela en mémoire de moi » ?
Amis de Notre-Dame des Anges, merci de témoigner d’une fidélité qui invente ce « faire mémoire » quand tant de sirènes électorales ou guerrières tentent nos peuples, nos communautés vers le conservatisme.
Amis rassemblés ce jour, laissons-nous ensemble renversés par la rencontre qui ouvre un chemin nouveau, laissons-nous aimer jusqu’au bout des pieds
Alexandra N.
Psaume 115
Bénis soient la coupe et le pain
Où ton peuple prend corps
Comment rendrai-je au Seigneur
Tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut
J’invoquerai le nom du Seigneur
Il en coûte au Seigneur
De voir mourir les siens
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
Moi, dont tu brisas les chaines ?
Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
J’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
Oui, devant tout son peuple.
Introduction à la lecture du livre de l’Exode :
Le texte de l’Exode que nous allons entendre évoque tout à la fois une fin – celle de l’esclavage en Égypte – et un passage, un commencement : c’est le premier mois, le commencement de l’année, le départ vers une terre promise, le passage du Seigneur…. Tout un inconnu qui nous saisit avec une certaine urgence imprévue… une urgence qui implique l’épreuve de la dépossession – tout laisser derrière soi, partir en toute hâte et Dieu sait si ces mots résonnent à nos oreilles, étant donné le contexte de migrations et de guerre en Ukraine, mais pour nous aussi communauté de Saint-Merry qui a dû laisser derrière elle ses murs, ses habitudes.
Un inconnu qui, malgré l’urgence, nous invite à prendre le risque de la confiance, cette confiance qui s’exprime ici dans le concret de nombreux préparatifs. Faites cela en mémoire de moi, non pas comme un copié-collé, mais comme une marche, une route ensemble qui reste à inventer…
Bernadette C.
Lecture du livre de l’Exode (12, 1-8. 11-14)
En ces jours-là, dans le pays d’Égypte, le Seigneur dit à Moïse et à son frère Aaron :
« Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois, il marquera pour vous le commencement de l’année. Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël : le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison. Si la maisonnée est trop peu nombreuse pour un agneau, elle le prendra avec son voisin le plus proche, selon le nombre des personnes.
Vous choisirez l’agneau d’après ce que chacun peut manger.
En mémoire de toi (bis)
Nous avons pris le pain de notre Pâque
Et nous l’avons mangé :
Il n’avait plus son goût de plante amère
et de pain non levé !
C’était le pain d´une terre promise
Où l’homme est délivré.
En mémoire, en mémoire de toi nous revenons d’exil !
En mémoire de toi nous marchons sur la mer !
Ce sera une bête sans défaut, un mâle, de l’année. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour du mois. Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël, on l’immolera au coucher du soleil. On prendra du sang, que l’on mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on le mangera. On mangera sa chair cette nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte :
C’est la Pâque du Seigneur.
En mémoire de toi (bis)
Nous avons pris le pain de notre Pâque
Et nous l’avons mangé :
Il n’avait plus son goût de plante amère
et de pain non levé !
C’était le pain d´une terre promise
Où l’homme est délivré.
En mémoire, en mémoire de toi nous revenons d’exil !
En mémoire de toi nous marchons sur la mer !
Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage.
C’est un décret perpétuel : d’âge en âge vous la fêterez.
Acclamation de la Parole
Ta gloire Seigneur, c’est l’Homme vivant
C’est l’Homme debout qui est ta louange
Ta gloire Seigneur, c’est l’Homme vivant
C’est l’Homme debout qui te rend honneur.
Évangile de Jésus-Christ selon Jean(13,1-15) :
Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.
Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote,
l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit :
« C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »
Jésus lui répondit :
« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »
Pierre lui dit :
« Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »
Jésus lui répondit :
« Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »
Simon-Pierre lui dit :
« Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »
Jésus lui dit :
« Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »
Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit :
« Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”,
et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Commentaire
Une fois encore, grande joie de partager la Parole.
Nous avons préparé cette célébration d’abord avec des amis de notre dame des Anges. Puis en petit groupe.
Nous étions émerveillés par la richesse de ce passage d’Évangile.
Parmi toutes les pépites de vie que comporte ce texte, nous avons été étonnés par le comportement capricieux, presque caractériel de Pierre.
Que veut nous dire l’évangéliste en insistant sur ce comportement ?
Jésus souhaite nous faire accueillir, non pas un geste religieux nouveau, mais une présence : Sa présence. Sa présence pleine d’amour au service de la relation vraie qui, seule, donne la vie.
De son côté Pierre ne comprend pas. Il s’en tient au geste. Il réagit au geste nouveau et non pas à la proposition de l’accueil de l’étonnante présence de Jésus.
Pierre veut juger ce geste, le maîtriser. Pierre est offusqué car ce geste ne correspond pas à la pratique religieuse à laquelle il est habitué : il est impensable que le Seigneur se fasse serviteur en proposant de lui laver les pieds. Pierre refuse.
Et puis, changement de ton. Jésus a tenté de lui expliquer le sens de ce geste ; alors Pierre est enthousiaste devant la nouveauté du geste ; il veut l’amplifier : pas seulement les pieds mais tout le corps. Pierre est enfermé dans une pratique où le geste occupe toute la place.
Jésus aujourd’hui nous propose un message absolument nouveau, subversif, révolutionnaire et totalement détonnant dans le monde religieux :
- Je ne vous propose pas d’abord un geste, fut-il le beau geste du service !
- Je vous propose d’accueillir ma présence. Pas n’importe quelle présence ! une présence d’amour, de don de soi-même, de révélation de la fraternité plus forte que toutes vos divisions et vos violences ».
Face à la proposition d’une telle présence amoureuse, nous sommes déroutés. Lorsque l’être aimé nous propose sa présence aimante, nous sommes nous-mêmes stupéfaits. Nous perdons notre pouvoir ! Alors nous cherchons à poser des gestes, à maîtriser cet amour, pourtant offert gratuitement.
Jésus nous révèle sa présence qui ne meurt pas. Il nous invite à l’accueillir, aujourd’hui, à travers le geste du service, ou celui du partage du pain et du vin, qui donnent vie.
Jésus nous invite, en ce grand jeudi, à ne pas tout maîtriser, ne pas tout comprendre.
A ne pas retomber pas dans la gestuelle religieuse et rituelle, et à entrer dans l‘amour.
Acceptons de nous laisser bouleverser par sa présence aimante dans notre vie.
Renouvelons ce geste en mémoire de Lui en partageant cette présence aimante dans la vie du monde. Alors nos gestes de prière, de service, de solidarité, de partage prendront leur pleine dimension !
Guy Aurenche
Méditation musicale
Quels bouleversements cette présence provoque-t-elle en nous ?
Prière universelle
Tournés vers Toi, Seigneur, nous implorons ta grâce,
Écoute nos appels, exauce-nous.
Le jeudi saint, c’est un peu le calme avant la tempête, la violence qui va s’abattre sur Jésus.
Aujourd’hui, au moment où nous te prions, la violence se déchaine sur un nombre incalculable de personnes.
Seigneur, viens en aide à tous les déracinés, les blessés, les torturés, les endeuillés confrontés au désespoir.
Le jeudi saint, c’est aussi un mode d’exercice du pouvoir spirituel de Jésus quelque peu déconcertant : laver les pieds de ses disciples. Et depuis quelques années, le pape François s’est attelé à la réforme de la Curie. Certains ” princes de l’Eglise ” peuvent y avoir oublié cette pratique de l’exercice du pouvoir.
Seigneur, aide-nous à ne pas abuser de notre pouvoir matériel et spirituel, en particulier vis-à-vis des plus faibles.
Le jeudi saint, c’est enfin la fécondité de la fraternité. Deux mille ans après, nous sommes les héritiers de ce repas de l’amitié entre Jésus et ses disciples.
Seigneur, nous te confions nos communautés ici rassemblées, que la puissance de ton Esprit renforce nos liens, que nous contribuions à l’avènement de ton Royaume.
Prière eucharistique
Père éternel, nous t’offrons ce sacrifice d’action de grâce, nous invoquons ton nom, en ce premier jour dans cette dynamique de la marche vers Pâques. Le récit d’Exode nous dresse le cadre du repas de la liberté en mémoire de l’exil. Nous revenons d’exil, Père. Nous marchons sur la mer. Nous assumons cette expérience du lavement des pieds des disciples (quel renversement de valeurs pour notre monde assoiffé d’honneur et de gloire). Un acte révélateur qui nous met en présence d’un mystère paradoxal : à travers ce geste d’esclave si intime au Christ se vit un geste de service-partagé, qui culminera dans l’offrande de son corps et de son sang. Il se découvre à nous une fin, un commencement, un passage et pourquoi pas une certaine urgence imprévue qui suppose l’épreuve de la dépossession -Pierre et Judas nous interrogeront toujours-. Les événements malheureux de nos familles, de notre communauté, la guerre en Ukraine et les multiples conflits oubliés à travers le monde offrent une belle grille de lecture. Ils sont l’évidence d’un monde en feu. Mais toi Père tu nous incites à la marche. Dans ce risque assumé de la confiance vers un certain inconnu, tu te découvres au service de l’homme, et le Christ se manifeste à nous comme étant à notre totale disposition, alors ce jour nous révèle le sens ultime de notre existence : notre totale disponibilité aux autres. Ta gloire, Seigneur, c’est l’Homme vivant. Dans cette fierté retrouvée, nous joignons notre voix à celle des anges pour chanter et proclamer :
Saint le Seigneur, Dieu des vivants
Hosanna au plus des cieux (bis)
Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire
Hosanna au plus des cieux
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur
Hosanna au plus des cieux
J. Akepsimas
Père saint, Paul, le dernier des apôtres a reçu lui-même ce qui vient de ton Fils et nous l’a transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi ». Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi ». Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.
Gloire à Toi qui étais mort,
Gloire à Toi qui es vivant,
Notre Sauveur et notre Dieu,
Viens, Seigneur Jésus !
Messe de St Boniface – Marcus Wittal
Père saint, le Christ nous partage son corps et son sang. Ce qui était raconté trouve du sens. Le « Faites ceci en mémoire de moi » retrouve son sens ultime dans l’offrande de ce jour. Il devient force de service et nous donne de témoigner de l’espérance qui nous habite. Il devient rencontre personnelle avec celui qui est Service, parce qu’il est Amour. Nous voilà bousculés, entraînés vers un chemin nouveau, afin de continuer cette présence partagée et offerte, et au-delà des épreuves, nous sommes invités à en souligner l’urgence, dans l’acceptation de soi et de l’autre. Cette conviction, cette foi agissante, nous voulons la vivre et la confesser en Église, au travers de notre communion au Pape François, à notre administrateur apostolique Mgr Georges, et à toutes les personnes actives à l’avènement d’une humanité harmonieuse, terre d’accueil, de partage et de liberté.
Oui Père, ils sont nombreux ces hommes et ces femmes adonnés au service de la collectivité humaine, au service de notre communauté chrétienne, au service de nos familles. Ils sont une fierté pour le monde, une source d’inspiration et de foi en l’avenir. Bénis Seigneur tous ces bâtisseurs de la vie et de la liberté.
Tournés vers Toi, Seigneur, nous implorons ta grâce : soutiens notre communauté dans ses douleurs d’enfantement. Qu’elle soit ce havre de paix et lieu d’une fraternité féconde. Guide l’action de tous ceux qui en son nom cherchent des voies nouvelles pour dire et chanter la force et la beauté de l’Évangile dans la ville. Nous te confions aussi la communauté ici rassemblée. Que ton Esprit la consolide dans sa contribution à l’avènement de ton Royaume.
Alors que se déchaîne la violence sur bien des peuples et des nations, viens panser les blessures et soutenir les fragilités multiples. Conforte tous ceux qui doutent et désespèrent. Raffermis les malades de nos familles et de notre communauté.
En union avec Marie et Joseph, en union avec les apôtres, avec les saints, surtout ces témoins actifs, souvent anonymes de nos cités et de nos familles, que nous ayons part à la vie éternelle, et chantions ta louange, par Jésus Christ, ton Fils bien-aimé. C’est à nous de prendre sa place aujourd’hui, pour que rien de Lui ne s’efface. Par lui, avec lui et en lui, à toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles. Amen.
José Mandiangu
Notre Père
Agnus : Le jour où tu verras A226
Le jour où tu verras ton corps se briser
pour que vive ton frère,
Tu pourras reconnaitre ton Seigneur
au partage du pain
Tu pourras regarder l’Agneau de Dieu
Qui enlève le péché du monde.
Le jour où tu auras le cœur transpercé
Par les cris de ton frère
Tu pourras reconnaitre ton Seigneur
au partage du pain
Tu pourras supplier l’Agneau de Dieu
Qui enlève le péché du monde.
Le jour où coulera le sang de ta vie
Pour que chante la terre
Tu pourras reconnaitre ton Seigneur
au partage du vin
Tu pourras recevoir l’Agneau de Dieu
Qui enlève le péché du monde.
Geste du lavement des mains
Chant : L’homme qui prit le pain D254
L’homme qui prit le pain n’est plus devant nos yeux
Pour saisir, en ses mains, le don de Dieu.
C’est à nous de prendre sa place aujourd’hui
Pour que rien de Lui ne s’efface (bis)
L’homme qui prit le vin n’est plus devant nos yeux
Pour donner au festin l’amour de Dieu.
L’homme qui prit la mort n’est plus devant nos yeux
Pour offrir, en son corps, le monde à Dieu.
L’homme qui prit tombeau n’est plus devant nos yeux
Pour prouver, à nouveau, la vie de Dieu.
Prière d’un jeudi saint
Ils sont à table. Il prend un morceau de pain. Il ferme les yeux. Il rend grâce pour ce pain car il sait bien que tout est don. Le pain mais plus encore : la vie, les autres. Et Dieu.
Quand il rouvre les yeux, il leur présente le pain à mains tendues. Il les regarde. Ce pain, c’est bien plus que du pain : c’est toute sa vie, c’est toute leur vie, tout un réseau de relations, une mie serrée, aussi dense que ce qu’ils ont vécu pendant toutes ces années. Un jour, on dira « fruit de la terre et du travail des hommes. »
Il rompt le pain. Il le leur donne en leur disant : « ça, c’est tout moi. »On dira qu’il a dit : « Voici mon corps livré pour vous » ou quelque chose comme ça. Mais ce qu’il veut dire vraiment, c’est que toute sa vie a été pain béni, rompu et partagé. Et que toute vie -jusqu’à aujourd’hui même- est prise, bénie, rompue et appelée à être donnée pour que d’autres vivent. Cette nuit-là, il leur révèle le sens ultime de l’existence. Il prend ensuite une coupe de vin. Sa vie, c’est un vin de fête qu’il lève à l’occasion du mariage éternel entre l’humanité et Dieu.
La coupe qu’il bénit passe aux lèvres de chacun : on ne boit dans le verre de qui on a toute confiance. Il n’y a qu’à goûter. La coupe qui passe de main en main, c’est celle d’une vie mise en partage depuis longtemps et pour toujours. On dira « Signe de l’alliance nouvelle et éternelle » : on a chacun ses mots. Cette heure est infiniment grave. Ils pressentent que ce dernier repas récapitule sa vie. C’est une synthèse. Un résumé. Une promesse. Une alliance. Une source et un commencement. C’est le repas de leur destinée.
Raphaël Buyse, extrait de « Autrement l’Évangile », Paris, Bayard, 2021, p.70-71.