Le 15 mai, canonisation de trois Français : César de Bus (fin du 16e siècle), fondateur d’une congrégation, Marie Rivier (18e siècle) qui a investi dans le champ éducatif, et Charles de Foucauld, mort en 1916.
Saintes, tout simplement
Il y a quelques années, à Rome, un cardinal français chargé par le pape de renouer avec Cuba,
me rapporta une discussion avec Fidel Castro. Celui-ci, dont la mère venait de mourir, lui demanda : « Qu’est-ce qu’un saint pour l’Église catholique ? ». « C’est compliqué, répondit le prélat. Il y a les saints officiellement déclarés par une procédure ecclésiale. Et il y a beaucoup de braves gens, inconnus du grand public, mais que, dans notre cœur, nous considérons comme des saints. Voyez, votre mère qui vient de nous quitter, vous l’aimiez et l’admiriez beaucoup. Elle était vraiment pour vous un témoin de la tendresse et de l’amour. Je crois qu’elle est sainte dans le cœur de Dieu. Ma maman, ajouta le cardinal, est morte il y a trois ans. Je crois qu’elle parle avec la vôtre ce soir.
Elles nous regardent et leur bonté témoigne de leur sainteté ». Le lider Maximo s’effondra en larmes et l’entretien s’arrêta là !
Les saints officiels
Chaque journée nous donne rendez-vous avec eux. Il s’agit de personnes ayant manifesté une vie exemplaire, conforme aux principes de la religion. Certaines ont enduré le martyre pour rester fidèles à la foi. D’autres sont sanctifiées grâce à « l’héroïcité de leurs vertus ».
Les saints témoignent d’un monde sacré, différent. La canonisation est une décision juridique formelle qui n’a pas toujours existé. Certaines personnes étaient déclarées saintes par « la clameur du peuple », dès leurs décès. Une procédure publique, stricte et parfois longue, a voulu éviter les imprévus de la rumeur publique.
Aujourd’hui nous avons besoin, peut-être plus que jamais, de témoins qui rayonnent la paix et la joie, grâce à leurs convictions religieuses. Ils nous disent que vivre en fraternité est un objectif accessible, et que la démarche d’ajustement sur l’amour de Dieu est proposée à tous et toutes.
Charles de Foucauld (1864–1916)
Il est sans doute le plus connu des trois Français canonisés : le plus surprenant, aussi ! Aristocrate, né dans une famille catholique, il « perdit » la foi à l’adolescence puis réussit le concours de l’école militaire de Saint-Cyr. La fortune familiale lui permit de profiter des plaisirs de la vie. Il dilapida ses biens et partit avec son régiment en Algérie. Ayant quitté l’armée, il explora le Maroc, costumé en vieux rabbin miséreux ; il dessina beaucoup, subjugué par la beauté du paysage. Il noua des liens d’amitié avec les chefs locaux.
En 1886, à Paris, il connut un profond « retournement » : tout son être « appartenait désormais au cœur de Jésus ». Il devint prêtre en 1901 et s’installa en solitaire, dans un dénuement total, dans le Hoggar algérien, auprès des Touaregs. Il fut assassiné à Tamanrasset en 1916, par des musulmans fanatiques, mécontents de voir le Français vivre avec des Touaregs qui ne rejetaient pas le « grand marabout chrétien ».
« Une minute de prière »
Il collabora à plusieurs ouvrages sur la culture touarègue ainsi qu’au premier dictionnaire français-touareg. Pour rencontrer et connaître l’autre, il faut savoir sa langue, et accueillir la richesse de sa culture. Il dénonça les inégalités vécues par les plus pauvres. Il s’intéressa à la géographie, à la beauté de la nature : « J’ai peine à détacher mes yeux de cette vue admirable dont la beauté et l’impression d’infini rapprochent tant du Créateur ». Il ne provoqua aucune conversion mais sa réputation dépassa le désert, les Touaregs et les militaires français qu’il rencontrait.
En 1968, le pape Paul VI estimait que ses écrits spirituels et sa pratique de la charité totale le rendaient « digne d’être appelé Frère universel ».
La prière prenait beaucoup de son temps : « Jamais un vaisseau à voile ou à vapeur ne te conduira si loin qu’une minute de prière ».
Charles de Foucaud est un saint vraiment très moderne qu’il convient de débarrasser d’une « image doucereuse, et d’une fraternité éthérée ». (Hors-série Le Figaro, mai 2022)
Pour les croyants comme pour les non-croyants en Dieu, son programme est plus que jamais d’actualité : « Notre cœur a soif de plus d’amour que le monde ne peut lui en donner ; notre esprit a soif de plus de vérité que notre monde ne peut lui en montrer ; tout notre être a soif d’une vie plus longue que celle que la terre peut lui faire espérer ».
Merci à toi cher Guy, pour cet édito concernant le petit Frère Universel. “Son programme tout à fait d’actualité autant pour les croyants que les non-croyants.”
Et pour la prière :” Jamais un vaisseau à voile ou à vapeur ne te conduira si loin qu’une minute de prière.”
Grande joie, si attendue, dimanche !
Jacqueline Casaubon