De nouvelles affaires. Les faits se bousculent, choquants, voire traumatisants.
Encore et encore, la pratique du secret, de l’opacité. Sans voir la fin des révélations.
Outre ces faits d’abus tellement scandaleux, on peut s’interroger aussi sur la pratique « ordinaire » des évêques de France. Un évêque peut-il faire « n’importe quoi » sans évaluation
ni sanction ?
En quelques années on a vu « démissionner » (dans le désordre) Mgr Le Vert à Quimper, Mgr Gaschignard à Dax, Mgr Castet en Vendée, Mgr Barbarin à Lyon, Mgr Aupetit à Paris. Pendant que Mgr Cattenoz à Avignon, qui a défrayé la chronique avec une constance remarquable, a réussi
à tenir jusqu’à ses 75 ans. Et Mgr Aillet à Bayonne est toujours là, ordonnant en catimini dans son diocèse cinq prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre (FSSP) venus d’Allemagne et repartis aussi vite, soutenant récemment « Virginie », la voyante que le Christ embrasse sur la bouche.
Et Mgr Rey à Toulon se maintient lui aussi, enfin mis sous surveillance.
Pendant ce temps-là, des chrétiens souffrent. Comment se remettre de charges pastorales déviées ? En Vendée, Castets parti, le nouvel évêque – qui a affronté courageusement les abus nombreux – hérite d’une situation conflictuelle intenable. On me dit : « soit le prêtre est “tradi” et les chrétiens sont ouverts, soit le prêtre est ouvert et les chrétiens sont “tradis” ». On me dit : « on ne se parle plus d’un côté à l’autre de la nef ». On me dit : « l’Église, ce n’est plus possible. On va s’investir ailleurs, à Emmaüs… ». Dans d’autres diocèses, les chrétiens témoignent leur souffrance du manque de dialogue et d’écoute de leur épiscopat : ils n’existent pas ! Des constats à mettre en lien avec les axes forts qui sont ressortis de la démarche synodale, tellement convergents !
On voit que Rome redresse la barre avec des nominations récentes, en général beaucoup plus pertinentes, de personnes de terrain férues de pastorales, rompant avec la tradition de remplir les sièges épiscopaux de parisiens éloignés du monde rural.
Mais que de diocèses sinistrés et sacrifiés ! Pourquoi aucune relecture ni évaluation ? Pourquoi la fonction d’évêque est-elle à durée indéterminée, jusqu’à 75 ans, quels que soient les résultats ? Pourquoi tant de prêtres valeureux n’ont-ils pas été évêques, et l’ont même refusé ? Pourquoi des évêques de grande qualité restent-ils très longtemps dans le même diocèse alors qu’ils pourraient faire merveille aussi ailleurs ? Font-ils peur ? Il ne faut pas se plaindre que la fonction d’évaluation soit occupée par le Trombinoscope de Golias.
Une première mesure : qu’on ne soit plus automatiquement en exercice jusqu’à l’âge de la retraite canonique. On ne peut pas condamner les chrétiens d’un diocèse à garder pendant dix, vingt ans un pasteur qui « ne connaît pas l’odeur de ses brebis », selon l’expression du pape François, et se révèle inapte au ministère de l’unité.
Donc qu’on établisse des mandats de six ans, éventuellement renouvelables pour trois ans, et, pour les évêques qui resteraient sans poste et deviendraient « émérites », une pratique nouvelle de retour à d’autres missions, à imaginer, soit dans un ancien diocèse, soit au service de l’Église de France.
Une telle perspective serait également plus stimulante pour les évêques, obligés de rendre compte régulièrement au peuple de Dieu…
Et d’autres mesures organisationnelles à prendre : que l’évêque n’ait plus cette omnipotence dans son diocèse. Qu’il y ait une répartition des responsabilités, des systèmes de régulation, et de réels contrepouvoirs.
Dans l’Église du Chili fut appliquée une mesure d’urgence, beaucoup plus radicale : tout le monde démissionne et le pape relance de nouvelles nominations… Devrons-nous attendre vingt ans pour qu’une nouvelle culture épiscopale apparaisse ?
Merci Anne pour cet excellent commentaire, courageux et direct. Je vais le partager. Amicalement. Jacqueline C.