Partir de l’Église Catholique ? Rester ? Rejoindre une autre Église ? Cela ne me semble pas une bonne façon d’affronter le défi de la foi que nous lance la crise profonde de l’Église catholique. Mais, en même temps, se poser la question exprime la soif d’un « autrement ».
La réflexion de Jean-Luc Lecat-Deschamps au débat en cours sur le site “Garrigues et sentiers”
À mon avis…
Ni partir, ni changer de culte, ni rester enfermés par le passé… mais aller de l’avant, oser inventer, remettre en cause des vérités dites définitives…
Tout laisser, tout quitter, comme fut l’appel d’Abraham : « va vers le pays que je te donnerai. Et Abraham partit sans savoir où il allait… »
Au jour de la résurrection, l’ange apparu aux femmes n’a pas invité les disciples à se retrouver entre eux à Jérusalem, au Cénacle, mais il leur dit : « Allez, il n’est pas ici, il vous précède en Galilée. »
Le rassemblement dans la peur et la tristesse, c’est fini.
Jésus n’est pas dans le passé, il invite à partir.
Et ce sera le grand souffle vers le large de la Pentecôte : empoignés par l’Esprit, les disciples sortent de leur silence et de leur retraite. Ils sont saisis pour annoncer une espérance nouvelle à tous les pays du monde, en se faisant comprendre dans la langue de chacun.
L’horizon, c’est de vivre avec le Ressuscité au milieu des hommes !
L’Église, communauté des baptisés, et donc ma communauté aussi, n’est qu’un moyen.
La Jérusalem céleste sera l’aboutissement, un émerveillement, le rassemblement de tous les humains réconciliés et vivant l’amour mutuel… Tel me semble être le moteur des personnes en marche avec Jésus.
Mais, comme l’exprimait Alfred Loisy :
« Jésus annonçait le royaume, et c’est l’Église qui est venue. »
Les hommes et femmes de « la Voie » se sont peu à peu organisés, hiérarchisés, « dogmatisés », structurés essentiellement dans un mode centralisateur, de type pétrinien, à la différence des communautés pauliniennes, comme nous l’a fait remarquer Nicolas de Bremond d’Ars le 12 mars. Ils l’ont fait avec la mentalité, la culture et l’interprétation de leur temps.
Ceci a façonné progressivement l’Église, organisation toute humaine au service des « compagnons de Jésus ».
Le sacerdoce
Par les choix successifs de ceux qui, sûrement, ont voulu être fidèles, l’Église et ses responsables
se sont pris peu à peu pour l’expression de la volonté de Dieu sur terre, mélangeant service des
disciples et conviction de leurs pouvoirs et de leurs savoirs divins.
Ainsi des hommes, mâles, investis d’un « pouvoir sacré », réaffirmé jusque dans le concile
Vatican 2 (constitution Lumen Gentium, chapitre 3) se sont attribués la connaissance du Bien et du
Vrai, se sont donnés autorité sur les personnes, leur conscience et, parfois même, leur vie.
Pour rééquilibrer ce pouvoir sacré, Vatican 2 a mis en relief le sacerdoce commun des baptisés,
participation d’une autre façon au sacerdoce du Christ.
Mais à être ainsi renvoyés au sacerdoce, ne risque-on pas de retomber dans la même dérive ?
« Peuple de prêtres, peuple de rois, assemblée des saints » … Peuple sacré, un peu divin, au
milieu des humains … Un rien différents, un rien supérieurs ?
Ma conviction profonde : tant que l’on revendiquera un « pouvoir sacré » quelconque dans l’Église,
rien ne changera fondamentalement. Personne parmi les humains n’a un pouvoir divin, sacré qui
serait comme de la magie, du fétichisme, de la manipulation… L’ordination sacerdotale et les
pouvoirs qui l’accompagnent me semblent la racine même du mal dont souffre notre structure
Église aujourd’hui.
Notre seule force originale, c’est Jésus, sa parole partagée avec ceux qui l’ont choisi comme
compagnon de route, comme amis, puisqu’il nous appelle ainsi.
Alors que dire ? Que vivre dans notre Église ?
Ni partir, ni rester enfermés dans nos dogmes, nos certitudes, nos condamnations, nos conciles….
Avancer « en eau profonde », par deçà et par-delà ce qui a pu se dire et s’affirmer comme immuable et définitif en restant enracinés sur Jésus et sa parole partagée.
- Reconnaître la richesse, la participation, et le service indispensables de tous les évêques, prêtres, et diacres, en tant que personnes ayant donné leur vie à la suite de Jésus.
- Mais renoncer au sacerdoce comme sacrement, comme pouvoir sacré.
- Entendre et écouter le monde contemporain et ses problématiques.
En un mot, réinventer – tous ensemble – une structure Église pour le 21ème siècle.
Gens de peu de foi, de quoi avez-vous peur ?
« Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps »
Jean-Luc Lecat
PS : Tout ceci ne prétend pas être la vérité bien sûr. Ce n’est que ma vérité. Cependant il me semble de ma responsabilité comme membre de cette communauté catholique, de partager, ma petite pierre, ma conviction profonde, pas évidente à exprimer… ni peut-être à recevoir.
Les articles qui ne pourraient être considérés comme l’expression de la communauté sont publiés dans cette rubrique Tribune, ouverte aux expressions et prises de position individuelles
Merci de nous partager cette réflexion personnelle et profonde.
Partir ou rester… Je suis, moi aussi, et, à vous lire, certainement pas le seul dans ce questionnement. J’ai vécu des tas d’expériences ecclésiales avec des “déracinés” lorsque en 1958 je suis arrivé à Sarcelles en provenance de Tunisie. J’y ai rencontré de jeunes prêtres, encore en soutane, mais avec un coeur et un esprit grand ouverts sur le monde et les réalités quotidiennes. Le scoutisme puis la JOC puis l’ACO ont été successivement mes écoles et le CCFD plus tard y a ajouté le regard universel. L’engagement paroissial via la catéchèse et les conseils pastoraux et EAP ont continué de me porter. Et puis, patatras ! Ce n’est pas tant le comportement criminel de quelques uns qui me posent problème mais surtout cette manière de tout planquer dans une omerta inadmissible… Et voilà que l’on installe dans notre paysage liturgique une “obligation de repentance” pendant le Carême ! Alors oui partir ou rester… Je ne sais pas répondre, par contre j’ai décidé pour le moment de ne plus y aller. Mais le lien demeure grâce à vous tous.
Marc Deschamps. Ermont
« S’il s’agit de réinventer – tous ensemble – une structure Église pour le 21ème siècle », j’observe que « les hommes et femmes de « la Voie » qui se sont peu à peu organisés, hiérarchisés, « dogmatisés », structurés essentiellement dans un mode centralisateur, de type pétrinien » (Jean-Luc Lecat), se cognent contre la forme institutionnelle de l’Institution catholique quand ils cherchent à en sortir ; cela se comprend sans difficulté en considérant un lit à barreaux, lit qui convient pour un petit enfant afin qu’il ne tombe pas par terre dans son sommeil ; l’enfant doit rester dans le lit et se cogne contre les barreaux quand il cherche à en sortir. D’un lit à barreaux à l’autre, la forme du lit n’est pas exactement la même, mais il s’agit toujours d’une barrière (forme structurelle).
Or la forme structurelle de l’Église n’est pas la forme d’un lit à barreaux ; la forme structurelle de l’Église est la forme de « la bergerie », de « la porte » et du « berger » : « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage. (Jn 10-09)
La distinction entre la forme structurelle (la bergerie) de l’Église et la forme institutionnelle (lit à barreaux) de l’Institution catholique, permet que « nous consentions à exister sans complexe en marge du système catholique, tout en faisant la différence entre l’Église et l’Institution catholique. L’Église au sens profond du terme est la communauté des disciples qui s’essaient personnellement et ensemble à vivre de l’esprit de Jésus. Dans l’Église catholique romaine, il ne manque pas d’hommes et de femmes qui vivent authentiquement et qui témoignent de l’Évangile, avec des représentations diverses de la foi. » (Jacques Musset)
Il y a beaucoup d’images pour parler du Règne (temps), du Royaume (espace) : bergerie, porte, berger, peuple, troupeau,
aucune de ces images ne doit être durcies, absolutisées
et toutes sont menacées de déconversion.
Dans un diocèse où nous avons été considérés par l’évêque Marc Aillet , sa cour, et la presse locale comme des opposants actifs à la vague traditionnaliste qui fait des Pyrénées Atlantiques un laboratoire et un refuge pour toutes sortes de communautés de prêtres et de religieuses rétro, nous avons été accueillis par une communauté d’Eglise qui 1° pratique la démocratie et la synodalité à tous les échelons, 2° a réglé la question féministe de l’égale dignité de toutes et tous, 3° reste exigeante sur l’instruction et le partage intellectuel, 4° est à l’aise dans une république laïque, 5° ne rejette pas a priori les valeurs les préoccupations et les langages de ce temps, 6°vit dans une certaine pauvreté et un partage certain…
Il s’agit de l’Eglise protestante Unie qui n’est pas brillante mais qui réalise tout ce que nous espérons. Est-ce partir que rejoindre d’autres chrétiens encore plus minoritaires mais qui ne dépensent pas une énergie incroyable en luttes intestines ? Est-ce se taire que participer à des groupes de partages et d’enseignement ouverts? “Quitte ton pays ….”