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La Pâque : le relèvement ici et maintenant

Plusieurs textes chrétiens utilisent le mot « relèvement » de la mort vers la vie pour tenter d’exprimer la résurrection de Jésus. Le mot Pâque signifie « passage ». La lecture des six articles proposés par Colette Deremble sur le site de Saint-Merry Hors-les-Murs  est particulièrement éclairante, tout en laissant à chacun la responsabilité de trouver ses mots et ses gestes pour dire Pâque. « Les Évangiles et saint Paul demandent de nous éveiller aujourd’hui… La puissance d’amour, dont chacun de nous a sa part et que chacun fait fructifier à sa manière se répand sur ceux qui restent et qui ont pour mission, à leur tour, de faire fructifier cette vie pour les autres ». Qu’en est-il dans notre quotidien ?

Lire pour échanger

Des équipes de bénévoles proposent des cours d’alphabétisation à des jeunes femmes d’origine étrangère n’ayant jamais fréquenté l’école. Fatouma y a vécu une expérience extraordinaire. Une étiquette dont elle voyait le dessin quotidiennement sur un flacon, dans le cadre des travaux de ménage, prit soudain sens. Elle pouvait faire le lien entre un ensemble de lettres sur une bouteille et un objet bien identifié ainsi qu’avec un son souvent entendu : savon. Cette découverte provoqua chez Fatouma une joie profonde, un sentiment d’exister davantage en devenant capable de déchiffrer des signes incompréhensibles quelques instants auparavant. Elle a éprouvé un véritable relèvement, en passant du non savoir au savoir ; cela a constitué pour elle un immense « progrès » dans son être personnel et ses capacités à entrer en relations.

Redonner vie

Dans un Ehpad vit une centaine de personnes, surtout des hommes. L’un d’eux a vécu pendant 45 ans une extraordinaire expérience de développement communautaire dans une région d’Afrique. Redevenu parisien, il connut un moment de renaissance. Ces hommes ne sont pas bavards, peu curieux des autres et ne se questionnent pas. Une femme, pensionnaire elle aussi, s’invita un jour à la table de ce monsieur. Elle n’hésita pas à interroger ses compagnons de repas, les faire exprimer tant leur passé que leurs attentes. L’un d’entre eux se sentit soudain « vivant », relevé du silence maussade dans lequel il s’enfermait. Au point d’avouer à l’un de ses proches : « Cette dame (pourtant beaucoup plus âgée que lui), m’a redonné  vie ». Belle aventure de relèvement à près de quatre-vingt-cinq ans !

Pratiquer la solidarité

Dans le cadre de mon activité à l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, je rencontrai en Transnistrie (Moldavie) un homme condamné à mort parce qu’il avait manifesté contre la soviétisation de sa région. Dans le bunker, la conversation n’était pas facile avec quelqu’un destiné à une mort prochaine. Il fut encore plus difficile de se quitter. L’homme me dit : « Ne vous inquiétez pas, après votre visite qui a brisé ma solitude, je suis vivant ! ». Vivant face à la mort. Relevé d’une situation de désespoir total vers la lueur d’une vie encore possible. Je fis la même expérience avec les partenaires étrangers du CCFD-Terre Solidaire. Ils vivaient des situations de misère mortelle ou de répression dramatique. Mais tous affirmaient que grâce à la solidarité, le désespoir était vaincu. Ils étaient relevés de la mort et reprenaient courage pour construire un peu de bonheur.

Accueillir une présence vivante

Certes, le mystère de la résurrection de Jésus ne se résume pas à une série d’actions sympathiques et porteuses d’espérance. Mais ces actes de relèvement qui contribuent à la vie bonne, ne peuvent-ils pas conduire à l’accueil d’une Présence dont nous ne soupçonnions pas l’existence, y compris à travers nos morts ? « Se convertir, c’est s’éveiller à la présence intérieure de Dieu ».

« Nous sommes habités par une présence,
la vie se poursuit à travers notre oui.
Il est le visage que chacun reconnaît dans son cœur,
l’espace d’amour qui nous transfigure.
On ne peut pas le représenter.
On peut le rencontrer, naître à nouveau,
devenir une autre existence, un immense espace d’amour,
comme est le Dieu vivant. »

Maurice Zundel (1897-1975), théologien suisse

À Pâque, la célébration du relèvement de Jésus-Christ de la mort à la vie, invite tous les chercheurs de sens à oser témoigner d’une présence de vie, d’une parole vivifiante à travers les modestes gestes de relèvement que nous pouvons poser. Et cette action, avant d’être un geste personnel audacieux, peut être l’accueil d’un don qui nous est fait ; le don de cette Présence aimante et vivante que nous recevons et que sans doute, nous pouvons nous partager les uns aux autres. Joyeuse Pâque !

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Guy Aurenche

Avocat honoraire, membre de la Commission Droits de l’homme de Pax Christi, ancien président de l’ACAT et du CCFD-Terre solidaire. À lire de Guy Aurenche : « Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun ! », éd. Temps présent, 2018.

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