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L’espérance existe à travers la vérité

Nous pensions que l’espérance possédait la vie éternelle, n’était pas le Royaume mais l’avant-scène de ce Royaume. Nous avons longtemps persisté à la voir comme une évidence, un instrument de salut alors qu’elle n’était déjà plus perçue comme telle.
Nous voilà conduits à essayer d’entrevoir une figure de l’Église en état de relever le défi, le dépassement, l’exigence que la modernité porte, le risque qu’elle ouvre.

L’espérance, source d’une re-création ? 

Cette espérance existe à travers la vérité. Elle grandit quand peu à peu nous nous réapproprions notre vie de baptisé, le souffle, l’audace et l’impertinence de notre nouvelle condition. Elle s’incarne quand nous ne cédons rien sur l’absolue nécessité de questionner la discipline et la doctrine, les enseignements dits de toujours. Nous voilà pauvres, incertains, fragiles, douloureux, tentés parfois de nous laisser enfermer dans les impasses de la nostalgie. Nous ne connaissons pas demain, mais hier dont nous sommes les héritiers. Ne confondons pas une figure de l’Église et l’Évangile qui envers et contre tout a continué d’y être entendu et fait des saints.

Laissons-nous habiter par le manque, le désir

  • La vérité et la lucidité pour pouvoir aller jusqu’à l’espérance.
    Le manque en somme pour créer, pour imaginer, dessiner, projeter.
    Le manque pour donner réalité à une Église qui fait mémoire de toutes les tentatives des hommes de sortir des compromissions, lâchetés, inerties, scepticismes faisant obstacle à la fraternité.
    Le manque pour laisser venir une Église qui puisse célébrer dans les jours d’aujourd’hui le ressuscité et les ressuscitants, l’humanité et le cosmos sauvés, l’homme devenu Dieu parce que Dieu est devenu homme.
  • La vérité et la lucidité pour pouvoir aller jusqu’à l’espérance
    Il faut aller à la racine des choses, porter le fer là où ça fait mal, ne plus rien tenir caché, ne plus rien taire, ne plus rien tenir pour acceptable, admissible, tolérable si l’on veut pouvoir espérer.

Avant de vouloir l’Église, il faut s’interroger sur son origine, son identité et sa raison d’être ; il faut la recevoir. Avant de re-créer, il faut développer les gestes de l’hospitalité de l’amitié, cultiver le génie inventif de la sainteté et les espiègleries de l’Esprit. Il faut puiser dans l’immense mémoire de l’expérience de la rencontre avec le Sauveur de celles et ceux qui nous ont engendré et qui fait notre force. Il faut se donner une charte, désigner les vigies, choisir l’Évangile comme instance critique, vouloir qu’il soit comme un « au-delà intérieur » à nos entreprises, paroles et gestes, créatrices de neuf en réponse à l’initiative de Dieu en Jésus Christ.

La révélation chrétienne dit que retentit en chacun des paralysés que nous sommes
une voix lui disant : « Lève-toi, et marche », et lui donne de pouvoir le faire.
« De l’or ou de l’argent, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne :
au nom de Jésus-Christ le Nazaréen, marche ! » nous disent les Actes (Ac 3, 6).

Un « programme » toujours neuf, à développer dans la modernité

Le concile Vatican II peut être regardé comme la deuxième grande re-création de l’histoire deux fois millénaire de l’Église après celle de son entrée dans la culture hellénistique et européenne.
Ce Concile n’est pas achevé, il commence.

Réconcilier l’Église avec le monde,
faire passer l’Église
« du commandement à l’invitation,
de la loi à l’idéal,
de la menace à la persuasion,
de la contrainte à la conscience,
du monologue au dialogue,
du commandement au service,
de l’exclusion à l’inclusion,
de l’hostilité à l’amitié,
du soupçon à la confiance,
de la rivalité au partenariat,
de la recherche de la faute à  l’appréciation,
du changement de comportement à l’appropriation intérieure ».

John O’Malley, théologien américain

Anticiper l’Église de l’avenir, c’est s’inspirer d’une lecture prospective de l’événement conciliaire. Anticiper l’Église de l’avenir, c’est vivre selon l’esprit du Concile.
Le Concile comme mouvement, comme espérance, comme évènement et corpus à transmettre, nous éloignera de la peur de découvrir que la déception, le ressentiment, l’amertume pourraient signer un éloignement, une séparation de corps et biens, à laquelle il faudrait bien un jour nous résigner. Il nous fait oser voir et dire le manque, non comme un accablement, un désespoir mais comme une promesse. Il nous faut croire que le Dieu de Jésus Christ ne dit pas que l’homme n’existe que par Lui et pour Lui mais qu’il existe infiniment plus encore à travers Lui, par Lui, à cause de Lui. 

Prendre le risque de l’espérance

Si la re-création de l’Église doit nous retenir, c’est pour une parole inaugurale, une parole d’Évangile, une parole qui montre les levers de soleil. De l’ébranlement de l’immense crise que connaît l’Église surgiront des femmes et des hommes neufs, renouvelés, nés à nouveau, des témoins qui diront ce que la rencontre du Christ change dans leur vie. Le Concile nous a ouvert à la re-création d’un croire ensemble, d’un faire Église en dialogue avec la pluralité des chemins du salut.

  • Prendre le risque de l’espérance, c’est s’engager sur un chemin de vérité patient, obstiné, humble, dérangeant avec comme guide mais aussi comme avocat quand il est besoin, le Christ. C’est inviter chacun(e) qui ne sait plus, ne voit plus où aller, à emprunter ce chemin.
  • Prendre le risque de l’espérance, c’est oser célébrer l’eucharistie puisqu’elle est le lieu où les baptisés sont rassemblés, croient ensemble, font ensemble Église, font renaître l’Église.
    Qui sommes-nous, d’où venons-nous, que faisons-nous, de quoi souffrons-nous, qu’est-ce qui nous réjouit, nous mobilise, qu’essayons-nous de faire de notre vie, que faisons-nous de nos jours, qui sont celles et ceux dont nous essayons de prendre soin ? … Nous avons tant de choses à dire et à entendre. Cet « avant » messe-là est déjà le lieu où le Christ se tient, se donne. Elle a partie liée avec la liturgie de l’accueil. Il nous faut l’inventer, lui donner forme.

Un sacerdoce commun, une polyphonie de nos expériences

  • Nous voulons être accueillis, pas nous sentir « exclus ».
  • Nous voulons être tous « célébrants », pouvoir exercer notre sacerdoce commun, célébrer ensemble sous la présidence de l’une ou de l’un d’entre nous. Il nous faut penser la messe à partir du sacerdoce commun des baptisés, à partir du Christ qui se donne, qui est de la terre et du ciel et qui fait de nos solidarités, de nos amours, de nos conversions, de nos résiliences, une fête, un repas partagé, un ciel ouvert.
  • Nous voulons que soient entendues nos expériences particulières et différentes de la rencontre du Christ, des horizons nouveaux que ce lien, cette fraternité ouvre, des aventures de « charité » qu’elles entraînent. Que soit écouté ce que nous percevons comme « signes des temps ».
  • Nous aimerions que nos interprétations des Écritures, de la tradition et des enseignements du magistère, nos sensibilités, nos différences soient entendues. 
  • Nous aimerions que les femmes puisent dire dans nos églises l’aventure, la puissance, l’originalité de leurs vies spirituelles, leur contribution à l’histoire du salut.
  • Nous aimerions que l’on parle un peu plus de Dieu au féminin, que soit privilégiée une expression plus inclusive. Une polyphonie de nos expériences de rencontre avec le crucifié ressuscité peut naître, grandir, se déployer dans nos célébrations eucharistiques anticipatrices, réalisatrices et performatives d’une nouvelle Église.
  • Nous aimerions dans nos paroisses faire offrande du pain et du vin avec tous, et surtout ceux qui n’ont ni pain ni vin, ni terre ni ciel. Nous aimerions que nos tentatives pour sortir de nous-mêmes et faire l’expérience d’une parole, d’un geste, d’un choix qui sauve, soient offertes à celui qui s’offre. Nous aimerions que soient portées en offrande les solidarités multiples qui traversent notre société. 
  • Nous aimerions faire mémoire des enfants, des jeunes, des femmes que les crimes sexuels et les emprises mortifères de l’institution qui nous a vu grandir, ont crucifiés à vie. 
  • Nous voudrions expérimenter l’Eucharistie comme un « sommet de la vie chrétienne », une Eucharistie pour notre société, pour le monde, une eucharistie « laboratoire » de l’Église à venir. 
  • Nous voulons une Église qui encourage à voir le monde comme Dieu le voit et à agir comme lui pour le monde.
  • Nous voulons une Eucharistie d’une Église qui veut vivre devant et avec Dieu, sans Dieu :
    fragile, incertaine, faible et sans assurance, espérant seulement ne jamais être séparée de Dieu…
  • Nous voulons une Eucharistie d’une Église qui ose s’aventurer hors d’elle-même pour mieux accompagner la marche à la suite du Christ de tant d’hommes et de femmes : une Église qui dit qu’il y a une aurore au bout de la nuit.

L’espérance existe à travers la vérité

Elle n’a jamais été aussi forte, aussi volontaire, aussi foisonnante, aussi bouleversante,
aussi agissante.
Elle n’a jamais été aussi libérée, libre qu’en ces temps de synode planétaire. 
Elle n’a jamais autant été portée par « le peuple des baptisés ». 

C’est le sensus fidei fidelium, le « flair » des fidèles qui saura recréer l’Église comme sacrement, « signe et moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. Un « flair » des fidèles qui relaie aujourd’hui le « flair » des Pères du Concile
et invite à trouver l’énergie et la responsabilité du pouvoir d’agir, c’est-à-dire de se donner capacité à « s’approcher », à se faire le prochain, de tous, à l’exemple
du Bon Samaritain de la parabole.

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Patrice Dunois-Canette

Journaliste, secrétaire général d’associations et fédérations de presse catholique, co-fondateur des Journées d’études François de Sales, Chargé de mission cabinets ministériels, co-fondateur et co-directeur de Question Croyance(s) & Laïcité - QCL. Retraité.

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