J

Jacques Gaillot : un message à faire vivre

Le 13 mai 2023, la communauté de Saint-Merry Hors-les-Murs, proche des valeurs et des combats de Jacques Gaillot, lui a rendu hommage en l’église Notre-Dame d’Espérance, lors d’une messe présidée par Antoine Guggenheim et concélébrée par Michel Deheunynck, Dominique Lambert, Jacques Mérienne et Jean-Louis Wathy. Plusieurs personnes et responsables associatifs ont exprimé leur sympathie pour l’homme et ses engagements.

Jacques Gaillot (1935-2023), évêque d’Évreux de 1982 à 1995, fut déchargé de ses fonctions en raison de ses prises de position que sa hiérarchie jugeait « contraires au magistère de l’Église catholique ». Nommé évêque in partibus du diocèse disparu de Partenia (Algérie).
Il resta engagé dans de nombreuses luttes sociales, morales ou politiques jusqu’à sa mort.

Marc V. et Olivier C. (David & Jonathan)

En témoignage de la grande sollicitude de Jacques Gaillot 

Une année, nous lui avons demandé de présider au local une célébration de Noël inclusive et participative. Il a aussitôt répondu favorablement, par ces mots qui pouvaient se comprendre comme un remerciement ou un conseil amical : ”Merci d’être toujours au service de vos frères”. De sa prise de parole, nous avons retenu que Noël est le moment de la découverte de la folie de Dieu : ”Maintenant que Dieu a pris visage d’homme, les hommes n’ont plus à avoir peur de ceux qui les méprisent et les laissent de côté. Les bergers regardent l’Enfant, si fragile et si démuni. Ils se sentent accueillis, sans préjugés.” Jacques nous encourageait à faire de même : ”À un moment où des enfants de migrants sont bloqués aux frontières de l’Europe, la paix a besoin des enfants et les enfants ont droit à la paix. Avec les enfants, nous pourrons bâtir une société où personne ne sera laissé de côté. Avec eux, nous deviendrons humains.”
Par la suite, Marc a été régulièrement en relation avec Jacques, qui désirait être un homme au milieu des autres, un copain, qui accepte chacun tel qu’il est et ne craint pas de le rejoindre.
Jusqu’à ce dernier repas partagé, un mois avant sa mort, où nous l’avions retrouvé, plus fragile mais toujours aussi simple, souriant et attentif. Il n’avait pas peur de garder le silence et savait écouter patiemment, dans ce qui pouvait apparaître comme une contemplation… de ses interlocuteurs. Instaurer une vraie rencontre, ne pas théoriser, ne pas dogmatiser, ne pas juger. Était-ce lui qui voulait entrer totalement en phase avec l’autre ? Ou était-ce nous qui le découvrions de l’intérieur ? Chacun avait le temps de rejoindre l’autre dans un décentrement mutuel. Pour (re)naître ensemble dans un enchevêtrement de nouvelles harmonies. Pour guérir ensemble.

André Letowski (David & Jonathan et Saint-Merry Hors-les-Murs)

À la fin des années 1980, une association gay non confessionnelle avait osé organiser un dîner-débat avec cet évêque qui écoutait si bien les homosexuels, alors que l’Église condamnait la relation homosexuelle. C’était en effet « osé » de faire ce dîner en invitant largement la presse, dans un climat de violentes manifestations d’hostilité : une dizaine de cars de CRS protégeaient les participants !
Jacques parla avec justesse et sérénité. Ce soir-là, il fit surgir beaucoup d’espoirs – celui d’être reconnu comme personne, celui d’entendre une parole d’Évangile qui suscite la vie – tant chez des croyants ayant abandonné le compagnonnage avec leur Église que chez des non-croyants en recherche de leur authenticité.

Jacques Cougnaud (prêtre, David & Jonathan)

Jacques Gaillot aura été pour moi une des figures courageuses et intègres de l’Église catholique, et parmi celles et ceux qui m’ont conduit à ne pas la quitter. Je serai avec vous par la pensée et par le cœur, avec le souci de garder vivant le souffle qui l’animait et d’en témoigner en fidélité à sa mémoire.

Michel Deheunynck (prêtre, Saint-Merry Hors-les-Murs)

Merci Jacques pour ton prophétisme qui, au-delà même de tous les synodes, a libéré l’Esprit de l’Évangile des bonnes convenances doctrinales pour l’incarner en plein cœur de notre humanité.
Merci d’avoir signifié que le rôle d’un évêque n’est pas d’être PDG ou DRH cultuel d’un système fermé, mais d’ouvrir, en Église comme en société, la porte à tous les exclus, à tous les derniers, à tous les différents, à tous les dérangeants. Merci de les avoir mis en tête de notre marche vers le fraternel et révolutionnaire Royaume de Dieu.
Comme notre frère Jésus, tu n’auras peut-être pas été un petit saint pour la religion, mais un grand prophète pour notre humanité !

Christiane Bascou, présidente des Réseaux du Parvis (Chrétiens en liberté pour d’autres visages d’Église)

Je tiens à souligner les liens directs entre Jacques Gaillot et la naissance des Réseaux du Parvis et le maintien de contacts étroits avec lui, grâce en particulier aux groupes Partenia qui ont soutenu le Parvis durant plus de vingt ans. À bientôt et belle célébration de ce témoin de la Bonne Nouvelle !

Jean Combe, ex-président de Plein Jour (association membre de Parvis)

Jacques Gaillot avait accepté de préfacer mon livre Des compagnes de prêtres témoignent (Golias, 2017). Il avait écrit dans sa préface : « J’ai lu ces récits avec émotion, respect, tristesse et révolte devant tant de souffrances et de gâchis. Oui, gâchis qu’il faut malheureusement imputer aux exigences du célibat obligatoire qu’impose l’Église institutionnelle, sans considération des cultures et des choix personnels… Une occasion est à saisir pour l’Église catholique : une réforme est attendue. Elle sera longue et douloureuse pour les pouvoirs masculins en place. Si l’Église le veut, et elle le peut, ”la vérité la rendra libre”. »

Laurent Baudoin (atelier Israël-Palestine du Groupe d’amitié islamo-chrétienne/GAIC)

Cette année, nous commémorons le 75e anniversaire de la Nakba (la « catastrophe » en arabe) qui, en 1948, a chassé 800 000 Palestiniens de chez eux, détruit 500 villages et continue depuis.
Comme tous les artisans de justice et de paix, Jacques Gaillot se posait cette angoissante question : « Pourquoi le peuple palestinien doit-il payer le prix de l’antisémitisme européen ancestral – en grande partie chrétien et qui a atteint son paroxysme tragique au 20siècle – alors qu’il n’y est strictement pour rien ? Pourquoi la plupart des dirigeants chrétiens, notamment catholiques, ferment-ils les yeux sur cette injustice flagrante, au mépris des enseignements de l’Évangile ? Faut-il qu’en tant que chrétiens nous ayons deux fois honte ? »
Face à cette indifférence, Jacques Gaillot aimait rappeler la parole programmatique de l’évangile de Jean : « La vérité vous rendra libres ». Reprenant les mots de Théodore Monod (« Le peu que l’on peut faire, il faut le faire »), il ajoutait : « Il faut faire pression, toujours pacifiquement mais fortement et sur le terrain. » Dans Ma liberté dans l’Église (Albin Michel, 1989), il justifie ainsi ses engagements dans de nombreux domaines : « Le silence absolu de l’Église de France m’a incité à intervenir ».

Gilbert Charbonnier, pasteur émérite de l’Église protestante unie de France, membre du CA de Sabeel-France 

Sabeel (le chemin, la source en arabe), centre œcuménique de la théologie de la libération établi à Jérusalem-Est et à Nazareth, réunit des chrétiens palestiniens soucieux d’aider leurs Églises à témoigner du message de l’Évangile en apportant une parole d’espérance, de droit et de réconciliation, dans la situation d’oppression que vit la population palestinienne.

Par sa mort, Jacques Gaillot a rejoint le mystère du silence où demeurent seuls la foi, l’espérance et l’amour… Ayant présidé à la constitution de notre association en 2010, j’ai jugé nécessaire que ses membres fondateurs la placent sous le patronage de quelques personnes au caractère symbolique. Certaines personnes parleraient peut-être de quelques saints. La figure de Jacques Gaillot en a fait partie pour nous accompagner sur le chemin de la découverte et du service de la théologie palestinienne de la libération…
Frère Jacques Gaillot me semble un des repères lumineux de l’histoire du catholicisme français des 20e et 21e siècles, dans sa vocation au service des victimes de la société humaine et du message évangélique libérateur… Toi et moi sommes de modestes mortels promis à l’oubli après nombre de nos prédécesseurs. Puissions-nous, à ta suite, relayer cette vocation à la justice, à l’espérance et à l’amour qui accompagnera l’existence humaine jusqu’à son terme. Merci pour ton patronage.

j._gaillot__3_-_anniversaire_09_2010_720

Marilyn Pacouret, présidente de Chrétiens de la Méditerranée

Ce réseau rassemble, autour de la Méditerranée, des chrétiens arabes, orientaux et européens, qui privilégient le dialogue, la rencontre et la concertation au service de la paix et de la justice.

Je tenais à associer Chrétiens de la Méditerranée à lhommage rendu à Jacques Gaillot, avec qui nous avons toujours été en harmonie de pensée et d’action au profit des opprimés partout dans le monde. Ma première rencontre avec Jacques Gaillot a eu lieu en 1995, pour accueillir des migrants maliens à Nanterre. D’abord hébergés à Vincennes, ils avaient été transférés au Centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre. J’étais alors directrice d’école à Nanterre, et avec Jacques nous avons organisé un premier rendez-vous avec le préfet pour trouver une solution.
Au sein de Chrétiens de la Méditerranée, je me suis impliquée dans la défense des droits des Palestiniens, à travers notamment le Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël (EAPPI). Pendant trois mois, une trentaine d’accompagnateurs et d’accompagnatrices assurent une présence protectrice auprès des populations locales, témoignent de leurs luttes et espoirs au quotidien, et s’engagent à rendre compte de ce qu’ils ont vu et vécu à leur retour en Europe ou ailleurs, devenant ainsi des artisans de paix. 

Abeer Hamad, artiste, chrétienne orthodoxe (Association des Palestiniens en France)

À toi Jacques, mon grand ami, ami de tous les Palestiniens et fidèle défenseur de la Terre sainte de Palestine. Toi Jacques, fidèle du noble Palestinien qu’était Jésus, né en Palestine, berceau de la chrétienté. Tu étais notre compagnon lors de la création de notre association en 1998 et tu n’as jamais cessé de nous soutenir, présent dans toutes les actions et manifestations pour soutenir notre cause.
Un merci aussi grand que le ciel pour toi Jacques ! Ô Jacques, homme au grand cœur qui peut contenir tous les humains sur cette terre, près de toutes les personnes qui souffrent. Ton amour et ta proximité avec tous ces gens t’ont donné cette force inépuisable et tonifiante de vivre libre.
Jacques, n’est pas mort celui qui vit dans les cœurs de ceux qui l’aiment, comme tu vis dans mon cœur.
Je te dédie ce petit poème :

Si j’ai ton amitié, qu’est-ce que l’argent et tout ce que la terre peut contenir ?
Sans toi, je serais un éternel errant, chaque jour dans une ville nouvelle,
avec de nouveaux compagnons.
Tu es le monde entier, que l’on aime et qu’on ne peut quitter sans vouloir y revenir.

Abou Tayeb al-Mutanabbi

Laurent Baudoin

CategoriesTémoignages

Laisser un commentaire (il apparaitra ici après modération)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.