Le message d’amour du Christ, transmis par les Évangiles est le fondement de notre foi chrétienne. Il est à vivre chaque jour. Nul besoin de mots codés, de théologie sacrificielle, de notions d’un autre âge… Il suffit d’aimer, se savoir aimé, de dire notre foi dans un langage du 21e siècle et de retrouver le sens du repas fraternel du Seigneur.
Il y a un besoin fondamental dans le cœur de tout homme et de toute femme, de toute race et de toute culture, un besoin de bonheur. Ce besoin de bonheur trouve en particulier sa satisfaction dans la relation, la communication, l’échange c’est-à-dire dans l’amour partagé.
Aimer et se savoir aimé
Le message d’amour et le comportement de Jésus transmis par les évangiles sont, pour nous, aujourd’hui, le fondement du modèle à suivre résumé dans la loi d’Amour de l’évangile : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de toute ton âme, de toutes tes forces, de tout ton esprit et ton prochain comme toi-même » (Mt 12, 28 b-34).
Cette loi est née et s’est développée au cours des siècles dans le peuple hébreu. Elle est déjà mentionnée dans les livres bibliques du Lévitique et du Deutéronome.
Aujourd’hui, l’Église a mission de transmettre le message d’amour de Jésus. Elle nous propose la foi chrétienne exprimée de différentes façons dans la liturgie, la messe notamment :
– par le credo dans ses deux formulations,
– par les rites du culte et par les dogmes.
Or on constate, aujourd’hui, une indifférence massive au message chrétien proposé par l’Église.
Pourquoi ?
C’est à la messe que le plus grand nombre de gens peuvent entendre exprimer le contenu de la foi chrétienne, tout particulièrement dans le credo sous ses deux formulations rédigées au 2e et au 5e siècle après J.C. Or, ces textes, écrits avec des notions de leur époque, sont devenus, pour beaucoup de nos contemporains, difficiles pour ne pas dire impossibles à comprendre. Il est important de noter que le mot « amour » n’y figure pas !
Que faire ?
1- Une théologie de l’amour
La proclamation que Dieu est Amour est la base de la foi chrétienne. C’est donc ce Dieu-Amour qui devrait être annoncé dans un Credo du 21e siècle. Exprimant le cœur du message d’amour de Jésus transmis par les évangiles, ce credo devrait être écrit dans un langage compréhensible et crédible par toute femme et tout homme du monde d’aujourd’hui et non pas avec des notions d’un autre âge. Toutefois, il ne faut pas oublier que l’amour de Dieu et du prochain nécessite un effort et un oubli de soi qui passe, à des degrés divers, par la croix, quoi qu’il en coûte !
2- Un vocabulaire compréhensible
De même que le credo, le vocabulaire de la messe doit être compris par quelqu’un qui n’a pas une formation poussée dans les domaines biblique, théologique ou liturgique. Que signifient, en effet, pour le plus grand nombre, des mots tels que salut, sacrifice, sang versé, rédemption, rachat, rançon, agneau de Dieu, anges, archanges, séraphins, des expressions telles que « monté au ciel, descendu aux enfers » ?
3- La messe : un repas
« Bienheureux les invités au repas du Seigneur » nous dit le prêtre avant la distribution de la communion. Or, au cours des siècles, le repas est devenu une cérémonie pleine de majesté, de rites, de gestes parfois incompris ou mal compris par les assistants.
L’architecture des églises a, dans le passé, placé l’autel dans le chœur, séparé des fidèles. Ceci rappelle le Saint des Saints du temple de Jérusalem.
La table du repas est ainsi séparée de ceux qui y sont invités Les églises récentes ont rapproché l’autel de l’assemblée. Cela traduit bien ce qu’est la messe. Ne faut-il pas le réaliser dans les églises romanes ou gothiques, comme cela a été fait à Notre-Dame de Paris par Mgr Lustiger ?
4- Le sacerdoce
Le nombre d’hommes qui se destinent au sacerdoce est de plus en plus faible. Pourtant la générosité est toujours présente chez beaucoup de femmes et d’hommes et chez les jeunes. Cette diminution des vocations sacerdotales n’est-elle pas un signe à interpréter comme une inadaptation du sacerdoce actuel au monde d’aujourd’hui ? Doit-il être réservé aux hommes, exige-t-il le célibat ?
Ces textes portent la marque de l’époque où ils ont été rédigés. À ce titre, ils sont infiniment respectables. Mais la foi chrétienne ne doit-elle pas être exprimée de façon compréhensible par les chrétiens du 21e siècle ?
Si le texte du 2e siècle se contente de dire que Jésus a été crucifié sans autre précision, celui du 5e siècle précise « crucifié POUR NOUS ». L’Église a compris, dans l’épître aux Hébreux notamment, que « pour nous » voulait dire « pour nos péchés ». Cette théologie sacrificielle n’est-elle pas un grave contresens ?
En effet, de nombreux passages de l’Évangile disent clairement que Jésus a été mis à mort en tant que blasphémateur car il se disait Fils de Dieu et parce qu’il dérangeait les autorités religieuses de son temps. Celles-ci ont trouvé un prétexte pour le faire crucifier par Pilate.
La théologie sacrificielle a été bien reçue par les sociétés de l’époque médiévale puis monarchique. Aujourd’hui, elle n’est plus comprise. Elle ne traduit pas le message d’amour que nous transmettent les évangiles. Elle est née dans la culture hébraïque pour laquelle Jésus, « Grand Prêtre par excellence » (He 4, 14) a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion « afin d’enlever les péchés du peuple » (He 2, 17). C’est donc le sang versé par « Jésus s’offrant lui-même à Dieu, comme une victime sans défaut » qui nous apporte le salut (He 9, 14). La mort du Christ sur la croix n’a-t-elle pas été interprétée comme l’immolation de l’agneau de la Pâque juive ou de Yom Kippour ?
Cette conception de la « Croix rédemptrice » a été vécue dans le monde gréco-romain puis dans l’Occident médiéval puis monarchique. Elle a été formalisée dans la « théologie de la satisfaction » élaborée au XIe siècle par Anselme de Cantorbery. Joseph Ratzinger la rappelle dans son livre « La foi chrétienne hier et aujourd’hui » (pages 154 à 158) : le péché de l’homme était dirigé contre Dieu et comme Dieu est infini, l’offense qui lui a été faite a un poids infini. L’humanité étant incapable de fournir une réparation infinie, c’est Dieu lui-même qui efface l’injustice dans le sacrifice du Fils qui fournit la satisfaction exigée. Une telle théologie ne peut plus être reçue aujourd’hui.
Jean-Marie Ducroux
Merci beaucoup pour cet article si clair et qui donne l’espoir de pouvoir élaguer là où il faut l’arbre de notre Foi.