Une foi de militaire
Évangile du 4 décembre. Étrange rencontre, étrange écho entre les deux hommes, dont a rendu compte à sa manière Véronèse (autour de 1575). Le centurion, un officier subalterne, accompagnait ses hommes, les dirigeait sur le champ de bataille et en prenait soin en dehors. Comme bâton de commandement, il portait la vitis, le cep de vigne…
Les deux hommes sont des meneurs d’hommes, ils ont des paroles d’autorité. Le Romain tient à son serviteur souffrant, Jésus propose d’aller le guérir, le Romain s’en offusque et lui ordonne de le faire à distance, par la parole. Par cela il pose un acte de foi dont nous nous réclamons : « Dis seulement une parole et JE serai guéri ». Nous sommes à la fois centurion, étranger et serviteur.
Ainsi donc l’interlocuteur n’est pas juif, il vient de loin et il peut prendre « place avec Abraham, Isaac et Jacob au festin du royaume des Cieux. » (Mt 8,11)
24 février 2022. Bouleversement en Europe puis dans le monde. Les militaires russes envahissent l’Ukraine. Tout un peuple se mobilise. Le monde de l’art aussi, la Biennale de Venise s’en fait immédiatement l’écho. Le mari de l’artiste ukrainienne Lesia Khomenko envoie des photos du front, de volontaires comme lui : un ingénieur informaticien, un chimiste, un juriste et un artiste. Les photos sont interdites, car risquant de donner des informations. Lesia décide d’en faire des peintures, plus grandes que la réalité. La peinture concurrence la photo pour exprimer la réalité de la guerre. Les personnages sont des héros sans nom, aux ordres de tous les Ukrainiens. À la frontière de l’Occident, la foi en la liberté de leur pays est aussi grande que leur représentation. De la parole à la peinture, de cette dernière à l’engagement ils s’apprêtent à risquer leur vie, dans leur centurie des temps modernes. Ils nous saluent. Lesia exprime sa foi en la peinture pour nous mobiliser à chasser l’oppression.
« Seigneur, mon pays souffre terriblement. »
Jean Deuzèmes