Michel Deheunynck, prêtre retraité du diocèse de Saint-Denis et membre de Saint-Merry Hors-les-Murs, a bien voulu nous permettre de partager sur ce site quelques-unes de ses homélies, dont vous pouvez retrouver l’intégralité publiées sous le titre La périphérie : un boulevard pour l’Évangile aux éditions du Temps Présent (et dont il reste des exemplaires disponibles à la vente chez l’éditeur).
Il commente ici Jn 2, 1-11 (deuxième dimanche ordinaire, Année C), l’épisode des Noces de Cana.

Oh, mais c’est qu’elle a le souci des bonnes choses de la vie, Marie : manquer de vin dans un mariage bien comme il faut, ça ne se fait pas, non mais quand même ! Nous, on a peut-être l’habitude de lui confier des choses sérieuses, à Marie. Mais elle, elle aime bien aussi faire la fête. On la croyait discrète et réservée. Mais, ce jour-là, si elle était restée dans un coin à parler tricot, elle ne se serait pas mêlée de ce problème de vin. Surtout que, d’habitude, c’est plutôt les mecs qui s’occupent de ça. C’est donc qu’elle est vraiment de la fête, Marie ! Et elle se doute que si le vin vient à manquer, ce sera bientôt la fin de la fête. Et c’est qu’elle aime ça, la fête ! Alors, bien sûr, elle a envie que ça continue et, pour ça, elle va mettre Jésus au boulot.

Un peu comme Jean-Baptiste dimanche dernier qui préparait lui aussi, d’une autre façon, le travail de Jésus. Alors que Jésus, lui, depuis le début de cet épisode, comme invité, il ne se sentait pas vraiment concerné par cette question de vin. Et quand Marie lui demande de faire quelque chose,
il n’est pas vraiment très sympa en répondant à sa mère. Il est souvent comme ça avec elle dans l’Évangile – sauf sa dernière parole, quand il est sur la croix. Mais, cette fois, c’est elle qui va le faire changer d’avis, – tout en le laissant quand même décider. Après tout, on fera comme il le décidera.
Et Jésus décide. Parce que, lui aussi, il veut que la fête continue. Il choisit de relancer l’ambiance et de redonner à tous un deuxième souffle, comme il le fait avec nous tous les jours.

Et deux mille ans après, voyez-vous, on en parle encore de ce mariage. On a oublié le nom des mariés. On ne sait plus très bien qui étaient les invités, sauf un, un jeune menuisier, Jésus, venu avec sa mère et quelques amis, peut-être Jean, puisque c’est lui-même qui nous raconte tout ça. Il nous le raconte longtemps après, il a pris le temps de méditer cet épisode au cœur de sa foi au point qu’il termine en disant qu’ainsi, Jésus manifesta sa gloire, la gloire de Dieu ! Mais alors, ça voudrait dire que Dieu, lui aussi, il était là, avec les invités, un verre à la main et riant de tout cœur avec les convives. Les bons croyants qui étaient là, eux, pensaient que Dieu, il était enfermé dans le Temple de Jérusalem, dans un lieu sacré qu’on appelait « le Saint des Saints ». Alors qu’il était là, en train de manger et de boire avec eux. Pour le prier, ils s’aspergeaient d’eau bénite. Et voilà qu’avec lui, cette eau, elle est changée en vin, et pas n’importe quelle piquette : un vin de fête !

En Jésus, ce Dieu nous invite, nous aussi, à continuer la fête. En Jésus, il n’est plus dans des rituels de purification. Il est dans la vie, dans notre vie ! Et cette fête, c’est celle du vin nouveau ; le vin de l’Alliance Nouvelle entre Dieu et notre humanité ; le vin d’un Amour éternel entre lui et nous.
Et cette fête en humanité, c’est celle où chacun met en œuvre tout ce qu’il est au service des autres. C’est cette complémentarité entre nous que saint Paul, à sa façon, a mise en valeur dans sa lettre aux Corinthiens que nous avons lue tout à l’heure.

En changeant l’eau en vin, Jésus vient changer
nos chagrins en sourires,
nos déceptions en espérances,
nos solitudes en fraternités,
nos peurs en reprise de confiance
et nos hontes en dignité retrouvée.

Les voilà, toutes ces bonnes bouteilles d’amitié qu’il nous a confiées pour que nous trinquions en son nom à la santé les uns des autres : la santé dans nos corps, la santé dans nos têtes, la santé dans nos cœurs, la santé dans notre foi. Sans compter qu’il nous a sûrement encore gardé quelques bonnes bouteilles en réserve.

Alors, trinquons, même autrement, avec tous ceux avec qui nous avons envie que la fête continue, mais aussi et surtout avec celles et ceux pour qui leur vie n’est pas vraiment une fête.

CategoriesChroniques
Michel Deheunynck

Médecin retraité de la santé publique, prêtre et ancien aumônier en hôpital psychiatrique ; animé par l’humanisme de l’Evangile, il vit en Seine-Saint-Denis, où il s’est profondément attaché à ces populations en grandes difficultés sociales.

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