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Mais que fait ce groupe Eucharistie ?

Depuis que les circonstances ont conduit la communauté de Saint-Merry Hors-les-Murs à proposer à ses membres de se retrouver en distanciel les dimanches où aucune messe ne nous réunissait, cette « célébration » en zoom est devenue une institution régulière. Elle n’en pose pas moins des problèmes de principe qui interrogent notre communauté. Quelle est la valeur de cette rencontre ? N’est-elle qu’un pis-aller ? Pourquoi n’est-elle pas présidée systématiquement par un prêtre ? Quelle est la différence avec une Eucharistie ? Peut-elle tenir lieu d’Eucharistie alors qu’il n’y a ni consécration, ni partage du Pain, mais un partage de la Parole et de la prière ? Et finalement, qu’est-ce qui fait la structure même de l’Eucharistie, ce temps fort de toute communauté chrétienne et particulièrement de la nôtre ?

Ces questions et bien d’autres justifiaient que quelques membres de la communauté, adeptes de ces célébrations sans eucharistie, prennent, l’année dernière, l’initiative de susciter la constitution d’un groupe de volontaires pour proposer à la communauté des éléments de réflexion.
Après plusieurs réunions, nous lui apportons un premier état de nos échanges qui devraient se poursuivre encore quelques mois, vu la gravité et la complexité du sujet.

Une pratique et un sens qui évoluent

Si l’institution de l’Eucharistie peut trouver sa source dans les propos du Christ au cours de son dernier repas, il faut constater que la relation de cet événement par les quatre évangélistes et saint Paul est très brève. C’est donc dans la pratique des premières communautés chrétiennes et à travers les commentaires des tout premiers Pères de l’Église que l’on peut espérer approcher au plus près la pensée même du Christ. Cependant, l’Église a rapidement (dès le IIIe siècle) cédé à la propension (mise en évidence par René Girard) de toute religion à considérer ses rapports avec Dieu sous forme de sacrifices expiatoires. Par un certain retour aux pratiques de l’Ancien Testament, elle a transformé la rencontre joyeuse des fidèles avec un Dieu qui a fait définitivement alliance avec eux en un renouvellement rituel du sacrifice du Christ pour l’expiation des péchés. Nombre de rites et de prières actuels de l’Eucharistie sont encore inspirés de cette inflexion. Saint-Merry Hors-les-Murs se doit de participer à la recherche, initiée par Vatican II, d’un rapprochement avec les origines de notre religion.

Un échange de dons

L’Eucharistie est un échange entre d’un côté des fidèles qui, devenus « sacrifices vivants » selon l’expression de Paul, offrent à Dieu ce qu’ils sont, ce qu’ils vivent, leurs proches, leur environnement ; de l’autre, Dieu qui va tout transformer en corps du Christ, de sorte que, par chaque messe, nous présentons à Dieu le monde pour l’humaniser en invoquant son Esprit. Cet échange de dons se réalise au cours du « repas du Seigneur », acte central des communautés chrétiennes.

Le groupe Eucharistie doit encore approfondir comment comprendre et reproduire cette invitation du Christ dans le contexte qui est le nôtre et approfondir certaines notions comme celles de sacrifice, de sacerdoce … si présentes dans la célébration eucharistique.

Une rencontre

Les motivations des membres de Saint-Merry pour se rendre à la messe sont très diverses mais pour le plus grand nombre, il s’agit d’abord de se retrouver en communauté pour aller à la rencontre du Dieu de Jésus, et ainsi faire Église – « Quand deux ou trois d’entre vous sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20-21) – puis de devenir ensemble « Corps du Christ ».

La réalité de cette présence du Christ ne tient donc pas à l’observation de rites ou de gestes élaborés au cours de l’histoire, mais à l’intention de fidèles formant communauté de le rencontrer « réellement ». C’est dans ce dessein que l’Église a tracé progressivement, pour nos célébrations, un cheminement de l’accueil initial à l’envoi final, cheminement dont il conviendra de discerner les étapes essentielles. Nous envisageons de les retravailler afin de pouvoir exprimer avec nos propres mots, nos sentiments de louange, de gratitude, d’imploration, etc. et faire mention de tous ceux que nous voulons associer à notre « prière eucharistique ».

Des formules

Dès lors, ne nous laissons pas arrêter par des concepts ou des formulations élaborés par l’Église qui peuvent nous heurter ou susciter notre incompréhension (transsubstantiation, présence réelle, etc.). L’essentiel est que « Christ est là ».

Des rites ou des signes

Les rites de la messe qui figurent dans le missel romain peuvent être retenus dans la mesure où ils sont des signes qui parlent encore à nos contemporains (nous aurons à repérer les autres qui distraient inutilement les participants). Ils constituent à la fois un garde-fou contre des innovations inopportunes et un précieux refuge pour les fidèles qui ne se sentent pas disposés, temporairement ou non, à entrer dans le mystère de l’Eucharistie. Ils faciliteront alors leur intégration dans la prière communautaire.

La présidence

La présidence par un prêtre est-elle un élément constitutif de l’Eucharistie ? C’est un débat ouvert. D’après les premiers récits que nous en avons, les repas du Seigneur semblent avoir été présidés par les responsables de la communauté locale ou des maisonnées dans lesquelles ils se réalisaient. Plus tard, les prêtres ayant été investis du pouvoir de distribuer les sacrements, c’est tout naturellement qu’ils se sont vu confier la présidence de l’Eucharistie. L’évolution nécessaire du statut du prêtre changera vraisemblablement la donne.

Telles sont quelques-unes des questions et des réflexions soulevées par nos célébrations dominicales en Zoom et qui ont nourri des échanges que nous poursuivons.

Parce que ce sujet est un des fondements de toute communauté chrétienne et donc de la nôtre, nous vous invitons à réagir à la suite de cet article.

Le groupe eucharistie de Saint-Merry Hors-les-Murs

Dieric Bouts Triptyque De La Cene 1464 1468 Eglise Saint Pierre Louvain
Dieric Bouts, Triptyque de la Cène, (1464-1468), église Saint-Pierre, Louvain
  1. Alain Cabantous says:

    Excellent texte de synthèse qui illustre ce que peuvent (encore) faire les groupes de SMHLM et alimente singulièrement la réflexion sur une centralité de notre foi tout en nous invitant à prendre des initiatives. Merci.

  2. Catherine Bathe-Dejean says:

    quel beau parcours de réflexion, plein de propositions et remarques intéressantes, je vais essayer d’y participer quand je pourrai être disponible, si une présence épisodique ne perturbe pas votre fonctionnement.
    je me permets de le diffuser à mon groupe de réflexion (très ancien) et à d’autres personnes en recherche
    Merci++++

  3. Michel Gosset says:

    Bravo d’oser vous lancer dans cette réflexion de fond, sans peur ni tabou…
    Retrouvons l’essentiel du message de l’Évangile en soulevant,examinant et dépoussiérant les vieux rites qui ne parlent plus aux gens d’aujourd’hui. “L’Évangile est une perle. Ne confondons pas sa beauté avec celle de l’écrin qui doit la mettre en valeur.”

  4. Joyeux says:

    C est bon de réfléchir à ce que l on fait, à ce que l’on vit. Donc meilleurs vœux et fruits pour vous et pour tous. Il
    Me semble aussi que l eucharistie n est pas qu un temps et un lieu de communion et partage, qu ils soient par trop ritualisés ou bien chaleureux et libres, c est une démultiplication et une surabondance étonnée à partir de manques identifiés, reconnus , présentés qui est mesure et dimension de notre vie dans l’Esprit, la foi, la joie.

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