Débat fécond, organisé par Saint-Merry Hors-les-murs, Les Baptisé.e.s du Grand Paris et la Fédération des réseaux du Parvis, avec les théologiens Christoph Theobald et Anne-Marie Pelletier, sous l’animation de Claire Lesegretain. Plus de 160 participants. De nombreuses questions et des pistes pour l’avenir. Je ne propose pas un compte rendu, mais quelques échos personnels, enrichis de l’échange « Après le débat ».
Vous pouvez écouter ou réécouter ce débat, en cliquant sur le lien ICI
Synodalité, un mot compliqué, ignoré du grand public, y compris des catholiques, et qui recouvre des réalités actuelles : écoute, chemin, ensemble… Une marche que nous faisons, accompagnés d’une Présence, source de confiance. Sans oublier que la synodalité est aussi un moment non apprécié par tous, y compris dans l’Église. Comment susciter le dialogue quand les positionnements se durcissent ? Plus que jamais il est temps de s’informer, d’inventer, et de marcher… ensemble.
Entre scepticisme et espérance
Le pape François insistait sur la synodalité : « Un moment essentiel pour l’Église du XXIème siècle ». Il a proposé un synode avec un temps de préparation sur le terrain. Deux sessions avec des évêques du monde entier et près d’un tiers d’autres participants, y compris des femmes ! Christoph Théobald participa aux 2 sessions comme expert. Anne Marie Pelletier avait vécu le synode sur les évêques et s’étonna de l’aménagement de la salle de travail : jadis une assemblée sagement disposée dans un amphithéâtre universitaire. Cette fois, des tables permettant une égalité de positionnement, y compris pour le pape. Celui-ci « officialisa », sans le réécrire, le Document final (Pour une Église synodale, Ed. Cerf), approuvé par un vote de l’assemblée.
Qu’en ressort-il ? Pour l’une, pas mal de scepticisme interrogateur au regard du peu de décisions modifiant l’organisation de l’Église. Pour l’autre, un regard positif mais exigeant : des questions jadis cachées furent ouvertement posées, sans être toutes résolues. Oui une vraie liberté de parole, sans écarter aucun sujet. Le Document final insiste sur le devoir de « transparence », bienvenu au regard de l’opacité de nombre de démarches ecclésiales. Pour des participants (Échange après le débat), une certaine déception face à l’absence de mise en cause des racines de nombre de dysfonctionnements ecclésiaux antiévangéliques, et aux blocages opposés par certains prêtres, ainsi que le souhait d’unir les pratiques et les recherches des « petits » groupes hors paroisse.
Le vide argumentatif
Christoph Theobald posa la question du « risque du vide argumentatif » : changer certes , mais aussi savoir dire pourquoi… au regard, à la fois, de la proposition évangélique et des grandes différences culturelles des peuples formant la catholicité, l’universalité. Comme l’humanité, l’Église affronte, sans doute pour la première fois, les défis d’une véritable mondialisation. Les participants au synode furent conviés à l’approfondissement théologique, philosophique, évangélique ; et ce, au cœur d’une grande diversité d’approches. Nombre de questions qui nous semblent urgentes furent confiées à des commissions ou groupes de travail. Et si nous nous en emparions aussi, sans attendre des conclusions prévues pour juin 2025 ?
La conversation dans l’Esprit
Pour réaliser ce travail le synode a utilisé la méthode de la conversation dans l’Esprit. Après avoir l’invoqué l’Esprit , tous les participants, à égalité d’autorité en raison du commun baptême qui les rassemble, font l’effort de s’exprimer brièvement et d’écouter l’autre, sans l’interrompre ni lancer la discussion ; donner alors toute sa place au silence qui permet de recevoir pleinement la parole de l’autre, dire ce qui a fait écho en nous de la parole de l’autre. Puis chercher à formuler, ensemble, les points d’accord et de désaccord. Dans certains cas, tenter de se mettre d’accord sur une décision commune ou repérer ce qui l’empêche de naître.
Christoph Theobald souligna les limites de la méthode : comment aboutir à la prise de décision ? Et comment prendre le temps de l’approfondissement des arguments de chacun ? Cette méthode féconde pourrait inspirer le déroulement de nos échanges. Comme Anne-Marie Pelletier le rappelait, elle exprime le souci de fraternité qui devrait être premier dans nos rapports en Église, comme avec le monde.
Changer les dogmes ou changer les bancs ?
La synodalité ne doit pas être une « concession » faite aux laïcs par les ministres ordonnés, mais un élément constitutif de la manière d’animer ensemble l’Église. Ce « changement des bancs » organiserait autrement notre manière de « vivre l’Église », afin d’entrer dans « une ecclésiologie du Nous ». Telle est la stratégie du pape François qui ne désire pas s’affronter aux dogmes. Comment passer de la priorité accordée au vertical, à une approche vraiment horizontale ? Comment organiser le partage des responsabilités pour vivre la synodalité et permettre à l’Église d’être crédible lorsqu’elle s’adresse au monde ? Le texte rappelle quatre exigences pour réaliser ces modifications : Ensemble, discerner, décider et évaluer. Des changements s’imposent dans la gouvernance. Pour les participants au synode, l’accent devrait être mis sur la dimension synodale des « conseils pastoraux diocésains et paroissiaux ».
Le diaconat féminin
Le texte final évoque cette question, finalement renvoyée à un groupe de travail. « On en parle depuis plus de cinquante ans… les arguments contre sont toujours les mêmes et ils ne tiennent pas théologiquement », s’exclama Anne Marie Pelletier. Comment aborder ce point sans toucher à la question plus large des ministères ordonnés ? Le diacre est-il au service du prêtre ou de l’ensemble de la communauté elle-même invitée à partager l’Évangile au monde ? Comment faire bouger la question de « l’accès des femmes à la grâce sacramentelle aujourd’hui réservée aux hommes » ? Et pourquoi donner à ce service un caractère permanent ?
Ne faudrait-il pas mettre en route une diaconie de la Parole à laquelle femmes et hommes sont appelés. Pourquoi tant de difficultés pour que des femmes lisent et commentent la Parole ?
D’une manière plus générale le diaconat est très lié à l’esprit de synodalité qui demande la participation de tous et toutes, ainsi que la priorité donnée au service.
Esprit prophétique de l’Église
De l’Église dans son intégralité, femmes et hommes. Dans son universalité en tenant compte des diversités culturelles non comme un obstacle à la communion, mais comme un trésor à partager.
Qui pourra impulser une démarche impliquant tant de changements ? Certes les prêtres, à condition qu’il y soient vraiment formés. Le Document du synode aborde cette question. Quelles conséquences les diverses Églises, à commencer par celle qui est en France, en tireront-elles ? Certes il faut changer la « mentalité cléricale », sans oublier de changer la nôtre aussi, parfois plus cléricale que celle des clercs. Chacun de nous est-il prêt à endosser modestement une part de la fonction prophétique de l’Église, en analysant les obstacles au développement d’une vraie synodalité et en trouvant les lieux, sur le terrain de la vie quotidienne, où des initiatives pourront être prises… sans attendre incitation ni autorisation ? En commençant par prendre la peine de s’inspirer de ce que certaines communautés réalisent déjà.
À nous de jouer, sachant que nous ne détenons pas le tout de la réponse mais qu’une étincelle peut aider à dépoussiérer nos yeux, nos cœurs, nos intelligences… et celles de la communauté que constitue l’Église en chemin, appelée à la confiance par Celui qui l’accompagne.
Ce qui vient de l’Esprit ne peut être arrêté.