Comment parler de l’amour, de cette liberté dans l’amour, de la joie, de la vie absolue, comme celui-là ?
Je voulais vous offrir pour cet Avent – et vous encourager à lire – ce tout petit livre, qui est mon préféré, de l’immense poète Christian Bobin : La plus que vive, chez Folio.
Je ne peux le relire sans une intense émotion, celle du manque, celle qu’on éprouve devant la fragilité de la vie.
« La mort, comme la vie, a ses ritournelles, ses saisons et ses croissances. Aujourd’hui nous sommes au seuil du printemps. Demain, lilas et cerisiers donneront leurs fêtes. Si je me retourne pour te voir dans ta mort débutante, Ghislaine – mais retourner n’est pas le mot qui convient, tu as toujours été en avant, devant -, dans ce temps des derniers gels et des premières floraisons blanches, je te vois comme une jeune femme éclatant de rire sous les giboulées.
Ton rire me manque. On peut se laisser dépérir dans le manque. On peut aussi y trouver un surcroît de vie.
L’automne et l’hiver qui ont suivi ta mort, je les ai occupés à défricher, pour toi, ce petit jardin d’encre. Pour y entrer, deux portes – un chant et une histoire. Le chant c’est le mien. L’histoire, je n’en suis que le conteur.
Je l’offre à tes enfants, tes oiseaux de paradis, tes trois vies éternelles : Gaël, Hélène, Clémence. Je les invite à fouler la terre de ce livre, afin de s’emparer d’une lumière qui n’est à personne et dont tu fus la servante exemplaire. »
Bernadette Capit
Quelques mots de Christian Bobin à propos de Noël. C’était en décembre 2007 dans le cadre d’une interview pour le Journal La Vie : À Noël nous arrive un nouveau-né bien particulier…
Christian Bobin :
” C’est difficile de parler de Noël. Je ne veux pas aller du côté de l’attendrissement, car ce penchant-là est aujourd’hui nourri, et même gavé. J’aimerais éviter les sucres et les papillotes en offrant une vision très simple du destin de ce nouveau-né : il va être notre victime, nous allons le massacrer. Mais son absence de ressentiment est si grande qu’elle a peut-être une chance de nous atteindre et de nous délivrer de nos manies d’avoir toujours raison, de notre volonté d’être sans cesse les premiers. Jésus, l’enfant le plus fragile de tous, est en même temps invulnérable. Car il a accepté cette fragilité, il en a fait la fleur de sa vie. Quand on écoute les paroles des Évangiles, elles sont étrangement simples et d’une profondeur abyssale. Comme si le Christ, cet homme de 33 ans, était à chaque fois en train de naître. Comme s’il se trouvait toujours dans l’émerveillement des premières fois, des premiers jours. Celui que nous cherchons à célébrer à Noël, c’est tout simplement la vie à son point de source : c’est un bébé infatigable.
Le cadeau de Noël qui me rendrait heureux ?
Qu’on m’emmène devant un arbre couvert de givre…“
Catherine B.
Christian Bobin :
“La certitude remonte dans la gorge qu’un jour c’en sera fini des aveugles terreurs, qu’on arrivera à traverser tous les noirs de la vie – moraux, psychiques, spirituels, physiques – que l’infernale épaisseur des jours sans grâce n’est peut-être qu’un fin, très fin rideau de tulle noir que le souffle d’une lumière, déjà, écarte.“
Jacqueline C.