Une œuvre aussi poétique que son titre est installée sur Le Socle, devant Saint-Merry. Un grand cœur y bat lentement : il évoque la vie, l’émotion, l’espérance. Un signe fort alors que l’Ukraine résiste et que le temps politique est incertain. La chronique de Jean Deuzèmes.
L’artiste tunisien Noutayel est le cinquième invité du collectif 6M3 dont les animateurs sont proches, dans tous les sens du mot, de Saint-Merry Hors les murs et offrent à tous les passants, pour avril et mai 2022, un moment de poésie, de réjouissance discrète sur l’espace public. La conjoncture en a assurément besoin.
L’envol d’un cœur succède ainsi à l’installation-monument, Debout (Le Roi des trous), grave et statique, du plasticien syrien Khaled Dawwa : une sculpture sombre, énorme et atypique, celle d’un tyran avachi.
Cette nouvelle sculpture légère, dessinée dans l’espace, colorée et cinétique, est formellement à l’opposé de la masse brune précédente. Elle aussi intrigue. Mais, avant tout, elle réjouit et suscite des émotions individuelles et collectives tandis que Le Roi des trous dénonçait potentats et oppressions de toutes espèces.
C’est une œuvre singulière :
• L’envol, car l’artiste a fabriqué de nombreuses sculptures d’êtres imaginaires avec des pièces métalliques et des ailes prêtes à voler.
• Un cœur, car l’artiste réalise depuis 2014 de petites sculptures animées qui battent au rythme lent et régulier de la respiration humaine. Pour Le Socle, il a complètement changé d’échelle.
• L’œuvre d’un poète, qui soude et rend beaux les mouvements des moteurs.
• Une œuvre fragile et précieuse, comme le sont les poésies en acte.
« Plus que tout et plus que tous » (Noutayel)
Né à Carthage en 1971, Noutayel est ingénieur en électronique. Il vit et travaille en Tunisie et se partage entre la création artistique et l’invention dans l’industrie.
Parmi ses nombreuses œuvres cinétiques, l’une fait fonction de fontaine sur l’esplanade d’accueil d’une banque à Tunis.
Cette exposition est réalisée en partenariat avec Marc Monsallier, galerie Talmart.
Noutayel a été assisté pour cette création par l’artiste sénégalais SILS.
Dans mon quartier, il y a
Des boulevards, des avenues,
Des places, des ronds-points, des rues
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
…
Dans cette école, il y a
Des oiseaux chantant tout le jour
Dans les marronniers de la cour.
Mon cœur, mon cœur, mon cœur qui bat
Est là.
L’école. Jacques Charpentreau
Bien d’autres poèmes (écrits ou chantés) et d’autres œuvres[1] évoquent le cœur qui bat.
Marc Monsallier, le galeriste de la rue du Cloître Saint-Merry, parle de Noutayel sur le site Voir et Dire.
Jean Deuzèmes
[1] Christian Boltanski a ainsi conçu de nombreuses œuvres liées aux battements de cœur, à partir de sa grande exposition Personnes, à Monumenta (2010).
L’œuvre est visible d’avril à mai au 80 rue Saint-Martin, Paris 04