Quel avenir voulons-nous voir surgir ? Avec ou sans lieu ?
L’intuition de départ était l’accueil inconditionnel de toute personne poussant la porte de l’église. Mais sans lieu nous n’accueillons plus personne, sinon nous-mêmes. Nous avons accueilli à Saint-Merry l’association David et Jonathan qui cherchait un lieu central pour organiser rencontres et célébrations. Nous avions dit d’accord, à condition que vous participiez à notre communauté, et nous avons toujours eu deux membres de ce groupe élus à l’équipe pastorale. C’est une idée à retenir pour nos éventuelles futures rencontres avec d’autres groupes quand nous aurons un lieu. David et Jonathan organisait des célébrations de la Parole de haute tenue avant que notre expulsion nous conduise nous aussi à organiser des célébrations de la Parole en Zoom pour se rassembler au moins virtuellement, à défaut de pouvoir se rencontrer en chair et en os. Le côté négatif, c’est que nous avons perdu beaucoup de membres qui sont retournés le dimanche dans leurs paroisses d’origine pour bénéficier de l’eucharistie. Le côté positif, c’est que nous avons été rejoints par des amis de province enchantés de participer à nos partages sur les textes du jour et gagnés parfois grâce à notre site, qui témoigne que nous existons toujours et que nous voulons toujours évangéliser. Cette nouvelle manière de célébrer ne sera pas à abandonner quand nous aurons un lieu car c’est un moyen de toucher des personnes habitant fort loin, outre l’intérêt de réfléchir ensemble sur les Écritures. Sans lieu, il n’y a plus de demandes de baptêmes, de mariages, de célébrations d’obsèques. Et l’archevêché ne nous promet pas pour l’avenir des registres. Si donc nous ne sommes pas rattachés à une paroisse, nous ne pourrons pas célébrer ces grands moments de la vie. J’ai pratiqué avec Jacques Mérienne des bénédictions de divorcés-remariés et des bénédictions de couples homosexuels. C’était l’époque de la liberté de penser l’évangélisation, et d’agir. Il nous est revenu de renouveler l’approche des personnes différentes et discriminées.
Nous avons bénéficié de l’accueil de Notre-Dame d’Espérance qui a été la seule et unique paroisse à Paris à nous tendre la main au lendemain de notre expulsion. La dernière personne que nous avons baptisée à Notre-Dame d’Espérance (faute de lieu et de registre), c’était il y a deux ans : une jeune consoeur, venue à nous grâce à notre site. Cela m’a permis de découvrir le groupe catéchuménat de Notre-Dame d’Espérance qui nous a chaleureusement accueillis et dont j’ai constaté les solides connaissances sur les Écritures.
En ce qui concerne l’opération Hiver solidaire à Notre-Dame d’Espérance, nous avons toutes les raisons de continuer à témoigner notre gratitude à cette communauté en mêlant nos forces aux siennes. Comme nous ignorons combien d’années nous serons sans lieu, nous avons intérêt à participer aussi à ses nombreuses activités. Pour ma part je me suis beaucoup enrichie en participant à des dîners-débats et à un voyage en Andalousie sur l’art de l’Islam.
Nous avons appris en fréquentant Notre-Dame d’Espérance,
Notre-Dame des Anges, Saint-Éloi et Saint-Gabriel.
En matière d’écologie je note les églises vertes, c’est peu de choses dans le combat pour l’écologie, mais ça sensibilise à tous les petits gestes du quotidien dont il faut se saisir. La communauté doit réfléchir à notre responsabilité de chrétiens devant le réchauffement climatique qui inquiète la génération de nos petits-enfants et doit faire un choix d’action politique. Ce serait un beau moyen d’être pris au sérieux par les jeunes qui manquent tant dans notre communauté. Le pourquoi de leur absence pourrait résider dans notre inaction en ce qui concerne la question écologique qui pour eux est première.
On ne voit pas beaucoup les Saintmerryens dans les rues en dehors des Cercles de Silence devant Beaubourg pour un cessez-le-feu durable en Israël/Palestine, et encore on les compte sur les doigts d’une main. Pourtant ce ne sont pas les marches qui manquent pour la paix, la justice sociale, l’écologie… C’est l’envie d’agir peut-être qui manque. Et pourtant le pape François nous a dit que nous étions attendus sur les marges. Être chrétien, ce n’est pas se contenter d’aller à la messe. Notre expulsion devrait nous pousser à repenser l’agir. Il faudrait faire un tremplin de notre expulsion.
Devant les extrémismes politiques qui remettent en cause les acquis de la démocratie nous ne pouvons pas continuer à nous taire. Il y a tous les jours à choisir son camp. Il y a des lois ou décrets liberticides : par exemple les nouveaux traitements infligés en prison aux criminels narco-trafiquants, tous en grève de la faim aujourd’hui pour obtenir des conditions de détention humaines. Leur sort, c’est de la torture. Dans l’indifférence générale. Mais nous, les chrétiens, n’avons-nous pas au moins un communiqué à faire ? Voilà une intuition pour le présent.
Nous avons fait beaucoup dans le passé pour les solidarités en nous saisissant des questions du temps : les exilés chiliens, les Restos du coeur, la protection des immigrés, l’aide au logement et aux chômeurs, l’appui avec la Commission partage à beaucoup de projets de développement dans différents pays pauvres. Pourquoi ne pas abonder, tous, notre trésorerie pour satisfaire les demandes d’aide de micro-organismes dans différents pays d’Afrique animés par des prêtres dont nous sommes sûrs pour permettre à des filles d’aller à l’école, à des jeunes femmes de créer un petit commerce qui fera vivre leur famille ? Répondre à « qu’as-tu fait de ton frère ? » et entraîner parents et amis.
Avec un lieu, nous pourrons enfin développer nos activités :
- L’accueil qui est primordial.
- La vie artistique : « la beauté sauvera le monde » disait Dostoïevski. Nous pourrions reprendre les soirées musicales, les expositions, inviter des artistes à nous faire des conférences.
- L’oecuménisme : nous proposerions aux pasteurs nos voisins de venir prêcher à nos messes – et aux popes s’il s’en trouve.
- Le dialogue interreligieux : nous inviterions les pasteurs, rabbins, imams qui seraient nos voisins à des soirées interreligieuses car si les religions ne font pas la paix entre elles, il n’y aura jamais la paix.
« Tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus. »
Saint Paul aux Colossiens
Et le poète :
« Ne prévoir que l’imprévisible.
Christian Bobin
N’attendre que l’inattendu. »
Danielle Mérian



