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Soutien aux artisans de paix à Gaza

La nouvelle guerre de Gaza interpelle durement Saint-Merry Hors-les-Murs, qui œuvre depuis sept ans aux côtés des étudiants de français, courageux promoteurs d’une résistance non-violente.

Le drame du peuple palestinien se perpétue d’année en année. Après les massacres de 2009, 2012 et 2014, les bombes israéliennes fauchent à nouveau les habitants de la minuscule enclave de Gaza en réplique aux roquettes du Hamas, dans une disproportion effrayante (de l’ordre de 20 morts palestiniens pour un mort israélien).

Cette violence est la conséquence prévisible d’un « processus de paix » bloqué depuis quinze ans, tandis que le processus de colonisation et d’apartheid, lui, fonctionne à plein régime, sous l’effet de l’extrême-droitisation de la société israélienne et de l’absence de perspective de la société palestinienne. Le processus électoral engagé cette année – le premier depuis 2006 ! – a été interrompu par le refus idéologique des Israéliens d’autoriser les Palestiniens de Jérusalem-Est à voter et le désir des deux grands partis palestiniens (Fatah et Hamas) d’éviter des échecs réciproques.

Un drame prévisible

Plus fondamentalement, du côté d’Israël – qui exerce un pouvoir de fait sur toute la région de la Méditerranée au Jourdain, y compris à Gaza sous blocus – on assiste aux manifestations du « gouvernement par la folie » décrit jadis par divers auteurs. Celui-ci repose sur plusieurs conjonctions néfastes : l’impunité internationale dont jouit Israël (seul Etat au monde qui peut violer le droit international sans être sanctionné) ; le formatage des esprits notamment dans la jeunesse (éducation tournée vers le rejet de l’autre, l’Arabe, le Palestinien) ; la stratégie du « sociocide » (dénoncée par la philologue israélienne Nurit Peled) qui vise à empêcher l’émergence d’une société palestinienne structurée; le refus d’Israël d’assumer ses obligations de puissance occupante telles que définies par les conventions de Genève (ainsi la non fourniture de vaccins anti-Covid 19 aux habitants de Cisjordanie et de Gaza) ; l’usage abusif des concepts de victimisation et de « peuple élu » ; la dénonciation des juifs anticolonialistes (coupables d’avoir « la haine de soi ») ; l’intimidation de l’opinion publique internationale (avec l’équation erronée et pernicieuse antisionisme = antisémitisme), etc.
En Occident, on n’a pas suffisamment perçu le caractère explosif de la loi israélienne du 19 juillet 2018, dite de « l’Etat-Nation » :

  • art. 1 alinéa C : « Le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’Etat d’Israël est propre au peuple juif » ; ce qui exclut les non juifs (chrétiens, musulmans, druzes) soit 20 % de la population d’Israël ;
  • art. 7 alinéa A : « L’Etat considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement ».

Le 18 novembre 2019, l’ONU a demandé à Israël, sans succès, d’abroger cette loi et de se conformer à la convention internationale des droits de l’homme qu’il a ratifiée en 1991.
Dans un rapport du 27 avril 2021 sur le traitement des Palestiniens par Israël, la prestigieuse ONG Human Rights Watch (prix Nobel de la paix en 1997) conclut à l’existence de « crimes d’apartheid et de persécution » dans les territoires occupés.
L’inertie des Etats dits démocratiques face à ces violations récurrentes et planifiées du droit international pose le problème de leur crédibilité aux yeux des Palestiniens et des peuples arabes (qui peuvent dès lors être tentés par d’autres voies que la conciliation). De plus, dans plusieurs pays occidentaux (comme la France), non seulement les autorités se taisent sur ces faits mais empêchent la critique démocratique de la politique israélienne : manifestations interdites, pénalisation des auteurs d’appel au boycott des produits israéliens (la Cour européenne des droits de l’homme a unanimement condamné la France pour atteinte grave à la liberté d’expression dans une telle affaire – arrêt Baldassi, 11 juin 2020). Le « deux poids-deux mesures », l’un des actes de gouvernement les plus délétères, alimente la frustration et le sentiment d’humiliation dans de larges couches de la société française, en particulier la jeunesse d’origine arabo-musulmane, avec des conséquences prévisibles.
En 2014 Dominique de Villepin écrivait : « Il n’y a pas en droit international de droit à la sécurité qui implique en retour un droit à l’occupation et encore moins un droit au massacre. Il y a un droit à la paix qui est le même pour tous les peuples […] L’État israélien se condamne à des opérations régulières à Gaza ou en Cisjordanie, une stratégie terrifiante parce qu’elle condamne les Palestiniens au sous-développement et à la souffrance, terrifiante parce qu’elle condamne Israël peu à peu à devenir un État ségrégationniste, militariste et autoritaire. C’est la spirale de l’Afrique du Sud de l’apartheid, faite de répression violente, d’iniquité et de bantoustans humiliants. C’est la spirale de l’Algérie française entre putsch des généraux et OAS face au camp de la paix incarné par de Gaulle. » (Le Figaro, 31/07/2014). Sept ans plus tard, l’analyse garde toute sa pertinence.

Gaza – Photo Z. Medoukh

Saint-Merry et la dignité humaine

A St-Merry Hors-les-Murs, nous avons pris la mesure des dégâts causés par cette injustice, et nous intervenons sur les plans matériel (soulager les souffrances, aider à reconstruire) et existentiel (préserver la dignité humaine). Depuis la guerre de 2014 à Gaza, nous soutenons financièrement et moralement l’action courageuse de Ziad Medoukh, professeur de français, qui enseigne à ses étudiants la résistance non-violente par l’éducation, la culture et l’entraide sociale. Jusqu’à présent, la jeunesse de Palestine a évité la tentation de l’extrémisme et développé des stratégies alternatives innovantes. Notre solidarité doit redoubler d’intensité pour accompagner la dynamique impulsée par Ziad Medoukh, malgré le drame actuel.
Ziad écrit dans un poème :

« La culture c’est construire, pour que nos jeunes, malgré l’accablante réalité, maintiennent leur verticalité »

Ziad MEDOUKh

Le mot renvoie à l’Homme Debout, cher à notre communauté. Préserver la verticalité de l’homme est une tâche ingrate, qui oblige parfois à plier face à l’adversité… mais sans jamais rompre, tant est forte la parole de l’évangile : « La vérité vous rendra libres » (Jn 8-32). Car c’est aussi à sa propre délivrance qu’œuvre celui qui se bat pour la vérité et la justice de l’autre, son frère/sa sœur en humanité. « La résignation n’est pas chrétienne », écrit Mgr Jacques Gaillot, ardent défenseur des opprimés et des chercheurs de sens (Avance et tu seras libre, 2010). Victor Hugo avait montré le chemin : « Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent / Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains / Car le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre » (Les Châtiments, 1852).

Laurent Baudoin

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