Coup sur coup les médias, à grand renfort d’images spectaculaires, viennent de nous informer sur deux éruptions volcaniques de grande ampleur tant par leur manifestation, par leur durée que par leurs suites écologiques et humaines. Le jour de Noël 2021, les autorités compétentes des îles Canaries confirmaient officiellement la fin de l’activité du volcan Cumbra Vieja qui avait débuté plus de trois mois auparavant, soit le 19 septembre précédent. Pendant tout ce temps, le cratère déversa sans discontinuer des tonnes de lave dont l’avancée pouvait atteindre jusqu’à sept cents mètres par heure. Mais cet épisode à peine clos, le 29 décembre, c’était au tour du volcan Hunga dans les îles Tonga de se réveiller.
Alors que, de part et d’autre, les pertes humaines ont été heureusement très limitées voire inexistantes, le bilan écologique est désastreux : surfaces considérables recouvertes de cendres, terres et bâtiments dévastés, populations déplacées et, dans le cas de l’Hunga, formation d’un puissant tsunami dont l’effet a été ressenti du Japon à l’Alaska, de l’état de Washington au Chili. Images spectaculaires, ravages multiples déséquilibres de l’écosystème sans pour autant que nous, les Européens, soyons véritablement atteints.
Ce qui ne fut pas le cas des deux plus grandes éruptions du XIXe siècle : Tambora, commencée le 11 avril 1815, et Krakatau à partir du 26 août 1883.Elles furent probablement parmi les plus importantes de l’histoire de l’humanité avec celle du volcan Théra à Santorin (au milieu du deuxième millénaire av. J.-C.). Si la seconde, grâce à l’usage du télégraphe, fut rapidement connue au contraire de la première, les points communs ne manquent pas entre ces deux événements qui durèrent plusieurs semaines. Leur situation géographique d’abord : toutes deux dans des îles de l’archipel de la Sonde. Toutes deux marquées par l’énorme puissance de l’explosion puisque l’on estime que pour le Tambora, elle fut dix mille fois supérieure à celles d’Hiroshima et de Nagasaki, et même treize mille fois pour le Krakatau. Le nombre direct de morts s’éleva respectivement à plus de quatre-vingt-dix mille pour l’une et à plus de trente-six mille pour l’autre. C’était sans compter les milliers de victimes indirectes emportées par les détériorations dues aux des tsunamis qui, avec des vagues s’élevant parfois à plus de quarante mètres de haut, détruisirent des régions entières.
Les conséquences à moyen terme s’avérèrent tout aussi meurtrières puisque ces éruptions eurent des effets considérables sur les conditions climatiques de la planète entière. Assez rapidement, on constata une baisse de température oscillant entre 0,25°C et 1,3°C. Ce qui provoqua une année sans été en 1816 avec un déficit sévère des récoltes : le riz en Chine, les blés dans les états du Nord-est américain. L’Europe fut, à son tour, sévèrement atteinte. Au total, cette crise frumentaire entraîna le décès de plus de deux cent mille personnes. La chute du thermomètre entre 1883 et 1886 provoqua des conséquences moins sévères en dépit de forts déficits alimentaires en Asie du Sud-est. Ces éruptions, en projetant dans l’atmosphère des particules responsables d’une plus intense diffraction de la lumière, furent aussi à l’origine de couchers de soleil flamboyants, particulièrement colorés, que certaines œuvres de William Turner ou les aquarelles de William Ashcroft plus tard ont somptueusement rendus.
Magnifique et personnelle compensation de ces tragédies que cette transposition esthétique que bien des visiteurs de musée attribuent généralement à l’inspiration créatrice de ces peintres. Sic transit gloria mundi… entre les terribles caprices auxquels nous soumet la nature et la capacité du génie humain à transcender la catastrophe, parfois malgré lui.