Notre éviction, si inattendue, nous a donné des ailes et des idées pour « faire église autrement », et rester vivants, au cours d’une année très chahutée pour l’Église de France et le diocèse de Paris. De cette situation inédite, des pratiques nouvelles ont jailli : partir à la rencontre d’autres communautés, tisser de nouveaux réseaux, inventer des usages du numérique, entrer dans de nouvelles solidarités.
1er mars 2021, nous étions hors les murs ! Alors sortir à la rencontre, se laisser accueillir nous a sortis de notre sidération… C’est « en relation » que nous sommes restés vivants !
Nous étions en Carême et déjà il fallait préparer la semaine sainte et Pâques : Notre-Dame-des-Anges et Notre-Dame d’Espérance nous ont accueillis, nous avons partagé avec quelques paroissiens des célébrations pascales fortes, belles et très incarnées pour nous « hors les murs ». Puis ce fut Pentecôte à Saint-Éloi qui a répondu à notre appel et Saint-Gabriel pour le soir de Noël avec deux communautés et une messe co-célébrée de la plus belle et joyeuse manière. Notre-Dame d’Espérance nous a offert un « perchoir » pour un an, afin de pouvoir célébrer mensuellement l’Eucharistie entre nous. Chaque mois, la prière universelle, partagée avec quelques paroissiens, nous permet de vivre profondément cet accueil symbolisé par l’horizontalité de la si belle croix de Notre-Dame d’Espérance, ouverte sur la rue de la Roquette.
Dans notre nomadisme, nous avons découvert des paroisses très différentes, ouvertes au monde et vivant l’Évangile avec les réalités de leur « terrain » : Sainte-Hélène, Sainte-Geneviève des Grandes Carrières, Saint-Éloi, Saint-Gabriel et puis, bien sûr, Notre-Dame des Anges et Notre-Dame d’Espérance.
Partout, le livre intitulé « Et vous m’avez accueilli », signe de vitalité dans le désert traversé, fut l’occasion d’évoquer avec eux ces témoignages qui nous ont donné à boire !
Tisser des réseaux
Un an déjà, et quel chemin ? D’un lieu fédérateur, unificateur, repérable, constitutif de notre identité, – où nous vivions entre le dedans au risque de l’entre-soi, et le dehors au grand vent du monde, de la solidarité, des arts, de l’accueil – , il nous a fallu passer à un nomadisme « pluriel », parfois présentiel, mais souvent numérique, impalpable.
Nous n’en étions pas conscients, mais nous vivions déjà en réseau, au vu des témoignages reçus, de la pétition signée : 56 nationalités y ont été représentées ! L’écho de Saint-Merry nous avait dépassés, nous avait échappé… effet de l’Esprit saint ?
Aujourd’hui, nous voulons renforcer nos liens avec ces paroisses rencontrées, avec d’autres mouvements, CCBF, Mission de France, NSAE…, ou groupes de Croyants en liberté, Dieu maintenant, réseau PAVÉS (Pour un Autre Visage d’Église et de Société), d’autres contacts plus œcuméniques à venir…, tous ces chrétiens en recherche qui échangent avec nous, nous écrivent… La démarche synodale, après une phase interne, va nous en donner l’occasion à partir de Pâques. Et beaucoup reste à construire pour de véritables partenariats.
Ces liens nous vivifient, nous questionnent et nous font avancer les uns par les autres, les uns avec les autres. Ils constituent, de facto, une nouvelle façon de faire Église dans ce contexte de crise, où souvent la désespérance nous guette, où nous nous croyons seuls.
Se retrouver en communauté et au-delà pour vivre l’accueil
1er mars 2021, nous étions dehors ! Sans lieu fixe pour se retrouver, pour célébrer ou ancrer un accueil ! Alors ont été inventées, au fil des mois, des rencontres autour de la Parole, préparées chaque lundi et tenues 3 dimanches par mois (le 4ème étant une Eucharistie en présentiel). Petit à petit, le partage a pris forme. Des résonances aux textes lus ont été écrites après la préparation, des photos et de la musique sont venus enrichir le temps fort de la rencontre par Zoom du dimanche où chacun a sa place, peut prendre la parole et partager ses intentions de prière. La communauté s’y rassemble pour partie, mais, venu.e.s de diverses provinces ou de divers pays, d’autres plus éloigné.e.s nous rejoignent.
Même si les rencontres numériques, ne plaisent pas à tous (dont certains sont parfois saturés durant leur journée de télétravail), ce formidable outil nous a permis d’organiser des assemblées de la communauté, pour échanger sur la vie des groupes et sur des sujets concernant l’avenir de la communauté.
Dans ce nouveau contexte, le site internet a été revitalisé par une équipe renouvelée. Nous avons pu également rester présents au cœur de l’actualité de la vie de l’Église avec des débats organisés via notre chaîne YouTube, autour de thèmes nourrissant notre réflexion : La synodalité dans la vie des Églises, approche œcuménique (M. Baujard, A. Latscha, C. d’Aloisio) ; Liturgie et créativité (N. de Brémond d’Ars et G. Ringlet) ; L’Église, douane ou hôpital de campagne ? (F. Euvé et E. Lasida) ; Ministères, charismes et pouvoir (R. Dupont-Roc et A. Guggenheim).
Entrer dans de nouvelles solidarités
De nombreuses actions de solidarités du Centre Pastoral Saint-Merry se sont poursuivies hors les murs : SNL, SNC, RCI, Gaza, Commission Partage… Sans les murs, la fraternité entre nous s’est poursuivie autrement : connaître mieux des personnes qu’on voyait peu avant, rester en lien avec celles et ceux qui sont malades ou ont du mal à se déplacer, se visiter…
Mais à nouvelle situation, nouvelles sollicitations pour vivre l’Évangile avec d’autres : ce fut le cas, en particulier, de l’engagement, aux côtés de Notre-Dame d’Espérance, dans « Hiver Solidaire » : accueillir trois femmes de la rue, pendant trois mois d’hiver de 19 h à 8 h du matin en fournissant les repas, accompagnement de nuit et petit déjeuner puis ménage du matin. Nous sommes presque au terme de cette première expérience et ce fut riche de belles rencontres, simples, joyeuses, gratuites avec les six femmes accueillies durant l’hiver : un vrai partenariat avec les autres accueillants de Notre-Dame d’Espérance et toute l’équipe organisatrice.
Pour tout dire, ce fut une année d’activité intense et de belles avancées. La suite reste à imaginer, dans un environnement ecclésial en plein questionnement, notamment à Paris… La démarche synodale lancée par le pape est pour nous un stimulant et nous y serons présents, comme membres actifs de cette Église parisienne avec qui nous espérons rétablir le dialogue.
Bernadette Capit
Anne René-Bazin