Comment se faire accepter dans une communauté paroissiale nombreuse, familiale, avec des activités dédiées à chaque âge de la vie, quand on vient de Saint-Merry Hors-les-Murs et qu’on porte les revendications d’une ONG considérée par beaucoup de catholiques comme politique et de gauche : l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture) ? Elisabeth Descours relate l’aventure.
Avec mon groupe ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), depuis des mois, nous essayons de communiquer avec la paroisse catholique du quartier, partager un office, un temps de prière, échanger autour de nos actions. Une tentative de partage pendant l’Avent n’avait pu aboutir, une autre autour de la semaine de l’Unité avait fait flop ! L’idée nous est venue de proposer de participer à l’office du vendredi saint, le jour où l’on peut penser à tous ceux qui souffrent de la torture aujourd’hui. Une célébration qui ne poserait pas la question de l’accueil eucharistique, puisque c’est un office sans consécration.
Je ne sais pas pourquoi cette proposition a paru compliquée au curé de ladite paroisse ! Mais, dit-il, ce qui serait bien, c’est que le groupe ACAT s’associe au chemin de croix que les paroissiens aiment beaucoup pratiquer dans les rues du quartier. Personnellement, je ne suis pas pour ce type de démonstration. Que diraient ces « paroissiens » si les musulmans du quartier venaient prier sur une place publique ? Et pour mes amis protestants du groupe ACAT, ce serait une difficulté supplémentaire. A ma grande surprise, le groupe a accepté de jouer le jeu, et même une protestante a rejoint la petite équipe.
Nous avons alors découvert que la préparation du chemin de croix était à la charge d’une seule personne : un diacre permanent, enchanté de voir arriver du renfort imprévu ! Après quelques recommandations : ne pas aborder de question politique, il ne faut pas bousculer, heurter, etc… il nous laisse carte blanche pour insérer des intentions de prière dans un chemin de croix de Jean Vanier qu’il avait sélectionné. Pour les chants, je propose un des paroissiens, membre du chœur de la paroisse comme moi, et qui préparera un chant pour chaque changement de station. Autour de boissons et petits gâteaux (ça aide !!), le petit groupe ACAT prépare nos intentions de prière : pour l’abolition de la peine de mort, pour l’accueil des migrants, pour le soutien aux torturés, pour les victimes des abus sexuels dans l’Église…
Vendredi Saint peu avant 15h, nous nous retrouvons dans la sacristie pour les derniers réglages… Finalement ce chemin de croix-là se déroule dans l’église, devant les stations fixées aux colonnes ! Le diacre me laisse la parole pour introduire le chemin de croix, parler de l’ACAT, rappeler que c’est une association œcuménique, la seule en France, et que de ce fait nous accueillons avec joie nos frères protestants (je n’avais pas d’orthodoxe à proximité, malheureusement !).
Au long du chemin de croix, une ambiance très priante, très participative, c’était émouvant. Au moment d’une intention de prière pour les personnes en souffrance, nous invitons chacun à mentionner le nom d’un proche souffrant pour qui nous prierons… et après un petit temps de silence, les noms viennent d’un peu partout.
Après 14 stations, 14 Notre-Père et 14 Je vous salue Marie (à ma grande surprise, une amie protestante les a récités avec nous !), 14 chants, etc…, nous nous retrouvons, la petite équipe, le diacre et le chanteur, heureux de ce temps fort partagé. Dans l’assemblée, j’ai reconnu quelques visages amis, du groupe ACAT et du quartier. Les quelques-uns avec qui j’ai pu échanger m’ont dit : c’était super… et merci ! L’une me dit : « Merci, vous avez prié pour tout ce qui me soucie ». Sur ce, j’aperçois le curé que je salue, et lui propose le texte de notre chemin de croix. Il me dit : « J’ai croisé des paroissiens, j’ai eu des échos, ils étaient contents ! et le texte, je l’ai déjà ! »
Alors, était-ce un premier pas, une rencontre qui donnera envie d’en faire d’autres, plus souvent ? Nous l’espérons, et retournerons solliciter ce curé à la première occasion, peut-être pour la Nuit des veilleurs le 26 juin (journée mondiale de soutien aux victimes de la torture).
Elisabeth Descours
Bravo Elisabeth, pour cette initiative et son inventivité. Cela bouscule, mais montre qu’il existe finalement de la place pour etre accueilli et compris. C’est l’Espérance!
Henri Juilliard
Oui bravo pour cette initiative si réussie et les propositions ouvertes pour demain. Mais que de réticences à vaincre, que de patience à tisser, que d’abnégation à entretenir durant tant de mois. C’est donc encore bien difficile dans les paroisses (urbaines?) françaises de se laisser accueillir tels nous sommes.
Merci Elisabeth, je me réjouis de lire ce témoignage. Le chemin peut être long quelquefois… Ici, (Fontenay-le-Comte en Vendée)des vœux œcuméniques sont présentés chaque année par le curé et le pasteur. Le Vendredi Saint au temple est aussi œcuménique. Cette année, l’ACAT y a déposé quelques intentions et en Mars le pasteur a sollicité notre groupe pour préparer ensemble une prière pour la Paix (que j’ai déposée dans le dossier Ukraine). C’est souvent une question de personne et ce pasteur, assez nouveau ici, est très ouvert à des actions communes !…un peu plus que dans notre communauté catholique ! (pour un certain nombre nous sommes en effet des gauchistes…alors méfiance ! 😉