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Toute chose nouvelle

Il y a quelques jours, l’Église célébrait Pâques, le relèvement de Jésus, son passage de la mort à la vie. Point culminant du message biblique : « Voici je fais une chose nouvelle, elle sort de terre : ne le voyez-vous pas ? » (Isaïe 43.19).

Nous avons du mal à découvrir et encore plus à célébrer la nouveauté. Non pas le changement pour le changement. Plutôt le dépassement de nos limites, la persévérance dans la création, l’inventivité joyeuse d’un monde plus fraternel, l’abandon confiant à une présence qui affirme la possibilité de la vie nouvelle. A Malte, le pape François a incarné ce choix, tout à la fois de la lucidité et de l’engagement, en dénonçant « un naufrage qui risque d’emporter le navire de notre civilisation »  et en nous invitant «  à devenir personnellement  témoins et animateurs d’accueil et de fraternité ». Toute communauté peut affiner sans cesse ses outils, ses « radars » détectant les risques et les exigences de la nouveauté

Du côté de ce qui fait vivre.

Le peuple français va confier à une personne, pour cinq ans, la responsabilité de la « présidence », pour construire une société plus humaine et vivable pour tous (cf. la déclaration des 34 associations avant le second tour). Tous les candidats ont promis le changement, la nouveauté. Comment chacun de nous décidera-t-il, au-delà des divergences d’opinions, d’apporter sa pierre particulière au chantier qui construit un monde nouveau ? Comme le souligne Véronique Margron : « La foi ne mène pas à une ” neutralité bien-pensante “. Elle invite à inventer, à agir du côté de ce qui fait vivre ». En politique, je réfute l’opposition entre l’optimisme ou le pessimisme. La vraie distinction se situe entre celles et ceux qui croient que la juste nouveauté est possible et ceux qui n’y croient pas. Entre celles et ceux qui rejoignent les bâtisseurs d’un monde neuf et ceux qui s’enferment dans le « à quoi bon ».

Le monde d’après

Cette expression ne renvoie ni à la mort ni au ciel ; elle fut utilisée souvent lors des premières phases de la pandémie, laissant penser que la société était acquise à l’idée d’une vraie nouveauté. Cependant elle n’est plus du tout invoquée. N’y aurait-il plus d’après à construire ? 

Nous avions évoqué une meilleure prise en compte des « soins » à accorder à tous les  individus et aux peuples.  La nouveauté d’un vrai partage international des richesses et des connaissances scientifiques semblait une évidence, ainsi qu’une meilleure écoute de tous et des plus fragiles en particulier. Un tel programme, considéré comme nécessaire, peut-il être oublié ? La situation mondiale, les violences et les guerres qui la caractérisent, imposent plus que jamais cette nouveauté. Le drame subi par l’Ukraine a remis en lumière la fragilité européenne et le devoir impératif de l’hospitalité sans condition. Y aura-t-il un après, dans nos pratiques de l’accueil : accueillir celles et ceux qui fuient la persécution et les menaces, quel que soit la couleur de leur peau, leurs convictions politiques ou spirituelles, leur proximité ou leur éloignement culturel ?

Du neuf dans l’Église ?

Celle-ci, témoin et avocate d’une « bonne nouvelle » a-t-elle le goût de la nouveauté ? L’espérance, c’est comme les champignons : on ne la trouve que si l’on la cherche. Et il convient pour cela de s’en donner les moyens. Quelle est la place de la quête de nouveauté dans nos communautés et quels outils se donnent-elles pour la détecter ? Non pas le changement pour lui-même, mais celle qui permet de dévoiler en chaque personne et en chaque peuple des trésors d’humanité, souvent enfouis sous les gravats de l’ambition, du pouvoir sacralisé et de la violence.

Que pourrait-on changer dans notre manière de vivre en Église pour faire naître une existence plus digne pour tous ? Quel secteur d’activité rejoindre pour contribuer, modestement mais réellement à l’éclosion d’une force de renouveau ? Quelles alliances nouer pour y contribuer ? Quelle organisation, quel « statut » adopter pour s’ouvrir pleinement à l’inventivité risquée qu’exige notre « qualité »  de baptisés coresponsables, en Église ? Comment donner toute leur place dans nos célébrations aux paroles d’un monde qui crée du beau, qui espère et qui appelle ? Un beau programme pour se préparer, en confiance, à la Pentecôte. 

Guy Aurenche

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Guy Aurenche

Avocat honoraire, membre de la Commission Droits de l’homme de Pax Christi, ancien président de l’ACAT et du CCFD-Terre solidaire. À lire de Guy Aurenche : « Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun ! », éd. Temps présent, 2018.

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