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La joie d’être ensemble

Il n’est pas toujours facile d’aimer l’avenir. Nous y projeter car on nous y attend ! Abandonnons au passé notre insouciance moutonnière et désabusée. N’ajoutons pas nos voix aux discours plaintifs, aux peurs qui nous assaillent, au découragement qui nous guette. 

J’ose vous partager un vœu : celui d’accueillir et de construire, en 2023,
la joie d’être ensemble, en orientant nos regards et nos actions
vers ce qui construit du « commun ».

Hors les murs

L’ancien Centre pastoral Saint-Merry a adopté depuis près de deux ans le pas des nomades. Ce n’était pas un choix mais plutôt une souffrance. Pourtant l’envie d’être ensemble l’a emporté sur l’éclatement ou la désespérance. La marche souderait elle les cœurs ? Ou plutôt rassemblerait-elle des personnes, pourtant très différentes, dans le désir commun d’approcher l’horizon ? L’immobilisme rendrait-il plus difficile l’accueil de l’autre, du Tout-Autre ?
Faut-il prendre le risque du déséquilibre que provoque toute marche, pour s’ouvrir à l’inconnu ? 
Lire « ensemble » les signes des temps élargit toute perspective que les difficultés actuelles risqueraient de rétrécir sans fin. Célébrer « ensemble » dans des lieux nouveaux creuse l’appétit
et ouvre les cœurs au partage du repas de vie. Un défi nouveau : trouver un lieu « ouvert » pour poursuivre la route, « ensemble », oser confronter nos désaccords, renoncer aux frontières de « l’entre-soi », et risquer le balbutiement du dialogue.

Franchir des seuils, ensemble

Le 8 décembre dernier Mgr Ulrich, archevêque de Paris, publiait sa première Lettre pastorale (dioceseparis.fr). Elle attire notre attention sur l’importance de l’esprit de communion.
Ce mot facile ne doit pas rester un vœu pieux. Mgr Ulrich n’hésite pas à faire état à la fois de ses « émerveillements » sur les richesses qu’il a découvertes en arrivant à Paris, mais aussi de ses « colères » face aux agissements criminels de certains responsables dans l’Église. Il se met à l’écoute et en position de service, prêt à apprendre de la société avant de lui proposer une voie d’espérance, si nécessaire aujourd’hui. La société et l’Église ne doivent pas répéter des discours ou des pratiques préfabriquées, au risque de s’installer dans un « pilotage automatique » confortable mais inadapté. Au cœur des transformations culturelles sociales et religieuses contemporaines, il invite à « franchir des seuils ». À le faire ensemble. L’esprit de communion repousse les étiquettes dont nous affublons souvent ceux qui ne pensent pas comme nous : conservateurs, progressistes, intégristes, cathos de gauche, enfermant les personnes dans une idéologie et interdisant un dialogue fécond.

« Pour porter le témoignage de l’Évangile,
nous croyons que le Christ a besoin de tout le monde. »

L. Ulrich

Au cœur des débats nationaux

Malgré un goût certain pour la contestation et la critique, nous avons du mal à trouver les modalités du débat en vérité. Non pas des rassemblements partisans où l’on répète des slogans caricaturant la vérité. Plutôt de ces lieux et moments « gratuits » où l’opinion de chacun sera écoutée, accueillie comme un cadeau, comme une clef pour toute prise de décision « éclairée ». Les sujets ne manqueront pas. Comment notre communauté répondra-t-elle à ce désir de débats pluralistes ?
La question du régime de la retraite. Quels sont les buts que nous assignerions à ces changements ? Ou le dossier de la « fin de vie », si important pour une société vieillissante qui très légitimement souhaite bénéficier des trouvailles scientifiques. Comment allier soins et dignité en accompagnant les plus fragiles dans leur dernière étape. Sans oublier les restrictions de consommation auxquelles les événements mondiaux vont nous contraindre. Quelle place donnerons-nous aux plus défavorisés dans le choix de « rogner » sur notre superflu alors qu’ils n’ont même pas le nécessaire ? 

« Imaginer une nouvelle philosophie de vie »

C’est par ces mots que Oleksandra Matviichuk, prix Nobel de la paix 2022 et responsable d’une association ukrainienne de défense des droits humains, a conclu son discours le 10 décembre dernier. Que ses paroles résonnent dans nos débats, nos prières, nos projets, pour que nous trouvions les moyens de les accueillir en inventant, ensemble, les moyens de les incarner autour de nous.
« Il faut que les droits humains aient autant de poids dans les décisions politiques que les bénéfices économiques ou la sécurité. » Il me semble que cette femme, incarnant une bonne partie de son peuple en souffrance, s’adresse à nous. Elle questionne nos manières de « vivre ensemble » : 
« Nous n’avons peut-être pas d’outils politiques,
mais il nous reste nos mots et nos actes.
Les gens ordinaires ont beaucoup plus d’influence qu’ils ne le pensent … »
Quand ils agissent ensemble, ici et bien au-delà des frontières. 

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Guy Aurenche

Avocat honoraire, membre de la Commission Droits de l’homme de Pax Christi, ancien président de l’ACAT et du CCFD-Terre solidaire. À lire de Guy Aurenche : « Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun ! », éd. Temps présent, 2018.

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