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Le sionisme, « une dégradation insupportable de la pensée juive » selon Emmanuel Lévyne

Le 1er décembre 2022, l’Association Culture et Paix (ACP), le Groupe d’amitié islamo-chrétienne (GAIC) et l’Union juive française pour la paix (UJFP) ont organisé au Forum 104 à Paris une rencontre-débat autour du livre Judaïsme contre sionisme d’Emmanuel Lévyne, penseur juif et enseignant dont la famille a connu les camps nazis. Paru en 1969 et réédité en 2022, cet ouvrage à la fois profond, pédagogique et agréable à lire, fait entendre et comprendre « le cri » de l’auteur « qui voit dans le sionisme une dégradation insupportable de la pensée juive » et puise sa critique humaniste dans la Torah, le Talmud et le Zohar.

כְּאֶזְרָ֣ח מִכֶּם֩ יִהְיֶ֨ה לָכֶ֜ם הַגֵּ֣ר׀ הַגָּ֣ר אִתְּכֶ֗ם וְאָהַבְתָּ֥ לֹו֙ כָּמֹ֔וךָ כִּֽי־גֵרִ֥ים הֱיִיתֶ֖ם בְּאֶ֣רֶץ מִצְרָ֑יִם

« L’étranger qui séjourne parmi vous sera pour vous comme un des vôtres ; 
tu l’aimeras comme toi-même ; 
car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte. » 

lévitique 19, 34

La rencontre visait à répondre aux interrogations des artisans de justice et de paix interpellés par le conflit colonial de Palestine et qui, trop souvent, sont victimes de l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme. Il s’agissait, à partir du travail d’Emmanuel Lévyne, d’étudier les liens existant entre le judaïsme et le sionisme. En s’appuyant sur les textes fondamentaux du judaïsme et en analysant la nature et la pratique du sionisme politique, les intervenants – parmi lesquels l’auteur de la préface le rabbin Gabriel Hagaï, bien connu à Saint-Merry – ont montré comment cette idéologie nationaliste, militariste et suprémaciste, rejetée dès l’origine par une majorité de rabbins mais qui s’est imposée à un grand nombre de juifs et à la plupart des dirigeants occidentaux, est en contradiction flagrante avec les valeurs juives essentielles et les droits humains en général. Ils ont établi combien le sionisme politique – dont s’éloignent de plus en plus de juifs dans le monde mais que les fondamentalistes chrétiens évangéliques tendent à s’accaparer – menace l’avenir non seulement des Palestiniens mais aussi des juifs eux-mêmes. Ils ont énoncé la manière dont on peut – dont on doit – sortir de l’impasse dans laquelle cette idéologie délétère plonge la Terre sainte au risque de mettre en péril la paix mondiale.

Le Rabbin Gabriel Hagaï Et Béatrice Orès (UJFP) Forum 104 (01 12 2022)
Béatrice Orès (UJFP) et le rabbin Gabriel Hagaï, photo L. Baudoin

« Cette pensée juive se fourvoie dangereusement en s’engageant dans le sionisme et en se faisant la servante de la raison d’État. […] Par-là elle perd son caractère universaliste et pacifiste, qui faisait sa force et qui lui donnait le droit de se confronter et de se mesurer avec la pensée chrétienne. » (p. 63)

« Les sionistes apparaissent comme des Juifs qui ont perdu leur conscience messianique,
leur conscience tout court, comme le faisait remarquer Léon Tolstoï dans un article sur le sionisme [Les Révolutionnaires, 1906]. » (p. 80)

Judaisme contre sionisme

« Ce que les Juifs, les Arabes et les Chrétiens doivent créer en Palestine, c’est une communauté fraternelle et non un État :
la Commune de Jérusalem. L’histoire prouve que des Arabes
et des Juifs peuvent vivre fraternellement. » (p. 163)

« Le sionisme est effectivement une névrose, une folie collective et il serait temps qu’Israël s’en guérisse ; et le médicament existe depuis longtemps : la Torah avec son enseignement pacifiste et antinationaliste. » (p. 197)

« Le sionisme politique nie la foi essentielle d’Israël. C’est la plus dangereuse hérésie de toute l’histoire juive. Elle menace l’existence du judaïsme. Il faut donc la combattre avec la plus grande énergie. » (p. 281)

Intégralité des interventions et un florilège du livre : ICI

Laurent Baudoin

CategoriesInterreligieux
  1. Monique Pouchet
    Monique Pouchet says:

    Deux commentaires tout à fait différents.
    Le premier est une information historique que très peu connaissent, y compris parmi les Juifs , juifs inclus: Lorsque Herzl a conçu son projet d’Eretz Israël, un de ses objectifs, selon ses propres mots, est d’éloigner les Juifs pauvres, qui représentaient un risque pour les autres, dont lui-même, qui avait des projets économiques avec des antisémites de la haute société autrichienne.
    Lhistorique et les citations de Herzl figurent dans cet article:
    https://www.monde-diplomatique.fr/mav/157/ACHCAR/58306
    Si quelqu’un est intéressé et n’y a pas accès, je pourrais le lui envoyer.
    Il fait partie de la revue du Monde diplomatique, Manière de voir, dans son numéro de février-mars 2018, Palestine. Un peuple, une colonisation.
    Le second commentaire, c’est que le temps est compté pour que la colonisation, et l’extraordinaire injustice faite depuis 1948 (et même avant) au peuple palestinien vraiment martyrisé, surtout à Gaza, se consomment. Je crois que c’est AI qui a officiellement qualifié l’imposition qui leur est faite d’apartheid. Cela se fera accompagné du regret de certains mais dans le silence général.

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