Pour la plupart de nos contemporains, en France et dans les pays occidentaux, Dieu a disparu de l’horizon. Horizon de la pensée et horizon de la conscience. Qu’il s’agisse d’expliquer les phénomènes naturels ou de régler les problèmes de relations entre les hommes, tout se joue, dans nos pays, sans référence à Dieu. Et quand le mot Dieu réapparaît dans le discours ou l’actualité, il se trouve souvent relié à ce qu’il y a de pire dans les comportements religieux. « Allah ou Akbar » est devenu synonyme d’une terrible menace. Et les références de Poutine à la religion orthodoxe, avec le soutien du patriarche Kyril, ne sont faites que pour légitimer le lavage des cerveaux et l’invasion de l’Ukraine ! 

UNE DISSOLUTION

Disparition culturelle et réapparition terroriste se liguent pour créer, dès qu’il y a référence à Dieu,
un sentiment d’étrangeté et d’éloignement radical qui va bien au-delà de l’indifférence ou du rejet.
Car indifférence ou rejet supposent une certaine image de Dieu, fut-ce pour la rejeter. Il s’agit plutôt aujourd’hui d’une sorte de dissolution. Une impossibilité. Impossibilité, pour beaucoup, de donner un contenu à l’idée même de Dieu. 

Face à cette situation, on voit bien que beaucoup autour de nous, notamment dans l’Église catholique, sont tentés de « regarder dans le rétroviseur » comme le dit le Pape François. Ils réintroduisent des pratiques et des discours qui renvoient à une vision religieuse d’un autre temps et à une histoire fantasmée qui fait le bonheur de l’extrême droite. Dans le même temps, ceux qui n’ont pas quitté l’Église sur la pointe des pieds ont du mal à trouver leur place dans les célébrations paroissiales, tant les pratiques se sont ritualisées et s’est développée une forme d’entre-soi qui ne parle qu’à ceux qui s’y sentent chez eux. On a beau parler de mission, beaucoup ont le sentiment qu’on est loin de l’Évangile.

En ces temps d’aridité, je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous une parole différente et audacieuse. Celle d’un homme qui nous a quittés il y a quelques années, Joseph Moingt. Il a travaillé jusqu’à la dernière minute de sa vie pour proposer une autre vision de la Bonne Nouvelle.

Nicolò Semitecolo Trinité Musée Diocésain Padoue 1370env
Nicolò Semitecolo, La Sainte Trinité, Musée diocésain, Padoue, 1370 env.

DIEU EST ESPRIT

Voilà ce qu’il écrit dans « Dieu qui vient à l’homme » : « La Nouvelle Alliance avec Dieu en Jésus est celle de l’amour pure liberté… Dieu est Esprit, dit Jean. Il n’est attaché à aucun lieu, ne se révèle en aucun temple, n’est lié à aucun peuple, il est libre comme le vent, il surgit là où il n’est pas attendu et ne se laisse saisir par aucune flatterie, il n’a aucun besoin de nos dons et de nos adorations, il se tient libre de nous et nous tient libre de lui, il est pure gratuité : il est Amour de même qu’Esprit; acte de se donner, il se donne à l’humanité toute entière comme il se donne tout entier à Jésus, il ne demande que notre amour, mais il aime le premier pour que nous puissions l’aimer avec la même gratuité, et il se sent aimé de l’amour que nous prodiguons aux autres pourvu qu’il soit gratuit : aussi n’y a-t-il aucun sacrement dans l’évangile de Jean, rien qui ressemble à un lien qui lierait Dieu à nous sous couleur de nous lier à lui, ni bain de purification, ni liturgie du pain et du vin, rien qu’un regard commun vers la croix qui attire tous les hommes vers le Père. »

Exposition Marlene Dumas
Exposition de Marlene Dumas au Stedelijk Museum, Amsterdam, septembre 2014. Photo P&P

LIBÉRÉS DE LA LOI

 « Paul, semblablement, s’abstient de baptiser et voit dans le repas du Seigneur le moyen voulu par Jésus de garder ses disciples fraternellement unis en attendant son retour ; l’essentiel de la mission de Jésus tient pour lui à la libération de la Loi et de la religion du Temple, cette libération nous permet d’aimer Dieu gratuitement et de devenir ses enfants en nous aimant les uns les autres, elle permet le rassemblement de toute l’humanité, juifs et païens, riches et esclaves, femmes et hommes dans la nouvelle création surgie de la mort et de la résurrection du Christ : la rédemption est le grand acte de libération de tous les symboles religieux qui tiennent les hommes de toutes races attachés à Dieu comme les esclaves à leurs maîtres, alors que Dieu demande seulement de l’aimer en hommes libres… Paul traduit « l’adoration en esprit et en vérité » prônée par Jean, en termes de liberté dans l’obéissance de chacun à sa conscience et à la seule loi de l’esprit. » (Dieu qui vient à l’homme II 457)

TOUTE L’HUMANITÉ

« La mission de Jésus est la suite de l’action créatrice et libératrice de Dieu… un appel de Dieu aux hommes à prendre conscience de leur dignité et de leur liberté même à son égard… ou plus exactement à l’égard des injonctions que la religion leur adresse en son nom et dont le Christ leur a appris à s’affranchir, ainsi que l’enseigne l’apôtre Paul… Elle vise le salut intégral dans le temps et dans l’éternité, de tout l’humain et de tous les hommes ». (Ib. 503-504)

Puissent ces paroles être source d’inspiration à l’heure où se cherche un nouveau souffle pour faire face aux grands enjeux qui sont devant nous.

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thomas.jcl
Jean-Claude Thomas

Co-fondateur du Centre Pastoral Halles-Beaubourg, avec Xavier de Chalendar, de 1975 à 1983.
Président de l'Arc en Ciel depuis 2003, il a invité fréquemment Joseph Moingt et a animé avec lui plusieurs sessions, de 2006 à 2013.

  1. Bernard Fauconnier
    Bernard Fauconnier says:

    Quel bonheur de vous lire !
    «  Aimer en esprit et vérité » : rien d’autre, et nous voilà nous-mêmes, libres et debout, en marche vers la vie.
    Merci

  2. Marguerite Champeaux-Rousselot
    Marguerite Champeaux-Rousselot says:

    Merci Jean-Claude de ce concentré de Moingt centré sur l’Evangile.. On en a bien besoin..

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