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Du « rite congolais » à l’inculturation de la liturgie

Au cours d’une causerie le 24 mai dernier José Mandiangu, prêtre, nous a expliqué en quoi consiste le « rite congolais » et ce que cela change. Nous avons débattu ensemble de ce que cela signifie pour nous aujourd’hui dans notre contexte culturel.

Jose Mandiangou
José Mandiangu

Le concile Vatican II avait ouvert la porte à « l’inculturation », c’est-à-dire notamment l’adaptation de la liturgie dans les différents contextes culturels. Or depuis Vatican II seul le « rite congolais » a officiellement été approuvé et mis en œuvre. Notre ami José connaît bien ce rite congolais, son contenu, ses symboles et ses significations. Il a vécu l’histoire de son élaboration dans les années 70 et 80, et il voit bien comment ce rituel est reçu aujourd’hui par ses compatriotes.

Un enjeu pour l’Église universelle

Dans cette affaire, il y a certainement un enjeu important pour l’Église. Lors de son voyage retour d’Afrique au printemps 2022, le pape François avait fait l’éloge de ce rite qui permet au chrétien congolais « de prier dans sa langue, avec son corps et son âme, et d’utiliser des symboles qui lui sont familiers ». Et lors de la présentation de l’ouvrage « Le pape François et le Missel Romain pour les Diocèses du Zaïre » en juin 2022, il avait déclaré que le rite congolais avait pleinement atteint ses objectifs en incarnant une « culture populaire évangélisée », contenant « des valeurs de foi et de solidarité qui peuvent provoquer le développement d’une société plus juste et croyante ». Cette forme particulière de liturgie est « le fruit de longues années de recherche, d’expérience sur le terrain et de fructueuse collaboration entre le Saint-Siège et l’Église du Congo ». François a souligné que le Missel congolais recèle « une triple fidélité : à la foi et à la tradition apostolique, à la nature intime de la liturgie catholique elle-même, et enfin au génie religieux et au patrimoine culturel africain ». Il a exhorté l’Église du Congo à compléter ce rite, en travaillant sur l’ensemble du rituel des sacrements et des sacramentaux. Il a aussi déploré le peu de progrès fait par les autres églises depuis les années 60 qui n’ont guère approfondi l’intuition du Concile en faveur de liturgies inculturées. Dans son exhortation sur l’Amazonie en 2020, il avait ainsi proposé de créer un rite amazonien. Il avait donné quelques pistes pour unir le divin et le cosmique de la liturgie aux spécificités culturelles autochtones, notamment « d’éléments propres de l’expérience des indigènes dans leur contact intime avec la nature ». Pourquoi pas alors dans d’autres culturels et sociétaux, à commencer par le nôtre ?

Droit à la différence

En quoi consiste le rite congolais ? José nous a d’abord raconté l’histoire de son élaboration. Dans les années 50, l’Église locale avait demandé des adaptations africaines de la liturgie et, entre 1969 et 1974, sa rédaction a provoqué des débats intenses. Le dialogue avec Rome fut un long chemin avant l’approbation en 1988. José a ensuite souligné quatre particularités du rite. D’abord une participation plus forte de l’assemblée utilisant tous les codes culturels locaux comme les démarches rythmées qui sont davantage que de la danse ou du chant, comme aussi la procession des anciens qui signifie l’implication de la communauté entière. Ainsi tout le monde participe, c’est le grand mérite de ce rite. C’est ensuite l’invocation des ancêtres « au cœur droit », pas seulement des saints de l’Église, qui élargit la perspective de l’assemblée chrétienne. Une participante a fait remarquer qu’ainsi chacun apporte de façon plus marquée sa vie, son travail, son expérience, pas seulement sa « sainteté ». La place importante des « lecteurs-annonciateurs » est une autre caractéristique. Ils ont un rôle d’accueil, ils interviennent dans la célébration et participent même par leurs commentaires préparés à l’avance en équipe dans un contexte où les prêtres manquent et où les paroisses sont très vastes. Ils suivent une formation de trois années et comportent des femmes. Il leur arrive d’animer les célébrations en l’absence d’un prêtre. Enfin José souligne la position particulière du rite pénitentiel et du baiser de paix placés après l’homélie et non pas au début ou à la fin de la célébration.

Les gens aiment beaucoup ce rite selon José, malgré parfois sa longueur. Un point d’achoppement subsiste toutefois avec Rome qui n’a pas autorisé que des produits locaux remplacent le pain et le vin, des substances dont le symbole est beaucoup moins fort en Afrique qu’en Palestine ou en Europe. Une évolution sur cet aspect reste souhaitable dans l’avenir. Au total, José estime que ce rite exprime un authentique « droit à la différence » permettant que chaque identité locale soit reconnue, au-delà de la simple question de la diversité des langues, nombreuses en République Démocratique du Congo.

Merci à José pour cette causerie dans laquelle il nous a décrit son expérience et au cours de laquelle il nous a montré que le « droit à la différence » qui inspire ce rite congolais est aussi, sous d’autres formes, celui qu’il a trouvé à Saint-Merry. Poursuivons notre réflexion et nos innovations liturgiques, les Congolais nous indiquent une voie possible !

jacq.debouverie
Jacques Debouverie

Ingénieur-urbaniste de métier, conseil auprès des collectivités locales et formateur. Responsable associatif dans le domaine du droit au logement des jeunes. Participant de la communauté de Saint Merry depuis les années 80, en équipe à la Mission de France. Père de famille et diacre.
Parmi ses publications "Dieu vu du bas - lettres à des amis de tous bords", Editions Futurbain, 2020.

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