Première session du Synode sur la Synodalité à Rome ! Et nous ? Qu’en est-il dans nos mouvements, nos communautés, nos paroisses ? Une réunion en visio a eu lieu le 27 septembre 2023, pour partager les diverses expériences synodales : une douzaine d’entités ont témoigné, discuté de priorités et mis en commun leurs espérances. Le début d’un réseau ?
Une rencontre pour partager nos avancées synodales
À l’initiative de membres du Mouvement des Cadres Chrétiens (MCC), des Réseaux du Parvis, de Saint-Merry Hors-les-Murs, des Baptisés du Grand Paris, de quelques paroisses à Paris ou ailleurs, cette rencontre avait pour objet de partager des expériences synodales au niveau local à quelques jours de l’ouverture de la session universelle d’octobre à Rome.
La synodalité est un cheminement, un état d’esprit et une manière d’être en Église qui nous fait déjà bouger et continue de nous faire avancer. Elle demande certainement des réformes aux différents niveaux de l’institution et nous n’avons pas manqué d’en souligner l’urgence dans nos réflexions et nos débats en 2022. Mais les réformes globales ne feront pas tout.
À notre niveau local et communautaire, la réflexion nous a fait faire des pas nouveaux. La diversité de nos démarches est sans doute importante, peut-être même avons-nous des positions ou des façons de voir opposées. Ce que l’esprit synodal nous apprend c’est qu’il n’y a pas d’Église sans dialogue entre tous, en son sein et avec le monde qui l’entoure. Exprimer la diversité était déjà au coeur de l’événement qui s’est tenu le 14 octobre 2022 à Saint-Gabriel : « Marche et rêve ».
De nombreux témoignages
À Saint-Éloi Paris, la dynamique lancée depuis les groupes de réflexion de 2021-2022 s’est maintenue et elle commence à produire des initiatives concrètes ou des changements. À partir de 338 propositions initiales, concernant autant le niveau romain de l’Église universelle que celui de la communauté locale, la paroisse s’est focalisée sur celles à sa portée. Cinq groupes de travail ont ainsi été formés sur l’engagement des jeunes, la formation spirituelle et liturgique, les ressources humaines de la paroisse et sa gouvernance, la convivialité-rencontre et l’accueil-écoute des personnes en marge de l’Église. Cette démarche a débouché sur des éléments concrets : des tests et des propositions qui se précisent progressivement et, d’ores et déjà, la création d’une cellule d’écoute et une formation à l’écoute, de nouveaux modes de travail du Conseil d’animation paroissiale, etc.
Notre-Dame d’Espérance a décrit les différentes étapes suivies tout le long de l’année 2022.
Il y a eu quatre assemblées synodales, la formulation de 14 propositions et la formation de 4 groupes.
En 2023, cela donne une recherche de créativité liturgique lors de 2 messes par trimestre, des soirées débats sur des thèmes de société, l’identification d’actions au sein du quartier où s’engager, l’organisation d’une fête « Traverser la nuit », en commun avec trois autres lieux du quartier, une synagogue, un centre d’hébergement de l’Armée du salut et une association protestante. Trois enjeux se dessinent ainsi : créativité, ouverture au quartier et à la société, dialogue. Le message de l’année paroissiale est : « porter la joie au monde ».
Les Réseaux du Parvis ont rapporté qu’à Grand-Couronne (banlieue de Rouen) la proposition « Marche avec la Parole » permet de réfléchir en commun sur l’évangile du dernier dimanche du mois. L’éthique de ces réunions est dans le sillage du pape François quand il dit : « Écouter la Parole avec les paroles des autres », dans la confiance mutuelle et la confiance en l’Esprit. Il s’agit donc d’une démarche de formation-partage de type théologique, ouverte à tous les baptisés.
En Alsace, le groupe Jonas a fait un travail important sur la synodalité, travail mis en sommeil provisoirement compte tenu des graves événements concernant l’évêché qui ont fait l’actualité.
Dès qu’un nouvel évêque sera nommé, la réflexion synodale en acte reprendra.
Dans le diocèse de Digne, de même, une formation liturgique a été proposée aux laïcs, ce qui est nouveau.
L’expérience récente de Saint-Merry Hors-les-Murs, lors du processus de nomination d’un « prêtre-accompagnateur » a été relatée. Lors de la réflexion synodale en 2022, la communauté de Saint-Merry Hors-les-Murs avait écrit qu’il fallait de préférence « dissocier les responsabilités spirituelles et temporelles » et « relever le défi de repenser des ministères variés et divers, confiés aux laïcs comme aux clercs ». Cette nomination pourrait-elle être symbole d’une autre façon, synodale, de faire Église au XXIe siècle ? La nomination d’un prêtre accompagnateur fait partie d’un tout, un triptyque ancré dans le projet que porte Saint-Merry Hors-les-Murs : un prêtre pour accompagner la communauté, non la diriger, une mission donnée par l’évêque, un lieu pour l’exercer. Cette nomination met en évidence le lien avec l’Église et la reconnaissance du diocèse, après une période de grave rupture, réconciliation qui fut évoquée lors de la célébration eucharistique de début septembre. Par ailleurs, cette nomination fut un cheminement pas à pas, un dialogue d’adultes à adultes, sans prise de haut, condescendance ou instinct de supériorité. Et puis, la notion de prêtre accompagnateur, pour une communauté comme Saint-Merry, est une innovation à Paris, puisque l’équipe pastorale élue reste responsable, sans curé. Innovation relative, certes, et qui reste à préciser : la place, le rôle, la posture de ce ministère se dessineront progressivement dans la vraie vie.
Promesses d’Église a évoqué le processus suivi, à propos de la synodalité, par ses 25 mouvements adhérents en 2019 (48 aujourd’hui). La réflexion est partie de l’expérience de chaque entité, une analyse des pratiques, des attitudes et des obstacles dans leur grande diversité. Elle s’est ensuite portée sur la méthode, les outils pédagogiques et les aides à la formation. Ce choix méthodologique est un choix spirituel, inspiré de la « conversation spirituelle » ignacienne. Les enjeux ainsi mis en exergue sont, d’abord, la construction d’un consensus dans la différence, ou d’un dissensus ou encore d’une « parole plurielle » pleinement synodale. Au-delà, c’est la perspective d’une « Église ensemble », malgré les forces centrifuges qui fracturent et qui se ressentent aussi dans la grande hétérogénéité des mouvements de Promesses d’Église. Ensuite furent rappelés les enjeux et les attentes, que tout le monde a bien notés, et dont on espère une avancée lors de l’assemblée des évêques : l’accueil et la place des plus fragiles, les ministères et la place des femmes, la formation et l’œcuménisme.
Trois enjeux synthétiques
Ils ont été proposés en écoutant ces témoignages.
– D’abord, l’affirmation « d’ être ensemble dans la diversité » ne s’avère pas forcément contradictoire ; il s’agit de réapprendre et de creuser l’authenticité de cette inspiration.
– Ensuite, des initiatives très concrètes se dégagent des témoignages, ce ne sont pas que des paroles en l’air.
– Enfin, le but visé est bien la transformation de l’Église et du monde, une Église mieux ajustée à sa mission, c’est-à-dire promouvant plus vigoureusement la notion de justice.
Discussion, remarques et propositions
Lors de la discussion, d’autres voix se sont exprimées : le CIME Montpellier, une personne de Bordeaux qui a signalé une marche d’église en église dans un esprit de synodalité formidable, mais a souligné le souci de définir des priorités, notamment la place des femmes, en posant la question de savoir combien d’entre elles ont été appelées comme lectrices acolytes ou catéchistes? À ce sujet, une réflexion semble se mettre en place et des diocèses devraient lancer des formations, comme c’est le cas au Luxembourg et en Suisse ou à la Mission de France.
Toutefois, certains indiquent que l’on voit davantage de souffrances que d’espérances, dans de nombreux lieux, et que la priorité est d’abord d’écouter cette souffrance. D’autres s’étonnent qu’il reste des domaines tabous auxquels les baptisés estiment ne pas pouvoir ou devoir aborder. Tout ce qui est théologique ou parle de la foi concerne les baptisés ! Les Baptisés du Grand Paris ont travaillé notamment sur la gouvernance ; ils cherchent à promouvoir la parole et la prédication des baptisés mais ce n’est pas gagné car souvent les baptisés manquent de confiance et ne se sentent pas légitimes. Mais on peut aussi se montrer sceptique, tellement le poids des conservateurs est fort ; et se demander si le dialogue est possible, par exemple, avec ceux qui rejettent Vatican II. Un petit espoir : cette fois soixante-dix laïcs voteront avec les évêques !
On souligne les thèmes qui se recoupent, la mobilisation pleine d’espoir et les propositions de méthodes très précieuses. Mais on relève aussi le besoin de formation commune et les aspects pédagogiques évoqués par tous alors que cela ne va pas de soi dans l’église, un enjeu important voire une rupture culturelle majeure !
La démarche synodale a provoqué la prise de conscience d’une manière essentielle de faire Église pour les prochains siècles. Il va être intéressant de voir comment les aspects méthodologiques, dont on a vu l’importance, vont être traités à Rome. Peut-on continuer de dialoguer, comme lors de cette réunion, et peut-être ouvrir le réseau à d’autres ?
Une fécondité à développer
Constat d’un sentiment commun de fécondité de cette rencontre, une vraie soirée synodale puisqu’elle expérimente le travail dans la différence. Pour continuer à dialoguer, les adresses électroniques des participants ont été échangées. Piste de réflexion : une initiative particulière est-elle à prendre pour former l’embryon d’un réseau entre nous et au-delà ?
Informations à diffuser
Une soirée en vidéoconférence est prévue le lundi 27 novembre à 20 h 30 avec la participation de Christoph Theobald qui a participé à la session de Rome, pour débattre de son bilan (lien à trouver sur l’agenda du site de Saint-Merry Hors-les-Murs).
Deux autres initiatives ont été signalées :
- Le « synode mondial des laïcs » organisé en parallèle du synode des évêques, en présentiel, simultanément à Rome et Bristol du 8 au 12 octobre.
- L’Ecclesia Lab est un laboratoire de recherche proche de l’université de Louvain, fondé à l’initiative d’Arnaud Join-Lambert et Michel Rebours, qui cherche à constituer un réseau d’acteurs francophones de l’innovation ecclésiale. Site : https://ecclesialab.org/.
Depuis cette rencontre du 27 septembre, la première session du Synode sur la Synodalité s’est achevée.
Vous pouvez lire ICI le rapport de synthèse, issu de la première session du Synode d’octobre 2023, qui nourrira la suite de la démarche.
Jacques Debouverie
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