Je n’aurai pas l’outrecuidance de vous rappeler l’événement international qui commence à la fin du mois de juillet surtout si vous êtes parisiens ! Nous allons donc « accueillir le monde » (dixit E. Macron) pour l’occasion. L’Église de France a même lancé, dès décembre 2022, une initiative originale : les Holy Games avec comme sous-titre « l’Évangile, c’est sport ». Mais avec les tumultes de ce mois de juin, ne serait-ce pas plutôt « l’Évangile, c’est DU sport ». Ce projet a pour objectif de prendre soin des sportifs en ouvrant l’église de la Madeleine à celles et ceux qui en auraient besoin mais aussi d’encourager l’hospitalité, la solidarité et la fraternité, de rassembler les communautés autour de ces valeurs pour cette rencontre exceptionnelle. Cette référence spirituelle s’inscrit dans une sorte de continuum religieux qui est à l’origine même des Jeux.
Le site d’Olympie (Péloponnèse) possédait peut-être, depuis le IXe siècle avant J.-C., un temple réputé dédié à Zeus, qui a grandement favorisé l’établissement de jeux en ce lieu à partir de 776. Là, tous les quatre ans venaient s’affronter les athlètes de l’ensemble des cités grecques à travers de multiples épreuves sportives, de la course à pied à la lutte en passant par les courses de char. Les jeux duraient sept jours, imposaient une plus longue période de trêve dans les conflits permanents qui opposaient les Grecs entre eux. Mais ils restaient encadrés par des manifestations religieuses importantes, entre processions, cultes et sacrifices. L’empereur chrétien Théodose, en bannissant les rites païens et polythéistes en 393, mit fin ipso facto aux Jeux qui, néanmoins, se poursuivirent peut-être encore durant quelques décennies.
Cette marque spirituelle resurgit avec la renaissance des Jeux à la fin du XIXe siècle. Dès le milieu du XIXe siècle, plusieurs collèges, dans le Shropshire anglais ou à Grenoble par exemple, organisaient des jeux olympiques internes avec charte, cérémonies d’ouverture et de fermeture qui encadraient les épreuves bien sûr. Il s’avère qu’un ancien élève du collège dauphinois, devenu le dominicain Henri Didon, retint l’idée pour la développer. Ce théologien et prédicateur sportif, ce qui n’est pas incompatible, en prenant la responsabilité du collège Albert le Grand d’Arcueil reproduisit le modèle en lançant la fameuse formule : Citius (plus vite athlétiquement), Fortius (plus fort intellectuellement), Altius (plus haut spirituellement). Pour sa part, Pierre de Coubertin, pour ne pas le nommer, de formation et de culture catholiques, fondait en 1889 l’Union des sociétés françaises de sport athlétique. Toutefois, après avoir échoué à organiser des rencontres de ce type entre élèves, il s’ouvrit du problème au dominicain en 1891. On ignore quelle fut l’influence de ce dernier. Mais l’année suivante, Coubertin prononçait un discours fondateur à la Sorbonne destiné à rétablir les Jeux Olympiques dont la première édition « de l’ère moderne » aura lieu à Athènes en 1896. Sait on suffisamment qu’il proposa aussi de voir figurer aux côtés des disciplines physiques des épreuves artistiques (architecture, littérature, musique, peinture, sculpture) ? Ce qui fut le cas entre 1912 et 1948. D’ailleurs, concourant sous un pseudonyme, le baron gagna lui-même une médaille d’or en littérature aux jeux de Stockholm (1912) pour une « ode au sport » !
Jusqu’à cette date, la dimension religieuse ne fut jamais absente des Jeux. En effet, la cérémonie d’ouverture était précédée d’une messe avec les athlètes (celle de 1896 fut célébrée par Didon lui-même). En 1908, aux jeux de Londres, l’évêque de Pennsylvanie prononcera, dans son homélie, une phrase destinée à inspirer la devise olympique : « L’important est de participer ».
Après la Première Guerre mondiale, l’intégration progressive d’athlètes venus de pays non chrétiens, le délitement de l’emprise chrétienne ici et là réduisirent singulièrement cette influence sur la manifestation internationale même si les aumôniers de toute confession gardèrent une place de choix dans l’accompagnement spirituel des sportifs. Aujourd’hui, l’initiative de l’épiscopat français qui tente de remettre l’accent sur cet aspect fondateur de l’olympisme sera-t-il entendu dans ce petit monde éphémère, surtout préoccupé durant quinze jours par les performances, les records, les médailles ? Nul ne le sait. On espère juste avoir un retour, quel qu’il soit.
Et en prime, quelques extraits de la prière proposée par le Conseil d’Églises Chrétiennes de France :
Père, donne-nous de mener la course jusqu’au bout. Regarde dès maintenant, Dieu très bon, la France qui accueillera les Jeux Olympiques et paralympiques de 2024.
Que les sportifs obtiennent le soutien – dans les moments de joie et d’épreuve, de réussite et d’échec- de leurs proches, de leurs entraîneurs et de notre prière. Aide-nous Seigneur à accueillir toutes celles et tous ceux venus du monde entier.
Rassemblés dans la passion commune du sport avec les devises des J.O « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble »[1], permets que nous soyons ensemble des signes de ton amour pour tout humain.
[1] La devise, de nos jours, a été sensiblement modifiée pour que chacune et chacun des sportifs s’y retrouve quelle que soit sa croyance