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Dieu n’est pas fusionnel

Michel Deheunynck, prêtre retraité du diocèse de Saint-Denis et membre de Saint-Merry Hors-les-Murs, a bien voulu nous permettre de partager sur ce site quelques-unes de ses homélies, dont vous pouvez retrouver l’intégralité publiées sous le titre La périphérie : un boulevard pour l’Évangile aux éditions du Temps Présent (et dont il reste des exemplaires disponibles à la vente chez l’éditeur).
Il commente ici Jn 17, 20-26 (septième dimanche de Pâques, Année C) : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. »

Toi en moi et moi en toi, ça fait : nous. Alors, le parfait amour ? Mais ce « nous » n’est pas un « nous » fusionnel, comme diraient les psychologues. Ce n’est pas un « nous » où le « je » et le « tu » se fondraient l’un dans l’autre pour disparaître, où chacun renoncerait à son identité propre pour se perdre comme cela en Dieu, dans une sorte de « tout » qui serait Dieu.

Non, notre Dieu à nous, le Dieu des chrétiens, n’est pas celui qui dominerait tellement notre humanité au point qu’il l’écraserait et qu’on ne serait plus rien à côté de lui. Bien au contraire, avec lui, chacun de nous est renvoyé à son « je », avec sa propre conscience personnelle. Si nous sommes appelés à ressembler à Dieu, c’est qu’il nous invite à prendre part à sa divinité, mais sûrement pas à nous fondre en lui. Et l’unité que Jésus voudrait entre nous, c’est une unité où chacun, chacune reste bien lui-même, elle-même, où on se construit l’un par l’autre, mais où chacun fait exister l’autre comme un autre. Et c’est ainsi que nous témoignons d’une ressemblance amoureuse avec Dieu, une ressemblance où l’unité n’est pas l’uniformité.

Quand Jean a écrit cet Évangile, à la fin du Ier siècle, les communautés augmentaient en nombre, mais dans la diversité de leurs origines, de leurs cultures, de leurs milieux sociaux. Elles étaient éloignées géographiquement et avaient du mal à communiquer entre elles. Certains chefs pouvaient déjà être tentés par le culte de leur personnalité et effaçaient ainsi l’image et le souvenir de Jésus crucifié et ressuscité. Jésus, le commencement et la fin ou plutôt la fin et le commencement. Alors, on comprend que Jean tenait à insister sur cette unité.

Et aujourd’hui, on en parle encore, de cette unité dans l’Église de Jésus. Une Église qui a connu bien des tensions, parfois très vives, et même des divisions déchirantes.

Alors, l’unité, d’accord ! Mais de quelle unité s’agit-il ?
Pas une unité de bonne convenance pour soigner l’image de marque ;
pas une unité de faux-semblant qui s’affirme en écartant les questions gênantes ;
pas une unité qui étouffe dans la peur, la discipline, la rigidité des lois ;
pas une unité qui mutile les personnalités déviantes à l’expression trop libre ;
pas une unité qui prétendrait avoir la vérité plutôt que de la chercher.

Non, l’unité à laquelle Jésus tient, et nous aussi, ce n’est pas une unité dans la crainte, mais dans l’amour des différences. Une unité qui est toujours à rechercher, mais qui sera toujours à trouver. Une unité donc jamais atteinte, jamais parfaite. Si elle ne vient que d’une volonté autoritaire, elle ne peut pas venir de Dieu.
Toute communauté doit accepter la diversité et la confrontation. Sinon, elle est triste et surtout sans vie, sans avenir.

Alors pardon, Seigneur, pour cette tumeur de l’uniformité qui a trop souvent menacé de ronger ton Église. Fais de nous des hommes et des femmes libé­rés, pour que chacune, chacun puisse vivre, croire, aimer, t’aimer non  avec des codes, mais avec son cœur.

Que la justice, la fraternité, l’accueil des différences soient notre seule ligne de conduite pour que, dans notre pluralité, nous soyons tous un en toi et que notre monde croie que tu es tout en lui et que tu l’aimes !

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Michel Deheunynck

Médecin retraité de la santé publique, prêtre et ancien aumônier en hôpital psychiatrique ; animé par l’humanisme de l’Evangile, il vit en Seine-Saint-Denis, où il s’est profondément attaché à ces populations en grandes difficultés sociales.

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