Célébration en l’église Notre-Dame d’Espérance, 47 rue de la Roquette, Paris 11
Chanson : Né en 17 à la Leidenstadt
Chanson de Jean-Jacques Goldman
Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d’un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j’avais été allemand ?
Bercé d’humiliation, de haine et d’ignorance
Nourri de rêves de revanche
Aurais-je été de ces improbables consciences
Larmes au milieu d’un torrent ?
Si j’avais grandi dans les docklands de Belfast
Soldat d’une foi, d’une caste
Aurais-je eu la force envers et contre les miens
De trahir, tendre une main ?
Si j’étais née blanche et riche à Johannesburg
Entre le pouvoir et la peur
Aurais-je entendu ces cris portés par le vent
Rien ne sera comme avant ?
On n’saura jamais c’qu’on a vraiment
dans nos ventres
Caché derrière nos apparences
L’âme d’un brave ou d’un complice ou d’un bourreau ?
Ou le pire ou le plus beau ?
Serions-nous de ceux qui résistent
ou bien les moutons d’un troupeau
S’il fallait plus que des mots ?
Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d’un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j’avais été allemand ?
Et qu’on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps
D’avoir à choisir un camp
Accueil
Bonjour, quel plaisir de nous retrouver après cette éclipse de l’été !
Dimanche dernier, dans vos interventions, vous avez confié être interpellés par les jeux paralympiques retransmis magistralement par notre service public. J’en ai été émue. L’accessibilité parisienne et française resteront problématiques encore un moment, mais des petits gestes peuvent nous faire sentir plus considérés.
Un petit truc, au moment des hymnes nationaux : on entendait « si vous le pouvez, levez-vous »,
« if you’re able ». Si lors des célébrations on pouvait ajouter au moment d’écouter l’évangile
« levez-vous, si vous le pouvez », je me sentirais moins incapable.
Quel choix aurions-nous fait si… C’est la question que nous nous sommes posés lors de la préparation de cette célébration, après la lecture des textes de ce dimanche. Quels choix sommes-nous capables de faire pour affirmer notre foi, pour vivre notre foi ?
Entrons dans la célébration, au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit.
Claire B.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient. (…)
Je ne suis pas atteint par les outrages ».
Marie-Antoinette va lire un extrait du livre d’Isaïe, un texte qui, comme cela arrive parfois, contient des phrases qui peuvent susciter davantage la réserve que l’enthousiasme.
Mais une fois de plus, passée l’incompréhension, le texte nous a donné à penser. Alors écoutons-le, et on en reparle.
Benoît
Lecture d’Isaïe 50, 5-9a
Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ?
Résonance : compter sur l’amour de Dieu
« Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé ». Je ne suis jamais très à l’aise avec le ton affirmatif de telles paroles qui pour moi ne vont pas du tout de soi. J’aurais plutôt tendance à dire « je voudrais ne pas me révolter ; je voudrais ne pas me dérober ». La précaution verbale dit mon doute en ma capacité à tenir bon, à ne pas me décourager, à ne pas me replier sur moi.
D’autant plus que là, il s’agit de tenir bon face à des adversaires potentiels qui frappent, arrachent, crachent ; ça parlera à chacune et chacun d’entre nous à sa façon. Mais il s’agit également de tenir bon face à l’appel de Dieu, certes un appel assurément à la mesure de chacun, mais un appel exigeant.
Or j’ai tellement souvent l’impression de me détourner, de perdre ma capacité d’être veilleur, témoin, frère. Les coups, les humiliations, les désaveux, notamment quand ils viennent de mon Église, ça ne me tente pas beaucoup.
Et puis, il n’y a pas à dire, mais la présence de Dieu, elle est loin d’être palpable. J’ai beau profondément aimer et croire dans cette parole « Prie ton Père qui est présent dans le secret »
(Matt 6-6), ma face ne devient pas dure comme pierre ; je reste sensible et j’ai besoin de réconfort, d’encouragement.
Malgré le silence et l’absence, je témoigne devant vous que je crois que nous pouvons compter sur l’amour de Dieu. Que malgré mes doutes et mes ratés, je suis toujours appelé à poursuivre la route avec mon prochain.
Je crois en la fraternité, celle de notre communauté éprouvée et nomade, et celle de frères et sœurs qui nous écoutent, nous accompagnent et nous soutiennent.
Je crois en Christ, chemin, vérité, vie, qui nourrit en nous l’Espérance.
Je crois que la mort ne gagne pas.
Benoît
Psaume 114
Dieu ne peut que donner son amour, notre Dieu est tendresse (Taizé)
J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.
J’étais pris dans les filets de la mort,
retenu dans les liens de l’abîme,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »
Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j’étais faible, il m’a sauvé.
Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes yeux des larmes
et mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants.
Alléluia : Schütz
Lecture de l’évangile selon Marc 8, 27-35
En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne. Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »
Résonance : un don à recevoir comme une grâce
Ce que j’aime bien chez Pierre, c’est qu’il nous ressemble vraiment dans tous ses excès et toutes ses faiblesses, que ce soit au moment de ses réponses fulgurantes et enthousiastes mais aussi de ses coups de colère ou lors de son reniement. Nous en avons encore un exemple dans ce passage.
Au moment même où Pierre affirme sa foi d’une manière forte en proclamant que Jésus est le Christ, il se dérobe.
D’abord, il semble refuser l’idée même de l’épreuve, et contrairement au serviteur souffrant d’Isaïe,
il refuse ainsi de mettre pleinement sa confiance dans Dieu. Pas de fausse interprétation : Dieu n’aime pas la souffrance, et Jésus l’a suffisamment montré tout au long des Evangiles par sa compassion avec les plus malheureux, par exemple en pleurant la mort de son ami Lazare.
Mais quand Jésus nous dit de prendre sa croix, c’est comme lorsqu’il dit au malade : « prends ton grabat et marche ».
Il faut entendre « mets-toi debout, ne te dérobe pas, et Dieu viendra à ton secours ». Voilà ce que Pierre n’a pas encore compris.
Mais il y a plus grave dans l’attitude de Pierre. Il ne se dérobe pas seulement pour lui-même mais il fait obstacle à la mission de Jésus. Et combien de fois nous-mêmes sommes-nous des obstacles pour les autres et les empêchons de vivre pleinement.
En lisant les textes du jour, il me semble qu’il y a deux écueils à éviter :
– Le premier écueil, dans lequel est tombé Pierre, c’est de penser que nous ne sommes sauvés que par la foi. Oui, Dieu est à la source de toute chose et la foi est un don que nous devons recevoir comme une grâce. Mais la foi ne va pas sans les difficultés qui vont avec, et comme nous l’entendrons tout à l’heure dans la lettre de Jacques, la foi n’est rien sans les actes. L’eau du baptême n’est pas un long fleuve tranquille et nous devons l’accepter.
– Le second écueil c’est de considérer que la phrase « je ne me suis pas dérobé » ne concerne que quelques héros que nous admirons mais qui nous semblent lointains, comme le colonel Beltrame qui a sauvé la vie d’otages à Trèbes et s’est fait tuer par des terroristes, ou ces femmes iraniennes qui risquent leur vie pour un peu de liberté. Or, cette phrase nous est bien adressée à chacune et chacun d’entre nous, qui sommes bien plus ordinaires.
Oui, nous avons nos faiblesses et nos lâchetés, et comme l’a dit Benoît tout à l’heure, j’ai bien du mal à dire en vérité « je ne me suis pas dérobé ».
Pierre, le plus solide de tous les apôtres, a même renié Jésus trois fois. Mais Jésus n’a cessé de l’appeler et de le remettre debout, et Pierre ne s’est pas dérobé lorsqu’il a répondu à Jésus « tu sais bien que je t’aime ».
Nous vous invitons à prendre un long moment d’introspection en silence, pour nous interroger sur ce que signifie cette phrase pour chacune et chacun d’entre nous : « je ne me suis pas dérobé » ?
Vincent
Jésus, le Christ (Taizé)
Jésus, le Christ, lumière intérieure,
ne laisse pas les ténèbres me parler.
Jésus, le Christ, lumière intérieure,
donne-moi d’accueillir ton amour.
Prière universelle
C’est maintenant le temps d’exprimer notre prière. Vincent nous a appelé à réfléchir sur ce que voulait dire pour nous : « Je ne me suis pas dérobé ». Dans cet esprit, demandons toute la force nécessaire pour répondre à l’appel du Christ : « si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive ». Il nous montre un chemin, il s’agit de marcher…
Hélène
Refrain :
Entends la voix de ma prière
quand je crie vers toi
Quand je lève les mains,
quand j’implore ta présence.
Prière eucharistique
Heureux les invités au repas du Seigneur.
Voici l’Agneau de Dieu qui apporte l’espérance en un monde nouveau.
Chant : Appelés par le Christ
Appelés par le Christ à semer l’espérance
Faire entendre sa voix aux hommes d’aujourd’hui
Envoyés par le Christ aux chemins de l’Alliance
Devenons ses témoins, prophètes de la vie
Ton amour nous délivre du mal et de la peur,
Serviteurs de ta Parole, nous sommes ton corps.
Ton amour nous fait vivre, il habite nos cœurs,
Messagers de l’Évangile, fais de nous ton corps.
Avec tous les prophètes, tous les chercheurs de Dieu,
Serviteurs de ta Parole, nous sommes ton corps.
Artisans de justice, en tout temps, en tout lieu,
Messagers de l’Évangile, fais de nous ton corps.
Dans le pain du partage, tu nous donnes ta vie,
Serviteurs de ton Église, nous sommes ton corps.
Tu fais de nous des frères donnés pour porter fruit,
Envoyés à tous les hommes, fais de nous ton corps.
Lettre de saint Jacques 2, 14-18
Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. »
Résonance : ne pas se soustraire
« On ne saura jamais ce qu’on a vraiment dans nos ventres » avons-nous entendu en début de célébration dans la chanson de Jean-Jacques Goldman. Mais l’Évangile a pu nous décentrer :
« Pour vous, qui suis-je ? » interroge Jésus.
« Le Seigneur nous ouvre l’oreille » disait Isaïe.
Alors qu’avons-nous entendu ? Si nous sommes là, c’est pour une part peut-être, qu’à nos yeux, comme à ceux de ses disciples, « Il » ne s’est pas dérobé se réfugiant dans des bonnes paroles devant l’injustice. Nous venons de partager le repas qui signe à quel point, si Jésus est le Christ, ce n’est pas d’avoir fait disparaître outrages et croix.
Et à notre tour, nous sera-t-il donné de ne pas nous soustraire ? Quand ? À qui ? À quelle réalité ? Dans le fil de ces questions, pour les jours à venir, comment entendons-nous l’appel de Jacques dans sa Lettre ? Comme une injonction volontariste avec Ordre du mérite à la clé ?
Même si c’est l’heure de la rentrée, serait-il prudent de mettre notre foi dans nos résolutions aux bonnes actions ? Pour ma part, je préfère partager avec vous une prière peut-être tout encore plus imprudente.
Puissions-nous chacun contribuer à lever les paroles qui pèsent et confondent les autres maintenant comme au temps d’Isaïe.
Puissions-nous les uns pour les autres aussi lever les obstacles et les croix qui empêchent
les germes de foi de porter du fruit.
Puissions-nous chacun oser des paroles qui ne soient pas du vent. Quitte – et je le dis en tremblant comme une prière appelant à l’aide – à risquer nos vies si des vies sont en jeu.
Enfin puissions-nous le plus souvent possible poser des actes qui nous mettent en joie…
et la partager !
Alexandra
Appelés par le Christ à semer l’espérance
Faire entendre sa voix aux hommes d’aujourd’hui
Envoyés par le Christ aux chemins de l’Alliance
Devenons ses témoins, prophètes de la vie !
Prière après la communion et bénédiction
Comme Pierre et tes disciples, Seigneur, nous sommes parfois tentés
de nous dérober devant les difficultés, d’abandonner devant les obstacles.
En cette rentrée, aide-nous à reprendre nos engagements avec détermination,
à prendre à ta suite, sans hésitation et sans faiblir, notre croix
en vue d’un monde et d’une humanité commune, d’un Royaume de justice et de paix.
Alors, avec les mots du cantique, nous pourrons dire
« Avec tous les prophètes, tous les chercheurs de Dieu, …
Artisans de justice, en tout temps, en tout lieu, … ».
Nous sommes des « serviteurs de ta Parole, des messagers de l’Évangile »,
« nous sommes ton corps », Église.
Et que le Dieu tout puissant d’amour nous bénisse et nous garde,
au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
Amen !
Allons dans la paix et la joie du Christ !
J.C.