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Marcher sur la terre des vivants

Encore une fois, Seigneur, nous nous mettons à l’écoute de ta Parole. Tu le sais, la chose n’est pas aisée au moment où nous allons vivre le temps de la dispersion. Temps de désert, d’épreuve, de doute, d’écart, d’un Carême si particulier dans la distance entre un passé irrévocable – gros des 50 ans du Centre pastoral – et d’un futur qui ne nous est pas encore donné de comprendre.

Serons-nous comme Abraham appelé à changer de nom et de vocation ? Sommes-nous prêts risquer la perte de l’essentiel pour renaitre à nouveau, sans en savoir ni le jour ni l’heure, ni le temps ni le lieu ? Le non-sacrifice d’Isaac nous indique peut être que le Dieu d’amour auquel nous croyons ne demande ni mutilation, ni renonciation de ce que nous sommes mais une avancée dans la foi. Et cette crainte de Dieu – c’est-à-dire cet amour de Dieu – est-il autre chose que notre confiance en Dieu qui nous donnera un nouveau chemin ?
En plus de 40 ans, le Centre pastoral a réalisé un énorme travail au service de l’Evangile dont les attestations à travers le monde sont aujourd’hui nombreuses, les témoignages qu’ils viennent de laïcs, de prêtres, d’agents pastoraux, d’artistes ou de rescapés des bourreaux qui arrivent chaque jour le montrent abondamment. Ce qui a été semé au nom de l’Evangile ne peut être perdu.
Le caractère abrupt de l’Evangile, les « enfants turbulents » de Saint Merry le vivent, en raison de leurs responsabilités de baptisés dans l’Eglise et dans la société. Mais l’image d’Abraham et de son fils Isaac ne peut que les interroger sur les modalités d’une transmission de leur héritage. A quelle sortie d’eux-mêmes sont-ils appelés ? A quelle perte doivent-ils consentir pour aller à l’essentiel, pour que la vie continue et que leur descendance spirituelle soit nombreuse ?

Si certains avaient encore des doutes, leur présence dans le monde ecclésial, social, familial, associatif reste aujourd’hui de premier plan. Chacun de nous pourrait en donner des visages de ces rencontres essentielles, comme celui de Dom Helder Camara, l’apôtre des favelas au Brésil, de Stéphane Hessel, l’ancien résistant et déporté à Buchenwald, venu pour un débat sur la fraternité en 2007, les lectures d’Evangile de l’actrice Mado Maurin, la naissance ici des Resto du Cœur et de l’association « les morts de la rue »,  les visites passionnantes de cette église par Jean-Claude Richard ou les nombreuses personnes aidées ici par Solidarités Nouvelles face au chômage, Solidarités nouvelles pour le logement, les milliers de personnes venues pour les expos et concerts, les nuits blanches et les nuits sacrées dans cette église, ceux qui aujourd’hui pensent à nous à Gaza ou ailleurs…

Leur témoignage nous oblige. Ils nous ont transfigurés et eux-mêmes ont été transfigurés par une forme de présence d’Eglise qu’ils ne croyaient pas ou plus possible.

Marcher sur la terre des vivants, voilà la feuille de route. Ne pas s’arrêter pour dresser comme les disciples trois tentes, pour se créer des forteresses et des pratiques religieuses illusoires. Se mettre réellement à l’écoute de Dieu pour annoncer sa Parole, dans le monde d’aujourd’hui (il m’a suffi, l’autre jour, d’aller rencontrer l’ancien curé de St Merry, Jacques, à l’église St Eustache pour m’en rendre compte). Ne pas vouloir rester dans la montagne mais choisir d’avancer, libres et découverts, dans la plaine.

Le Fils de Dieu nous a été donné, c’est là notre conviction, même si, comme les disciples, nous pouvons nous demander à quelle renaissance nous sommes promis. Ne la cherchons pas trop loin, pas trop haut mais dans ce moment décisif de l’histoire du Centre Pastoral où nous avons aussi à témoigner du respect, de l’estime, de la sollicitude, du soin, bref, dans ce que les chrétiens appellent l’amour.

Jean-François Petit

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