L’atelier Familles et société de notre communauté nous livre ses réflexions sur le texte Fiducia supplicans, concernant les bénédictions de “couples irréguliers”.
Notre atelier FamilleS et société (une douzaine de personnes de Saint-Merry Hors-les-Murs) a pour objectif de partager les questions qui concernent au sens large les familles, peu importe leur composition, et les questions de société que nous souhaitons partager avec nos contemporains. La publication du texte Fiducia supplicans, relayé par la Conférence Épiscopale de France, a suscité notre réflexion.
Nous comprenons que nos évêques, en tant que « gardiens » et guides pour les catholiques Français, rappellent la doctrine au nom de l‘institution dont ils portent la charge. Dans leur communiqué, ils disent encourager les pasteurs à bénir les personnes en situation « irrégulière » (terme à connotation juridique au regard de la doctrine sur le mariage). Mais nos évêques semblent porter peu d’attention au projet pastoral souhaité par François, notre pape.
Interrogeons-nous sur la doctrine et son évolution : Serait-elle immuable au fil du temps ? De quand date ce corps doctrinal sur le mariage ? Comment chaque période d’histoire l’a-t-elle enrichi, tout en remettant en cause ce qui n’est pas le plus essentiel ? Comment le corps doctrinal a-t-il évolué en confrontation avec la vie concrète de nos contemporains et l’évolution de nos sociétés (sachant que l’évolution des mœurs diffère selon les cultures et les espaces géographiques) ? Qui décide du contenu de la doctrine : les seuls clercs ? Faut-il une seule pensée pour toute la communauté catholique, alors que la communion sollicitée par le Christ se construit sur une diversité de chemins de vie, ce qui en fait la richesse ? Comment les croyants sont-ils entendus quant à leur expérience spirituelle de couples, quels qu’ils soient, pour dire la Bonne Nouvelle à leurs contemporains ?
N’est-il pas intéressant d’observer la prise de décision de nos amis protestants à propos des bénédictions de couples homosexuels, laissant à leur communauté d’appartenance le choix de bénir ou non les couples qui en font la demande ?
N’est-il pas intéressant de prendre en compte l’action de l’Association Reliance en direction des couples de divorcés remariés, pour que leurs communautés cheminent avec eux et leur donnent toute leur juste place au sein de leur assemblée ?
Notre communauté de Saint-Merry, au temps où elle était dans les murs de l’église du même nom, avait créé cet atelier lors du Synode sur la famille, en affirmant solennellement que toutes les familles (classiques, monoparentales, composées de divorcés remariés et de couples homosexuels et lesbiens) étaient accueillies, alors que nombre d’entre nous vivaient leur chemin de foi en tant que croyants et personnes en situation « irrégulière ». D’ailleurs, les sessions de préparation au mariage regroupaient couples classiques et couples « irréguliers », préparant les uns au sacrement du mariage, les autres à la bénédiction de leur couple, et ce dans un partage fort fraternel, l’enrichissement réciproque et la baisse des préjugés.
De fait, comment ignorer le difficile chemin de vie qu’osent emprunter ceux-là qui s’engagent à vivre cette nouvelle relation d’amour dans la durée, ce qui n’est pas le plus fréquent dans notre société, au risque du jugement des autres et de sévères rebuffades de l’Église ? Alors qu’ils viennent courageusement chercher, dans une Église qui semble les juger voire les condamner, le témoignage qu’elle doit donner de son amour et de son aide.
Comment passer sous silence la décision difficile de se séparer de son conjoint avec qui poursuivre une vie de couple devient quasi impossible ? L’Évangile ne nous enseignerait-il pas qu’il y a bien des nuances graduées entre coupable, responsable et victime ? Comment négliger les difficiles répercussions de ces choix parmi les enfants du couple, parmi leurs familles et amis ? Choix qui, pour nombre de personnes, ne se font pas à la légère et conduisent à bien des interrogations et souffrances. Pour beaucoup, ce ne sont pas des tocades au gré de leurs désirs.
Dans notre atelier, les unes et les autres disent combien ces situations « irrégulières » sont fréquentes dans leur famille et parmi leurs amis : elles interrogent, elles suscitent l’encouragement à oser continuer à construire autrement ; elles étonnent par leur foi enracinée et le témoignage fort que donnent ces couples.
Comment ignorer la richesse de ces amours dans nos chemins de foi ?
Et puis qu’est-ce qu’une bénédiction, si ce n’est demander la force bienveillante de Dieu pour construire ce nouveau projet de couple ? Comment Dieu refuserait-il ? A moins que le clerc le décide, au nom du « scandale » ressenti par la communauté, ou au nom d’une règle immuable. Sans doute est-ce aussi l’occasion de s’interroger sur ce qu’est leur péché, sur le sens même du péché.
La bénédiction ne nous semble pas être une récompense pour la personne bien comme il faut, ni un faire-valoir social comme le sont certaines célébrations de mariage.
Certes, nous estimons que ces bénédictions ont leurs exigences : le souci de l’engagement des personnes concernées, la préparation à recevoir la bénédiction et le fait qu’elles soient portées par leur communauté d’appartenance. Elles ne doivent pas être données en catimini à chaque personne, hors toute célébration liturgique. Elles doivent être dignement reconnues parce que cet engagement est public, qu’il est un engagement non seulement envers le conjoint mais aussi devant la communauté.
Nous avons le souci de transmettre un message entendable de la Bonne Nouvelle des Évangiles en direction de nos contemporains, où Jésus est à l’écoute bienveillante des personnes souvent en situation « irrégulière ». Il les appelle à vivre de fortes exigences : être à l’écoute de l’Esprit et vivre avec les uns et les autres la fraternité de fils de Dieu.
Réflexion de l’atelier Familles, mise en forme par André Letowski
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