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Pourquoi une année « Amoris laetitia » en 2021 ?

L’accueil d’Amoris laetitia

Cette exhortation du pape François, sortie le 8 avril 2016, était attendue avec impatience. Et pourtant, elle a été reçue dans un silence assourdissant, selon les mots de Mgr Jean-Paul Vesco. En France, sauf le jour même, aucun évêque n’a pris la parole alors qu’ils avaient reçu le texte à l’avance afin de donner rapidement leur « orientation pastorale » et la communiquer dans des conférences de presse. Cinq ans après, très peu de diocèses se risquent à faire paraitre sur leur site des orientations ouvertes pour la pastorale des personnes dites « divorcées-remariées ». Même s’il se passe de belles choses dans leur diocèse, la devise est « faites, mais surtout n’en parlez à personne ! »

Amoris laetitia a peu été lu, mal lu et peu approfondi

Nous constatons que, finalement, peu de laïcs, de prêtres voire d’évêques, et même d’accompagnateurs spirituels de sessions avec des couples l’ont lu ! Pour ceux qui l’ont effectivement lu, certains se disent soulagés que la doctrine (laquelle ?) – et donc la discipline – n’ait pas changé et il y a les plus progressistes qui déplorent que le pape n’ait pas clairement changé la loi. N’oublions pas que le texte a été écrit par un jésuite qui doit naviguer entre son aile droite et son aile gauche. Mais rassurez-vous, il a mis dans Amoris laetitia tout ce qu’il faut pour tracer des chemins, ouvrir des processus d’intégration pour une participation eucharistique pleine et entière. C’était à nous de « décoder » ! C’est l’objet du second article qui est lié à celui-ci : « La bonne interprétation d’Amoris Laetitia selon François ? »

Alors pourquoi François nous gratifie-t-il de cette année Amoris laetitia ?

Car la réception de cette exhortation fait du « sur place », comme je le disais au début ! Les expériences réussies d’intégration dans les communautés que nous avons évoquées ont parfois été initialisées par des pastorales familiales, parfois juste tolérées dans certains diocèses, et le plus souvent tout simplement interdites.  Elles ne font l’objet d’aucune mention dans les journaux du diocèse et on n’en trouve pas non plus trace sur le site diocésain. Peu de journaux se risquent à en faire état et Il est clairement demandé « aux bénéficiaires » de ne pas en faire de « publicité » Car, dans l’Église catholique, la discrétion est de mise. Et on sait jusqu’où l’omerta peut conduire !
Donc la plupart des catholiques, et même bon nombre de personnes directement concernées ignorent ces ouvertures et ces réalisations pastorales effectives et pensent toujours que la norme est « les personnes divorcées-remariées n’ont pas accès à la communion » puisqu’Amoris Laetitia n’a pas édité de norme contraire.

Sortir du « permis – défendu » et de l’état objectif

Discerner ! C’est tout l’Esprit de cette exhortation en matière de « morale ». Le pape l’exprime à plusieurs reprises lorsque, par exemple, il dit au n° 305 « En croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance, et nous décourageons des cheminements de sanctifications qui rendent gloire à Dieu ». Ainsi donc c’est le discernement et son cheminement qui permet de grandir et de prendre une bonne décision. Ce n’est pas l’état objectif (visible) qui décide. C’est ce qu’exprime une autre phrase de ce paragraphe ; « il est possible que, dans une situation objective de « péché », on puisse vivre dans la grâce de Dieu, on puisse aimer et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église ». Ce même esprit peut s’appliquer aux situations dites « régulières » : le pape va jusqu’à dire que pour « ceux qui communient [et qui] refusent de s’engager pour les pauvres et les souffrants ou approuvent différentes formes de division, de mépris et d’injustice, l’Eucharistie est reçue de façon indigne », au n° 186. Ce changement de paradigme concerne bien chacun de nous, invité sans cesse au discernement personnel quel que soit notre état. Il s’applique, en tout premier, aux communautés, pour qu’elles mettent en œuvre la logique de la miséricorde pastorale.

Comment aider à la réception d’Amoris laetitia ?

  • D’abord évidemment lire, faire lire et travailler ce texte dont la lecture est aisée, le vocabulaire simple et concret. Je vous conseille le guide de lecture que le conseil « famille et société » a réussi à faire sortir dès la fin de l’été 2016. On y trouve des introductions faites par des théologiennes et des théologiens pour chacun des neuf chapitres. Le texte est accompagné de commentaires, de témoignages, chaque chapitre se termine par des questions propres à animer un petit groupe et un glossaire vient préciser des termes plus complexes. C’est l’outil indispensable !
  • Ensuite, montrer que cette exhortation apostolique apporte un changement de regard sur toute la pastorale et que l’attitude de l’Église, et donc celle de tout chrétien, doit être celle de Jésus qui ne condamne jamais, mais accueille et remet debout. Ainsi le discernement devient la « praxis » et la gradualité permet de sortir du « permis-défendu » qui infantilise. Les communautés sont les premiers acteurs de l’intégration de tous.

Enfin, connaître les belles expériences déjà vécues en France et les faire connaître. Si vous avez vous-mêmes vécu des moments forts dans le cadre de cette pastorale, ne pas hésiter à « aller dire », à témoigner dans les journaux paroissiaux, à informer vos amis qu’il y a peut-être quelque chose à faire avec François dans ce domaine et qu’il a besoin de nous !

Cette exhortation ne sera que ce que nous en vivrons !
N’abandonnons pas Amoris laetitia aux mains de ses détracteurs,
des censeurs rigides et doctrinaux !

Nathalie et Christian Mignonat

CategoriesSociété

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