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Le divorce, un vécu souvent difficile et peu accompagné

Trois autres articles en dehors de celui-ci, traitent des divorcés remariés, avec des propositions diversifiées et dynamiques, chacune proposant des chemins adaptés aux cibles auxquelles elles s’adressent. Il ne faudrait pas oublier les divorcés et divorcés remariés, soucieux de réussir leur vie, mais souvent en rupture avec l’Église institution, dont le discours est souvent peu compréhensible.
Pourtant, des pasteurs sont proches de leurs vécus. Ainsi, Jacques Noyer, évêque émérite d’Amiens récemment disparu, manifeste-t-il dans son ouvrage posthume (Le goût de l’Évangile) « le cri d’un ancien qui invite à l’audace, et qui rappelle l’essentiel » ; et encore, « Mon cœur de pasteur m’invite à accepter les hommes tels qu’ils sont. » Jacques Noyer a toujours manifesté un grand souci des marginaux et des plus démunis, tout comme il s’est toujours montré attentif à la situation des divorcés remariés.
Au-delà du peuple chrétien, la Bonne Nouvelle des Évangiles ne s’adresse-t-elle pas à tous ? Comment prendre en compte ces réalités d’aujourd’hui ? Comment accueillir et accompagner ?
Selon l’Institut National d’Etudes Démographique (INED), on comptabilise 124 768 divorces en France métropolitaine en 2016 (derniers chiffres connus mis à jour en novembre 2020), un chiffre proche de  la moyenne 2007-2015 (126 200), pas très éloigné du chiffre de 1985 (107 500 ou +16% en un peu plus de 30 ans) et sans commune mesure avec 1970 (39 000). Stabilité du nombre de divorces donc, mais 45% des mariages finissent par un divorce.
On estime en effet qu’un mariage sur deux ne dure pas plus de 9 ans, et que les couples mariés ont tendance à se séparer après 5 ans de mariage. Moins de cinq ans après une rupture (pas seulement concrétisée par un divorce) survenue entre 25 et 50 ans, la moitié des personnes cohabitent de nouveau avec un ou une partenaire [1].
Par ailleurs selon l’Insee, sur les 233 000 mariages célébrés en 2016, 18% des marié(e)s étaient divorcés.[2]

Qui choisit le plus souvent de divorcer ?

Ce sont les femmes |3]. Par le passé, les hommes prenaient l’initiative de la majorité des divorces, en partie parce que les femmes, sans activité professionnelle pour la plupart, dépendaient de leur mari. Aujourd’hui, 70% des femmes qui divorcent exercent une activité professionnelle.
Selon un sondage Odaxa, voici le portrait-robot de ceux qui divorcent ou se séparent[4] :

  • Les plus diplômés, s’ils forment leur première union plus tard, vivent en moyenne plus de relations de couple au cours de leur vie.
  • Les jeunes couples avec la probabilité de rompre lors des deux premières années de la cohabitation, et les couples en union libre.
  • Les couples avec de grands enfants : le fait d’avoir un enfant de moins de 5 ans divise le risque de rupture par deux,
  • Les personnes dont les parents se sont séparés avant leurs 18 ans.

Quelles sont les causes les plus fréquentes du divorce en France ?

Des problèmes relationnels : l’infidélité (à l’origine du tiers des divorces), l’égoïsme du partenaire (c’est-à-dire le manque d’affection, de soutien, etc.), à l’origine de 22% des divorces, le mauvais caractère (15%), les comportements abusifs (jalousie notamment), près de 15% des divorces, l’incompatibilité, plus de 10% des divorces,
Mais aussi des problèmes de « gestion » au sein du couple : les désaccords concernant l’avenir, les projets de vie, les objectifs poursuivis (maison, enfants…), à l’origine de près de 15% des divorces, les questions d’argent et de travail (perte d’un emploi, dettes…), plus de 10% des divorces, sans oublier les beaux-parents, un peu plus de 10% des divorces.
Le sondage Odaxa de mai 2016 ajoute comme autre cause, la fin du sentiment amoureux, l’investissement excessif dans le travail ou les loisirs, l’absence ou la rareté des relations sexuelles.

Quelles conséquences, quels apports ?

Selon le sondage Odaxa de mai 2016, 51% des divorcés se sentent plus épanouis après leur divorce, 40% ni plus, ni moins et 9% plus malheureux.
Quand, dans le sondage, des mots sont proposés pour qualifier les suites du divorce, on y trouve :

  • Douloureux (86%), traumatisant pour les enfants (81%), qu’il est nécessaire de préserver (51%), synonyme d’échec (71%),
  • lié à notre époque (82%), banalisé (75%), solution de facilité (54%), égoïsme (42%),
  • Synonyme d’une nouvelle vie (79%), salutaire (53%),
  • Administrativement compliqué (67%), trop cher pour les 2 époux (69%).

Toutefois, plus l’âge de la séparation est élevé, plus la probabilité de former une nouvelle union est faible, notamment pour les femmes ; une partie des personnes divorcées évitent de revivre en couple cohabitant afin de ne plus se retrouver dans une situation de dépendance qu’elles ont pu connaître durant leur mariage. Le fait d’avoir des enfants est également un frein à la formation d’une nouvelle union cohabitante pour les femmes.
Les enfants : le nombre de mineurs impliqués est de 191 000 par an entre 2009 et 2012 ; en 2009, près de 60% des divorces ont impliqué au moins un enfant mineur. Après la séparation de leurs parents, 75% des enfants vivent chez leur mère, 17% en résidence alternée et 8% chez leur père, ce qui correspond globalement aux choix des parents. Les enfants sont alors amenés à vivre dans des familles monoparentales ou recomposées.
Comment entendre les vécus de ces personnes, leur situation familiale, l’échec fréquemment évoqué pour qu’il soit rebond dans leur vie à venir, y compris dans une nouvelle relation conjugale ? Comment prendre en compte « l’idéal chrétien » confronté aux réalités de la vie de chacun ? Comment accompagner les interrogations posées au croyant dans sa recherche de Dieu, sans l’enfermer dans une approche doctrinale, notamment quand ces personnes « de bonne volonté », éloignées d’une pratique religieuse, sont en refus d’une doctrine qui ne leur parait pas juste ?
Comment accompagner les couples en difficulté s’ils sont demandeurs ? Que font nos communautés en ces domaines, même si le conseil conjugal n’est pas de leur ressort ? Paradoxalement, des accompagnements de qualité sont souvent proposés pour préparer au mariage, puis plus rien alors que les difficultés arrivent par la suite ?
Terminons par une parole de Mgr Jacques Noyer « Le monde à qui nous devons annoncer l’Évangile n’est pas neutre ou ignorant. Il est méfiant devant une Église de saints prétendant faire la leçon aux pécheurs » et encore cet extrait d’une conférence, repris par Témoignage chrétien N° 3505 du 6 septembre 2012 « Personne ne peut refuser de franchir la ligne jaune quand c’est pour éviter d’écraser quelqu’un… J’entends que l’obéissance au Père de Jésus est le contraire d’une soumission aveugle au droit canon» (Témoignage Chrétien n° 3505 du 6 septembre 2012).

André Letowski


[1]  « Nouvelle vie de couple, nouvelle vie commune ? Processus de remise en couple après une séparation », Arnaud Régnier-Loilier, INED, 2019
[2]  Les mariages en 2016, Insee Focus No 110, paru le 01/03/2018
[3]  Combien de couples divorcent en France et pourquoi ?, l’Express du 22/10/2020
[4]  Divorce et rupture : portrait-robot de la France qui se sépare, L’express du 16/12/2015

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