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La démocratie en alerte

Les résultats du premier tour des élections régionales et départementales font apparaître une abstention record, une confirmation des élus sortants, un recul du Rassemblement national, un échec stratégique de la majorité présidentielle. Face à ces constats, les catholiques sont des citoyens comme les autres mais cherchent sur quelles valeurs appuyer leurs votes. Michel Bourdeau rappelle les engagements pris en 2017 par le Centre pastoral Saint-Merry et les déclarations de quelques évêques.

Au lendemain du premier tour des élections régionales et départementales nous constatons que notre démocratie va mal. Une abstention à plus de 66 % au plan national frappe la France d’un virus encore plus sournois que celui de la Covid-19. Pire, il faut que les citoyens atteignent 70 ans pour qu’un sur deux accomplisse son devoir citoyen alors que les jeunes de 18 à 24 ans s’en abstiennent à 87 %. Les experts en bulletins de vote analysent l’abstention non pas comme la manifestation d’une colère mais comme une indifférence pour des élections locales dont les enjeux n’ont pas été compris ou suffisamment expliqués. L’autre enseignement de ce scrutin porte sur le score obtenu par le Rassemblement national, inférieur à près de 10 % par rapport aux élections régionales de 2015. Par ailleurs, ce parti est celui qui compte le plus d’abstentionnistes. Il serait bien fou de penser que cette tendance à la baisse suggère un élément d’analyse pour la prochaine compétition élyséenne.

En 2017, entre les deux tours des élections présidentielles, la communauté du Centre pastoral Saint-Merry s’était engagée à faire barrage au Front National en déclarant : « Nous sommes catholiques et au second tour nous voterons Macron ». Cette déclaration (ci-jointe) répondait à un discernement de plusieurs mois. Nous avions mené une réflexion approfondie sur le thème « Foi & Politique » en nous appuyant notamment sur le document du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France : « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique ». Nous avions organisé deux débats publics avec des hommes et des femmes engagés en politique ou sur le plan associatif. Enfin, nous avions échangé entre nous lors de rencontres de Carême sur le thème « Foi et Citoyenneté ». Notre prise de position avait été comprise par de nombreux correspondants et la presse en avait donné un large écho.

Certes, les enjeux de ces élections locales ne sont pas comparables à ceux d’une élection présidentielle mais le pire n’est pas à exclure… Devant quelques responsables associatifs qu’il recevait au Vatican le 15 mars 2021, le pape François se serait dit inquiet de la popularité du Rassemblement national en France. Ces propos rapportés lui ont valu une réponse cinglante de Marine Le Pen : « Je suis convaincue que de nombreux croyants seraient ravis que le Pape s’occupe de ce qui se passe dans les églises plutôt que dans les urnes ».

En France, les prises de position des évêques contre le Front national (devenu Rassemblement national) sont anciennes et nombreuses. Elles portent essentiellement sur l’accueil des migrants et la politique sociale à l’égard des immigrés. Déjà en février 1985, inquiet de la montée du lepénisme aux élections européennes de 1984, le cardinal Albert Decourtray, archevêque de Lyon, dénonçait « un parti dont les thèses sont incompatibles avec l’enseignement de l’Église ».

Entre les deux tours de l’élection présidentielles de 2002, qui voyait s’affronter Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, de très nombreux évêques s’étaient déclarés sans ambigüité. Citons parmi eux Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis, affirmant qu’aucun « catholique clairvoyant » ne peut voter pour un candidat du Front national « son idéologie d’intolérance et de xénophobie, son projet nationaliste de repli sur soi, son refus de la différence sont aux antipodes de l’Évangile ».

S’il est bon que les catholiques de France trouvent en ce domaine un soutien auprès de leurs évêques, les laïcs que nous sommes ont à prendre leurs responsabilités. Nos valeurs sont d’abord inscrites dans l’Évangile avant d’être traduites dans la Doctrine sociale de l’Église. Chacune et chacun de nous a le devoir d’exercer son droit de vote. De plus, nous chrétiens, nous devons rechercher un discernement, un sensus fidei, autrement dit sentir ensemble ce qui va (ou non) dans le sens de la foi.

Pour ces élections régionales et départementales cette réflexion communautaire n’a pas pu être réalisée en raison de la situation où nous sommes Hors-les-Murs de Saint-Merry. Mais, d’ici les échéances de 2022, nous appelons chacune et chacun à se mobiliser. Relançons dès septembre un atelier « Foi & Politique ». Déjà, faisons part de nos réactions à cet article et recueillons les suggestions des ami(e)s qui nous lisent.

Michel Bourdeau

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