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Lettre ouverte à Michel Aupetit

Frère Michel, 
Dans le brouhaha qui vous assaille, rassurez-vous : je n’éprouve aucune satisfaction, mais plutôt de  la tristesse. Je réprouve le mélange fait scandaleusement, par certains médias, entre une supposée relation affectueuse que vous auriez éprouvée et les questions de fond que pose la réforme de l’Église. 

Marcher ensemble !

Contrairement à ce qu’affirment certains, Saint-Merry Hors-les-Murs, n’est aucunement impliqué dans une quelconque cabale contre vous. Au contraire depuis neuf mois il a multiplié les démarches pour que vous acceptiez le dialogue. Je sais d’expérience que la richesse de l’Église est d’être plurielle :

« À l’heure actuelle, il est si important
de marcher ensemble, de se rencontrer,
de s’écouter et de discerner ensemble… »

Cardinal De Kesel, Études, décembre 2021

Votre décision de remettre « entre les mains du pape » votre mandat ne répond à aucune des urgences que souligne la démarche synodale souhaitée par le pape François. Au contraire elle va figer les positions de chacun ; la vôtre confortée par votre confirmation, comme celle de ceux qui vous reprochent un exercice autoritaire et peu évangélique dans l’animation du diocèse.
Acceptons de parler en vérité au service de l’annonce de l’Évangile. Pour cela, comme modeste membre de ce Peuple de Dieu, je vous suggère d’organiser pour juin 2022 un grand Rassemblement du Peuple de Dieu qui vit à Paris. En retenant par exemple ces trois questions. 

Vivre en Peuple de Dieu

Comment répondre à l’ecclésiologie du Peuple de Dieu affirmée par le concile Vatican II ? Comment faire participer le plus possible ledit peuple dans sa diversité femmes/hommes, la variété des sensibilités spirituelles, les différences dans la lecture des Écritures. « De la crise actuelle émergera l’Église de demain… L’Église sera véritablement perçue comme une société de personnes volontaires. En tant que petite société, elle sera amenée à faire beaucoup plus souvent appel à l’initiative de ses membres », écrivait en 1969 le cardinal Ratzinger. À Paris quel conseil pluraliste faut-il créer ? Quels mécanismes seront mis sur pieds pour entendre la voix de tous et en particulier des plus fragiles ? Quel processus éclairera ceux (pourquoi pas celles) qui prendront les décisions ? 

Spécificité de la mission du prêtre 

Comment oser mettre à plat la question de la spécificité de la mission confiée aux prêtres ? Il ne s’agit en rien d’une « lutte des classes », ni de permettre aux laïcs d’exercer le pouvoir à la place de… ! « Vivre la coresponsabilité pour nous… c’était se donner la possibilité de changer le visage de l’Église » (J.-C. Thomas, Et vous m’avez accueilli. Contributions pour une Église vivante, éditions Salvator, 2021). 
À plusieurs reprises a été mise en cause la « sacralisation » de la personne du prêtre et de son rôle. « Le positionnement doctrinal reconnu au prêtre par la tradition peut se voir détourné par certains au profit d’abus de pouvoir, d’abus spirituels, voire de violences sexuelles », constatait le rapport de la Ciase, invitant l’Église à « s’interroger (sur) des causes structurelles », systémiques, des abus sexuels. Yves Congar, l’un des théologiens français ayant pesé sur la discussion lors du concile Vatican II, éclairait le service confié au prêtre en faisant de lui le témoin d’un « triple signe ». Une symbolique temporelle : le prêtre reliant la communauté au passé de toute l’Église. Une symbolique spatiale en veillant à chaque personne dans le groupe et en intégrant celui-ci dans l’universalité de l’Église. Une symbolique d’altérité en rappelant à chacun(e) que la mission lui est confiée par un Autre. Il faut y ajouter une symbolique d’invitation : le prêtre invitant toute la communauté au grand repas partagé par Jésus-Christ. 

Un langage au service de l’Évangile

Comment, pour être au service de l’annonce de l’Évangile, adapter les mots, le langage, les gestes de l’Église afin qu’ils soient compréhensibles par nos contemporains ? Dire une Bonne nouvelle exige, au moins, de se soucier d’être compris par ses interlocuteurs. L’Église n’a pas à s’adapter à toutes les modes de son temps, mais, à chaque génération, elle doit tenir compte des « peines et des joies » du monde qui l’entoure. Aussi bien dans les messages de vie qu’elle propose que dans la liturgie qu’elle célèbre. Le rendez-vous principal de l’Église, son unique rendez-vous sans doute, est bien de se laisser imprégner de l’Esprit d’Évangile et de savoir le partager.
Le grand rassemblement du Peuple de Dieu qui vit à Paris prendrait alors toute sa place dans la démarche synodale, « le rendez-vous que Dieu désire pour l’Église du 3e millénaire » (pape François). 
Oui, au-delà de légitimes divergences, riches de nos diversités, désireux de répondre à l’appel de la mission, rencontrons-nous sans tarder, et construisons ensemble. 

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guy
Guy Aurenche

Avocat honoraire, membre de la Commission Droits de l’homme de Pax Christi, ancien président de l’ACAT et du CCFD-Terre solidaire. À lire de Guy Aurenche : « Droits humains, n’oublions pas notre idéal commun ! », éd. Temps présent, 2018.

  1. Victoraye
    Victoraye says:

    Excellente lettre ouverte de Guy Aurenche au FRERE Michel Aupetit. Très respondsable et proposante pour l’avenir. Merci

  2. ALAIN CABANTOUS
    ALAIN CABANTOUS says:

    Merci Guy pour tes riches, libres et urgentes suggestions à l’archevêque. Mais comme tu l’écris au terme de ton premier paragraphe, il y a fort à parier que François refuse la proposition de Michel Aupetit et qu’ensuite les positions se cristallisent plus encore tandis que la gouvernance pastorale du diocèse restera en déshérence comme c’est déjà largement le cas.
    Car il s’agit d’abord et uniquement de cela, ce qui ressort clairement de l’article du Point. Soit au minimum pointer l’autoritarisme, l’enfermement et le refus permanent du dialogue. Le reste, c’est à dire, la potentielle relation amoureuse n’a strictement aucune importance à mes yeux, j’oserai même écrire “au contraire” (inutile de développer). Sinon à relever une fois de plus la confusion entretenue, sciemment ou non, entre célibat, chasteté et continence.
    Malgré les vœux que tu formules et que je partage entièrement, la synodalité dans le diocèse de Paris est donc bien mal partie. Qui peut s’en étonner ?

    1. Françoise Lanoy
      Françoise Lanoy says:

      L’expression “peuple de Dieu” me choque aussi profondément. Elle révèle le défaut commun à toutes les religions qui prétendent détenir la vérité : mettre à part leurs fidèles du reste de l’humanité considérée avec condescendance car ne disposant pas des lumières de la “vraie foi”. Même sl la condescendance n’exclut pas un désir sincère de servir également croyants et non croyants, il me semble que cette expression devrait être bannie.

  3. Jean Verrier
    Jean Verrier says:

    Merci Guy d’avoir saisi “le bon moment” pour lancer ce cinquième appel au dialogue, et pour l’avoir bien lancé, en laissant de côté cette supposée histoire intime qui serait scandaleuse aux yeux de certains, pour demander une réflexion de fond sur le présent et l’avenir de l’Église catholique romaine. Mais j’ai beaucoup de mal à imaginer que notre “frère évêque” y réponde.

    1. RADENAC Michel
      RADENAC Michel says:

      Guy, les 75 personnes de Granville et de St Pair/Mer, avec lesquelles tu as dialogué ce mardi 23 novembre “Pour une église en marche”, vont fort apprécier cette superbe lettre, faisant abstraction de cette soit disant relation, vraiment sans intérêt.

      Bien cordialement,
      Michel

    2. Paul Agius
      Paul Agius says:

      La définition de peuple de Dieu; c’est le peuple au service de tous. C’est ni une aristocratie (sauf celle du service) ni une décoration. Même si l’usage du mot est trop souvent falsifiée.

  4. ejejs
    ejejs says:

    pour parler à un eveque, on ne dit pas frère, mais Monseigneur… commencer par frère montre votre position bêtement idéologique et donc votre incompétence ecclésiologique et pastorale

    1. ALAIN CABANTOUS
      ALAIN CABANTOUS says:

      A ejejs : Votre remarque aigre et gratuite révèle surtout une ignorance historique abyssale.
      Par la même occasion, merci de nous signaler dans le Second Testament ou chez les Pères de l’Eglise la référence à cette désignation humant bon la naphtaline.

    2. Françoise Lanoy
      Françoise Lanoy says:

      Nous sommes tous frères et soeurs en Jésus-Christ. Par ailleurs, en régime républicain, s’adresser à une personne en l’appelant Monseigneur est franchement risible !

    3. Gosselin
      Gosselin says:

      Très belle lettre axée sur l’essentiel qui est une demande de dialogue. Bravo cher Maître et frère en Christ.
      Pour répondre à une autre personne, le terme “peuple de Dieu” est à associer à Peuple élu, lui-même élargi aux Gentils, soit à tous les incirconcis dans la chair. Je ne vois donc pas le problème de se référer à la Bible qui utilise elle‐même ce vocabulaire. Et puis, quelle joie de faire partie de ce peuple choisi. Joie qui doit nous entraîner au partage et à nous dépasser.
      Juste un mot pour St Merri : je trouve que toutes les églises devraient se transformer en St Merri, pour l’accueil des brebis souffrantes. Car le bon Pasteur étant le berger de tous, tous doivent trouver dans n’importe quel lieu d’Église le même accueil, le même regard, le même amour qui vient de Dieu. Je n’aime pas l’idée d’une église séparée, comme retranchée, et finalement marginalisée, soulignant ainsi qu’elle pourrait n’exister que pour des “mis à part” et ceux qui les accompagnent. C’est toute l’Église qui doit être accueillante à tous.
      Mais soyez bénis pour vos actions si grandes, si belles et si sincères, car Dieu aime ce qui donnent avec joie. Et c’est ce que vous faites. Encore bravo !

  5. Bernard Contraires
    Bernard Contraires says:

    J’aime bien Guy ta façon de confirmer Michel Aupetit dans son rôle et sa responsabilité.
    Ce n’est pas en agressant ou blessant les personnes que nous pourrons faire église, dans et hors les murs.
    Nous avons besoin de nous convertir à la possibilité de faire Peuple qui est plus exigeante que de faire nombre.
    Merci.
    Bernard

  6. Bernard Contraires
    Bernard Contraires says:

    J’aime bien Guy ta façon de confirmer Michel Aupetit dans son rôle et sa responsabilité.
    Ce n’est pas en agressant ou blessant les personnes que nous pourrons faire église, dans et hors les murs.
    Nous avons besoin de nous convertir à la possibilité de faire Peuple qui est plus exigeante que de faire nombre.
    Merci.
    Bernard

  7. Marc Deschamps
    Marc Deschamps says:

    Utiliser la formule “frère” me semble beaucoup plus conciliante que celle de Monseigneur. En effet même le pape l’utilise pour appeler à la fraternité et l’égale dignité des baptisés. Fratelli tutti ! Sur le fond, cher Guy Aurenche, ton appel à un vrai dialogue permettra, si de tous côtés advient cette volonté de fraternité, non pas de passer outre et comme par magie les difficultés actuelles de notre Eglise de France, mais d’entrer chacun en conversion. C’est à peu près ce que tu m’as dit un jour où participant à Ermont – Val d’Oise – à la présentation d’un de tes ouvrages (Stanislas Lalane notre évêque était présent) je te disais nos difficultés d’équipe CCFD avec notre équipe de prêtres pallotins camerounais. Cela m’a été d’un grand profit. Il nous faut, nous les laïcs et les prêtres faire en permanence des pas vers l’autre, vers tous les autres et c’est ce que tu suggères. Que voilà, une fois de plus, une excellente idée. Merci Guy.

  8. ALAIN CABANTOUS
    ALAIN CABANTOUS says:

    La décision est tombée, cher Guy. Nous avions tout faux et c’est bien ainsi. Sa rapidité prouve, à mon sens, que bien des choses concernant la gouvernance d’Aupetit médiocre apparatchik et illustration éclatante du principe de Peter, étaient depuis longtemps dans les tuyaux vaticanesques surtout lorsque l’on connait la vitesse de croisière de la curie romaine qui croit encore avoir l’éternité pour elle, la naïve.
    Dès lors, cette histoire amoureuse putative, paresseusement présentée comme LA cause, ne tient pas la route sinon à penser que le pape (en ayant d’abord refusé la démission de Barbarin et celle de Woelki à Cologne) tiendrait la liaison d’un ordonné avec une femme comme plus grave que les non-dénonciations de pédophiles de ces deux Nosseigneurs (pour faire plaisir à ejejs) susnommés.
    En outre, la nomination de Georges Pontier, comme administrateur, peut s’avérer un indice de l’état dans lequel se trouve aujourd’hui le diocèse de Paris. En effet, particulièrement pastoral, Pontier, au lieu de couler une paisible retraite tarnaise, semble voué à apaiser les tensions dans les diocèses où l’évêque a déchiré la communion. Il avait été déjà appelé à cette tâche ingrate après le départ pour raison d’âge du sinistre Cattenoz, en Avignon, il y a quelques mois.
    Ta lettre invitante, avec quelques modifications désormais, garde pourtant bien toute sa valeur pour le nouvel archevêque. Espérons que François sera moins sensible au lobby conservateur français qui continue de sévir à Rome et y regardera à deux fois avant de nommer par exemple le prince Eric de M.B., autre “créature” (au sens du XVIIe siècle) de feu Lustiger.

  9. Lucie
    Lucie says:

    Et voilà ! À la surprise générale et contrairement à toutes nos prédictions désabusées … Frère Michel a été relevé de ses fonctions… on n’en saura sans doute jamais la vraie raison, mais quelle importance ? À l’évidence des raisons il y en avait bien suffisamment…
    Pour moi deux conclusions, au moins : 1) le pire n’est pas toujours à craindre, même quand c’est très mal parti… 2) l’Esprit est à l’œuvre et Gérard Pontier à la manœuvre, une vraie chance à saisir !
    Avec un addendum crucial : il n’y aura de dialogue constructif que si chacun de nous fait l’effort de mettre un peu moins de vinaigre et un peu plus de bon vin dans ses propos…

  10. ALAIN CABANTOUS
    ALAIN CABANTOUS says:

    Chère Lucie,
    Vous écrivez que nous ne connaîtrons jamais les causes véritables de l’éviction express d’Aupetit en ajoutant “mais quelle importance?”. Vous avez probablement raison à ceci près qu’il ne faudrait pas prendre les enfants parisiens du bon Dieu, et les autres d’ailleurs, pour des canards sauvages.
    La réponse du pape à la question d’un journaliste sur le sujet est, excusez-moi, lamentable et totalement irrecevable. Comme si l’évêque de Rome paraissait ne pas savoir grand chose, notamment avec son développement spécialement emberlificoté sur la supposée relation intime qu’Aupetit aurait entretenue et qui n’a, franchement, pas beaucoup d’intérêt. Officiellement, ce dernier aura donc été viré en raison de la progression insupportable de commérages qui enflaient depuis…une semaine. C’est évidemment se moquer du monde et, une nouvelle fois, occulter la vérité à laquelle les cathos aussi ont droit même si la sainte église les a formatés autrement depuis des siècles.

  11. Isabelle
    Isabelle says:

    « Qu’y a-t-il à changer dans l’Église ? » demandait un journaliste à Mère Teresa. « Vous et moi » répondit la sainte. Seuls les sages savent qu’il leur faut commencer par eux-mêmes et que si nos péchés étaient dévoilés à la face du monde, nous serions tous confondus par l’opprobre et la honte…

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