« Rédiger un “cahier de doléances – vœux et demandes –, le proposer au débat est nécessaire, c’est maintenant urgent. Chacun peut le faire, doit pouvoir le faire. Réunir les “cahiers”, les faire circuler, les transmettre aux évêques et à Rome, c’est participer concrètement au synode ».
Premier volet et premier carnet – d’une série de cinq – de Patrice Dunois-Canette.
L’Église, si elle veut participer aux débats de tous avec tous sur le bien commun,
la liberté, la fraternité, si elle veut pouvoir s’asseoir à la table de ceux qui cherchent
à construire une société plus humaine, et être écoutée pour ce qu’elle est, devrait,
selon moi :
> cesser d’infaillibiliser une « loi naturelle » censée dire en tout la vérité, le beau, le bien, le vrai, notamment dans l’ordre sexuel et familial, comme un dogme ; s’éloigner d’une sorte de fondamentalisme de la loi naturelle ; revisiter, questionner ce concept incertain ; repenser le rapport de cette notion à l’interpellation évangélique ; replacer l’individu, sa liberté, son histoire au cœur du discours.
> Apprendre à parler de la sexualité autrement que dans « le cadre indissoluble du sacrement de mariage et du lien indéfectible entre union et procréation » ; évoquer le plaisir autrement que comme ne faisant pas partie de la nature idéale, mais seulement de la nature déchue, autrement que voulue par Dieu, comme un simple moyen et non une fin en soi ; revoir dans cette dynamique son discours sur la contraception, la sexualité hors mariage, la masturbation ; mais aussi l’homosexualité.
> S’interroger sur la pertinence d’un discours anti genre outrancier, la dénonciation d’une « théorie du genre » qui s’avancerait plus ou moins masquée, serait la matrice de toutes les dérives possibles d’une société cherchant à s’auto-émanciper de la création et du Créateur ; se demander pourquoi le genre constitue l’un des deux principaux fronts (avec la bioéthique) sur lesquels se mobilisent aujourd’hui les autorités catholiques, pourquoi celles-ci réagissent aussi brutalement face à un champ de recherche en essor et encore foisonnant.
Le courant des études de genre propose une démarche de réflexion sur les identités sexuées et sexuelles, répertorie ce qui définit le masculin et le féminin dans différents lieux et à différentes époques et s’interroge sur la manière dont les normes se reproduisent jusqu’au point de paraître naturelles. La « gender theory » voudrait nous libérer de la condition de notre corps sexué et de la différence sexuelle. En relativisant les rôles assignés dans les cultures traditionnelles, elle militerait pour une société où chacun décide de son sexe et de son orientation sexuelle, nierait toute importance à la différenciation génitale de l’homme et de la femme, constituerait le corpus idéologique utilisé par les lobbies gay pour défendre leurs idées soumises au législatif, notamment le mariage dit homosexuel.
Rédiger un « cahier de doléances »
Patrice dunois-canette
– vœux et demandes -, le proposer au débat
est nécessaire, c’est maintenant urgent.
Chacun peut le faire, doit pouvoir le faire.
Réunir les « cahiers », les faire circuler,
les transmettre aux évêques et à Rome,
c’est participer concrètement au synode.
> Cesser d’annoncer le salut comme si c’était elle, l’Église, qui sauvait.
> Renoncer à se présenter toujours comme détentrice et gardienne d’un plan divin clos et défini une fois pour toutes et contemptrice des manières de vivre de nos contemporains, de leurs choix ; Dieu ne dit pas que l’homme n’existe que par Lui et pour Lui, mais qu’il existe infiniment plus encore à travers Lui, par Lui, à cause de Lui. Dieu s’il existe nous veut libres, il ne veut pas que nous dépendions de lui, que nous lui soyons soumis, il ne veut pas d’une relation qui aurait quelque chose d’obligé, de contractuel. Le Dieu dont le Christ nous entretient est un Dieu qui nous veut créateur du beau, du vrai, du juste…, du progrès de l’homme et de la société. Il nous veut recommençant, réconcilié avec nous-mêmes et avec les autres, « ressuscités » et « ressuscitant », heureux !
> Se mettre enfin au clair sur ses discours à l’endroit des homosexuels : condamnation en même temps que miséricorde, pastorale condescendante et paternaliste.
> Manifester publiquement qu’elle célèbre toutes les familles, mais aussi toutes les sexualités quand elles sont rencontres, lieux de surabondance de vie, apprivoisements, dépassements, réajustements.
> S’interroger sur ce que ses liturgies, les gestes et symboles que celles-ci mettent en œuvre, donnent à voir d’elle-même : ségrégation de fait entre les baptisés clercs et laïcs, maintien d’un clivage insupportable entre les sexes, subordination des laïcs vus comme d’éternels mineurs et considérés moins catholiques que les clercs et les religieux ;
Ses messes telles qu’elles sont dites ne portent-elles pas une grande responsabilité dans le maintien du cléricalisme, ne contribuent-elles pas à cette sacralisation si nocive – et d’abord pour ceux qui en ont endossé l’habit – du ministère presbytéral, des fonctions et services hiérarchiques ? Ne distillent-elles pas, dimanche après dimanche, avec le consentement tacite et dévotionnel des fidèles, l’idée que les clercs d’une autre « nature » que les laïcs, seraient, eux, leurs rituels et prêches, infaillibles, pourraient échapper à toute remise en question ?
> Renoncer au principe de « liberté de religion » garantie en droit positif qui lui permet de faire appel à « candidature » pour le sacerdoce auprès des seuls garçons et d’exclure les femmes des fonctions cultuelles et de gouvernement, en toute impunité ; renoncer à la non applicabilité du principe de non-discrimination sexuelle, rompre avec un discours sur l’« être » féminin mobilisé pour justifier les limitations et exclusions des femmes ;
L’Église ne doit-elle pas accepter, au regard de l’égalité des sexes, une limitation de la liberté de religion entendue juridiquement comme « la liberté de former, de nommer, d’élire ou de désigner par succession les dirigeants appropriés conformément aux besoins et aux normes de toute religion ou conviction » qui l’autorise à se dispenser, se mettre en conformité avec les principes mêmes d’égalité de sexes qu’elle soutient ?
> Faire droit à la pluralité des cultures, à la diversité des trajectoires, des itinéraires, des modes et formes d’appartenance.
> Passer de la figure du « prêtre-père », regardée aujourd’hui comme insupportable à cause des crimes sexuels commis, ainsi que des emprises et des abus de tous genres qu’elle encourage, à une figure de « prêtre-frère » qui chemine avec tous dans la communauté, qui veut servir la croissance spirituelle du Peuple de Dieu pour la vie du monde, dans l’attente active d’une pleine réalisation des promesses de son fondateur, et qui, ainsi, agit en interaction avec un Peuple de Dieu qui est lui-même « sacerdotal, prophétique et apostolique ».
> Promouvoir et développer en interne une culture du débat, de l’acceptation et de la conduite du débat ; faire droit à l’expression des critiques internes.
> Autres…
Je me reconnais assez dans ce cahier de doléances qui cependant durcit exagérément, peut-être, la relation prêtre-laïc telle qu’elle serait vécue partout.
Merci d’insister sur la nécessité d’une remise à plat des discours sur et pratiques de la sexualité, de la relation homme-femme, etc. dans l’Eglise